La seule issue, pour l?inconstant, afin de s?assurer d??tre, ?ternellement inconstant, est d??tre constant et fid?le, pourvu qu?il en soit capable, ? la constance de son inconstance. En effet,?suivre fid?lement la ligne ou la courbe de son inconstance, est la constante de l?inconstant car l?infid?lit? est la seule fid?lit? dont il soit capable, une fid?lit? ? toute ?preuve, une fid?lit? sui generis et bien sp?ciale, la sienne?! En fait, on est d?rout? face ? tant d?inconstance, face ? cette facilit? de changer d?opinion, de r?solution, de sentiment ou de conduite?; l?esp?ce humaine est inconstante, l?inconstance est politique, sociale, ?conomique, ?cologique, scientifique, psychologique? Humaine, devrais-je dire, mais ce ne sont que des apparences, heureusement, l?essentiel de l?humanit? ?tant constant. L?inconstance, cette appellation att?nu?e de la trahison et de l?infid?lit?, peut avoir plusieurs synonymes dont le caprice, la mobilit?, la versatilit?, l?abandon, le l?chage ou encore, l?incertitude et l?instabilit?.

Etre inconstant, c?est ne pas avoir assez de constance pour conjurer son inconstance, constance veut dire ici, fermet? d??me, force morale, courage, patience pour combattre son mal, t?nacit? et pers?v?rance pour continuer ? se corriger. L?inconstance est malheureusement assez veule pour s?amender, c?est une conscience sans consistance, sans ?paisseur, sans solidit? ni fermet? pour pr?tendre au vrai changement. Le hic avec la personne inconstante, est qu?elle constate constamment son erreur mais s?obstine ? ne pas la corriger, ? moins qu?elle ne se trompe de constante et de d?faut, son vrai d?faut ?tant non l?autre, comme elle le croit - puisqu?elle en change et en ??rechoisit?? perp?tuellement d?autres - mais s?zigue, et son incorrigible inconstance.

Etre inconstant, c?est consigner par son inconstance, son inconscience, c?est prouver chaque jour, d?une part, son manque de lucidit? et de connaissance, et de l?autre, sa l?g?ret? et son irresponsabilit?. Un ?tre inconstant n?est qu?un adulte consentant ? se conduire en inconscient, c?est un enfant capricieux et lunatique qui refuse de grandir et d?assumer ses responsabilit?s, se souciant peu des malheurs qu?il s?me sur son passage. L?inconstance conspire toujours la perte et la chute de la constance, complote et ourdit ses peines et ses chagrins, sans que cela d?clenche chez elle la moindre crise de conscience. C?est un fait constant, assur? et av?r?, que l?inconscience, l?irr?flexion et la folie de l?inconstance qui peut briser les individus, leurs vies, leurs doctrines et leurs soci?t?s. Quand on est changeant, l?ger et versatile, la seule permanence ou r?gularit?, la seule invariabilit? possible, est la mobilit? voire l?instabilit?.

Si l?inconstant savait ? quel point il ?tait constant, assidu, pers?v?rant et obstin?, dans son inconstance, il s?en serait abstenu et retenu. Celle-ci est sa seule constante, sa caract?ristique invariable. La constance choisit le bon sens et l?inconstance choisit l?inconscience, l?ignorance et l?aveuglement, ce sont des unions qui durent toute la vie. Etre inconstant, c?est avouer ses ?checs et sa l?g?ret?, ? chaque inconstance, ou plut?t ? chaque instant, car qui d?pr?cie ce qu?il a appr?ci?, ne fait qu?avouer sa faute et son erreur. En un mot,?dans chaque inconstance, il y a un honneur et un bonheur en instance, mais pas n?cessairement ceux qu?on croit.

Cependant, toute inconstance est enceinte de r?demption ou de punition, elle peut engendrer le repentir et le rachat si elle rec?le des regrets profonds et sinc?res, comme elle peut finir en ch?timent -aper?u ou inaper?u- telle la continuit? de l?inconstance qui est, en elle-m?me, une grande punition. Les ?tres inconstants conspuent r?guli?rement, bafouent et huent continuellement la constance, par leurs innombrables inconstances car l?inconstance est d?avoir l?inconscience du sot et la constance du fou. C?est normal, puisqu?ils ne re?oivent ni les coups qu?ils donnent ni n?en ressentent l?intol?rable douleur.

Avoir de l?inconstance, autrement dit, se renier, ?tre parjure, c?est ?tre capable de trouver des d?fauts ? ce qu?on largue et des atouts ? ce qu?on acquiert, sans remords, c?est quitter les personnes qu?on a aim?es, les id?es auxquelles on a cru, sans que cela nous co?te la moindre larme de s?paration ou de rupture, sans ressentir le moindre regret. Apr?s tout, qui peut se targuer d?avoir les r?nes de son c?ur, de pouvoir lui dicter sa conduite?; la nature elle-m?me est inconstante, dirait-on, c?est la vie, et tout dans notre monde subit des variations : les saisons, les ?tres, les civilisations, le bonheur, le malheur, la veine, la d?veine, la fortune et l?infortune?Certes, mais l?inconstance, par ses humeurs et ses illusions, ses engouements et ses impatiences, ses go?ts et ses d?go?ts, ses vexations et ses amertumes, ses promesses et ses r?cidives, ses abus et ses rebuts, en acc?l?re les fluctuations et en accentue les injustices.

L?ennui avec ce vice, est qu?il en appelle d?autres tels la fausset?, la perfidie, le mensonge et l?hypocrisie, c?est une faiblesse d?esprit qui n?est pas excusable pour autant.?C?est une d?sescalade o? on n?accepte d??tre d?cill? que par des chim?res, o? on passe de d?sillusion en d?sillusion, o? on est incapable de jouir de ce qu?on a, o? on pr?f?re le r?ve ? la r?alit?, o? on choisit de l?cher ce qu?on a pour ce qu?on n?aura jamais, o? on fait son propre malheur et celui d?autrui.?Ce comportement toxique est une s?rie de projets qui n?aboutissent jamais, h?las, car arr?t?s en si bon chemin, mais qui empoisonnent, en premier lieu, les vies de ceux qui les perp?trent et, bien entendu, celles alentours.

S?n?que consid?rait le m?contentement de soi comme la cause principale de l?insatisfaction et de l?inconstance, et partant, comme des obstacles emp?chant la tranquillit? de l??me. En effet, c?est une agitation du corps et de l?esprit, c?est une absence d?unit? et de paix int?rieure, ce qui prouve du reste notre conditionnement aux plaisirs et notre penchant ? leur maximisation,?c?est une qu?te ext?rieure, et non int?rieure comme elle devrait ?tre, de la s?r?nit?, c?est une d?faite de volont? qui na?t d?une d?formation de la r?alit?, c?est une faim de nouveaut? et une soif d?excitation, jamais assouvies. En clair, on est responsable de sa constance ou de son manque car la tra?trise n?est qu?un manque de ma?trise. L?inconstance de nos pens?es, de nos r?ves, de nos envies, de nos aspirations, de nos paroles et de nos actions, ne fait que d?montrer notre irr?solution, nos h?sitations et nos flottements.

Pour d?crocher et passer du parti de l?inconstance ? celui de la constance, il faut beaucoup de constance, de courage, de t?nacit? et de continuit?, afin de pouvoir se d?saccoutumer, se fixer et arr?ter cet irr?sistible mais vain mouvement, c?est ce qui est curieusement ?lucid? par le mot constant, issu du latin?: constans, de ??constare??, s?arr?ter. Mais la constance de l?inconstance d?pend des circonstances de son d?gel, qui d?pendent, elles, de l?acceptation de la pathologie, de l?envie de d?passionner cette question g?nante et de la volont? de se d?p?trer de cette situation embarrassante, en vue de gu?rir.

La personne atteinte d?inconstance devrait apprendre comment entendre ses vrais besoins, comment reconna?tre ses vrais d?sirs, comment trouver la paix en ignorant ou en niant ce qui para?t lui faire d?faut, ce qui semble lui manquer, comment apaiser ses r?els manques et frustrations, comment soigner ses tensions, ses inqui?tudes et son ins?curit?, comment d?guster ce dont elle dispose et s?en contenter, comment vivre pleinement, ? la lumi?re de la r?alit? et ne plus t?tonner dans l?obscurit?, comment se d?partir de la croyance qu?il y a mieux ailleurs, de la vanit? qu?elle vaut mieux que ce qu?elle a, comment se lib?rer de la tyrannie du plus et du mieux, comment bien occuper le temps qui lui est imparti dans la vie, comment juger, ? leur juste valeur, les ?carts et les lubies dont elle fait ?talage, comment avoir assez de maturit? pour s?accepter, se r?signer ? accepter son lot et assumer ses choix, comment r?viser l?id?e erron?e qu?elle se fait de la responsabilit? et de la libert?, comment rechercher les raisons de son m?contentement chez elle, et non chez l?autre, comme elle a l?habitude de le faire, comment cesser d?arguer de l?absence, de la monotonie et de la saturation, ces pr?textes de l?inconstance,?comment cesser de courir derri?re ce qui est ?ph?m?re et sans lendemain, et partir ? la qu?te de l?essentiel,?comment cesser de prendre ses gains pour des pertes et ses pertes pour des gains, comment cesser de minimiser les cons?quences, l?ampleur et l?impact, de ses changements et de ses actes, enfin, comment ?tre inconstante et infid?le ? son inconstance?!