Les aphorismes de Nouhad : « Le bon se vêt de biens et le mauvais, de maux, se vêt. »

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Ce n?est pas tailler un costard au mauvais ni l?habiller pour l?hiver que d??num?rer ses d?fauts. Ceux-ci, innombrables d?ailleurs, n?ont nul besoin d??tre compt?s mais coup?s ? la racine. Cependant, les termes mal et mauvais, qui participent du code, des m?urs et des valeurs de chaque soci?t?, de chaque temps et de chaque lieu, sont sujets ? controverses?: le mauvais est-il le mauvais historique, actuel, religieux, immoral, int?rieur, ?tranger, accidentel, p?renne, d?lib?r?, oblig?, cruel, indiff?rent, sadique, masochiste, d?moniaque?? Comment d?finir le mal de mani?re d?finitive et objective, universelle et atemporelle??

Le manich?isme - comme toutes les religions qui se veulent universelles - a tent? d?apporter des r?ponses ? la dualit? du bien et du mal. Mani, depuis le troisi?me si?cle, professait la coexistence et la lutte ?ternelle de deux principes?: l?un bon, symbolis? par la lumi?re?; l?autre mauvais, figur? par les t?n?bres. Par d?rivation et simplification du terme, on taxe de manich?enne, une pens?e ou action sans nuances, voire simpliste, o? le bien et le mal sont clairement d?finis et s?par?s. Or, on sait pertinemment qu?ils peuvent ?tre ind?m?lables et inextricables, sans la lumi?re du savoir et de la sagesse.

Les philosophes et les penseurs, ? travers l?Histoire des id?es, marquent la diversit? de la r?flexion sur le bien et le mal, la vertu et le vice, l?obligation de discerner les uns des autres, la valeur morale de ce qui est tout de bon cl?ment, juste, charitable, magnanime, g?n?reux, honn?te, louable. Ce n?est m?me pas un id?al ou une perfection, mais un devoir?:???il faut que chaque homme ?labore dans sa propre chair le bien et le mal ?, dirait Audiberti. Mais le hic, c?est que nous n?avons pas assez de force pour supporter nos maux alors que ??nous avons tous assez de force pour supporter les maux d?autrui??, r?pliquerait La Rochefoucauld,?par inattention, indiff?rence, ?go?sme, x?nophobie ou cruaut?.

Comment alors ?viter?la surdose de ??moraline?? comme l?appelle Nietzsche?? Car la morale peut ?tre, non seulement liberticide, cruelle et invivable - la trajectoire du temps et des civilisations le prouve - mais?risque de tourner ? l???auto l?gende?? ? laquelle chacun s?accroche, comme si elle ?tait la meilleure et la plus authentique r?alit?, oubliant qu?un bien ici, est un mal sous d?autres cieux?!?Aussi, le mal serait-il susceptible d?autres sens, notamment courir apr?s les biens de ce monde, au risque de d?mentir ce proverbe?cher aux capitalistes car n?admettant pas de partage : ??abondance de biens ne nuit pas?!?? Erreur, le souverain bien, le vrai bien, le bien supr?me abonde dans tous les sens, en t?moigne?Camus?:???le bien public est fait du bonheur de chacun??.?Maldonne, ? refaire?!

Mais pour ne pas tourner tout en mal, disons que?le mal a aussi du bon, puisqu?il apprend le bien ? celui qui le vainc et le mal ? celui qu?il vainc. En effet, tout mal n?est pas bon ? lapider car une fois vaincu et accul? au mur du bien, il ne peut que se caser ou se casser, pour laisser le champ libre au bien.?Autant le bien augmente et s?agrandit, autant le mal se rapetisse et s?amoindrit. Et pour cause, la pl?nitude de la bont? fait le bonheur du bon, du mauvais et de tous. Celle de la mauvaiset? ne fait le bonheur ni de l?un ni de l?autre. Moralit?, la seule mani?re de vaincre le mal ou de l?atteindre, est de toujours faire du bien.

Le mal pose aussi le probl?me de la souffrance et de la peine qui sont salutaires?;?des fois, il faut savoir rendre hommage au mal constructif et ?difiant?: un mal n?cessaire, un mal pour un bien, celui de l?affliction, de la d?solation et de l??preuve qui prouve, en nous ?prouvant, notre existence,?celui de la douleur et du malheur convertibles, une fois qu?on en triomphe, en bonheurs et honneurs d?cern?s par cette m?me adversit? qui les a sem?s sur notre chemin.

??Dans ce monde, d?apr?s Marivaux,?il faut ?tre un peu trop bon pour l??tre assez.??Trop bon dans le sens de patient, dirais-je, cl?ment, compr?hensif et tol?rant, envers la faillibilit? et la l?g?ret? de l??tre, en g?n?ral, comme on l?est envers soi, afin de permettre son repentir et son rachat, favoriser ses regrets et sa r?demption, et, chemin faisant, pr?parer, gr?ce au pardon et aux le?ons qu?il apprend, sa transcendance et sa transfiguration. C?est pour cela qu?il ne faut pas r?pondre au mal par le mal, non qu?il faille avoir le mal ? la bonne et avoir, pour lui, toutes les indulgences mais?le bien sied au bien et au mal alors que le mal ne sied ni au mal ni au bien, ni ? rien.

La technique du d?montage, cit?e pr?c?demment, et dont l?autocitation, en haut de la page, n?est pas le seul exemple, permet de d?mystifier le mythe du mauvais et de le rendre vivant, de mettre en relief et de rehausser l??nergie incommensurable dont il fait usage pour rechercher, s?entourer et se parer de maux. En d?montant le mot mauvais, on obtient?phon?tiquement : /mo/ et /v?/, typographiquement?: ??maux et v?t?? ou ??mots et vais???En? remontant? diff?remment, mais savamment, ces monosyllabes, on obtient de nouvelles perceptions susceptibles?de d?voiler la dynamique du mot, son mouvement, son dialogue interne, des lectures capables d?explorer son imaginaire?et?d??clairer sa coh?rence?et son encha?nement logique tel un texte qui pr?senterait ses arguments d?autorit? (ses fragments) pour d?fendre sa signification et le sens de sa vie, car qui veut raconter la vie d?un mot n?a qu?? le fr?quenter, le respecter et l??couter pour rapporter. C?est le pouvoir du mot, le magist?re de sa saveur et de son savoir. ??

Ce recollage r?pond ? plusieurs intentions et pr?occupations dont l?esth?tique de la surprise ou l??vidence de la trouvaille ne sont pas les moindres. La tentation de mettre en d?sordre, la fascination de fragmenter et le plaisir d?imposer un nouvel ordre au mot, casser et recoller magiquement les morceaux, sans qu?il n?y paraisse, faire ?clore diverses appr?hensions, ? la fois, g?n?ratrices et interdictrices, permet de lib?rer les richesses dont le mot regorge et de le d?charger des secrets qu?il garde jalousement et qu?il refuse de d?livrer.?Loin du structuralisme linguistique, partir du mot pour y revenir, c?est ?galement affranchir cette ?nergie li?e, contr?l?e et censur?e par le groupe, le consensus, le parti pris, la toute-puissance de l?usage, le pr?jug? inhibant? la cr?ativit? et abrutissant la pens?e.

Cela peut rejoindre des tropes ou rappeler des figures de style telles les allit?rations, les assonances, l??cho, le parall?lisme, le chiasme?Mais cette technique qui d?cortique et diss?que avant de rassembler et de r?unir, insiste beaucoup sur l??clatement du sens de l?int?rieur du mot lui-m?me et sur la pluralit? des combinaisons, des associations et des correspondances, ce qui donne lieu ? de multiples connotations qui d?notent la non absoluit? de la v?rit?, tout en mettant en ?vidence ses facettes infinies et cach?es.

Aussi, aurions-nous une myriade de propositions?selon le raisonnement, les convictions et la subjectivit? de chacun.?Relativit?, certes, mais participant de l?action de la signification?car elle engage un jeu triangulaire entre le lecteur, l?auteur (et leur inconscient) et la repr?sentation (culturelle, religieuse, morale?) o? se fait l??change de l??nonc? ou de la pens?e.

En voici quelques exemples :

Un?seul mal ne suffit pas au mauvais, il lui faut des maux.?????????????????????????? ? ? ? ?

Les maux nous viennent ? tous, hormis le mauvais qui y va.?Chaque jour que Dieu fait, le bon se r?p?te ? je fuis les maux??, tandis que le mauvais rousp?te?: ??aux maux, je vais??.?????????????????????????????????????????????????????? ? ? ??

Les mauvais recherchent les maux, au moindre mot.??????????????????????????? ? ? ? ? ? ? ?

Le mauvais v?t et rev?t les maux dont il choisit les dimensions. ? ? ? ? ? ? ? ? ? ?

Le mauvais ne mesure pas l??tendue de ses maux qui le d?passent. ? ? ? ? ? ? ??

Le mauvais n?a pas la m?me taille que ses maux, c?est pour cela qu?il s?en taille toujours d?anormaux. ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ??

Au?mauvais vont tous les maux car il les a tous essay?s.??????????????????????? ? ? ??

Pour conna?tre un mauvais, il faut cerner tous ses maux.?????????????????????????? ? ? ? ? ?

Le mauvais contient des maux de trop. ??????????????????????????????? ??

Le mauvais va aux maux, au bas mot.

En attendant de faire la part belle au bien en mal d?appropriation, de gratitude et de reconnaissance, ce bien vacant et sans ma?tre, cet orphelin toujours mal r?tribu?, le moment n?est-il pas arriv? de cesser de pointer l?autre du doigt?et de l?accuser de tous les maux, de se regarder en face et de se dire?avec courage :?le mauvais, c?est moi car aux maux? je vais ?

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