Les aphorismes de Nouhad : « Le début de la connaissance est, certes con, mais tout le reste est naissance »

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Le th?me de la connaissance pose des probl?mes ?pineux?tels le savoir, la science, la prescience, la conscience, l??rudition, la compr?hension, l?intuition, l?intelligence, la lucidit?, la comp?tence, l?instruction, l?enseignement, l?apprentissage?Et par antonymie, en expose d?autres comme le doute, l?ignorance, la connerie, l?inconscience, l?inexp?rience. Sans oublier ceux qu?il suppose ou impose comme moyens de son acquisition?: esprit, c?ur, raison, entendement, intellect, imagination, pens?e, m?ditation, r?flexion, inspiration, divination?

Il est vrai que la connaissance, de nos jours, n?est plus un exploit et ne rel?ve plus de la d?mesure puisque, comme le signale?Ernest Renan?: ??le simple ?colier sait maintenant des v?rit?s pour lesquelles Archim?de e?t sacrifi? sa vie??. Mais attention, noterait?Montaigne, ??savoir par c?ur n?est pas savoir?: c?est tenir ce qu?on a donn? en garde ? sa m?moire???et ajouterait-il,???une t?te bien faite vaut mieux qu?une t?te bien pleine??. C?est que celle-ci est l??uvre des autres alors que celle-l? est l??uvre de Dieu et le fruit du travail pour entretenir ce don, c?est le r?sultat de l?instruction, de la correction et de l?oubli?? la culture, c?est ce qui demeure dans l?homme lorsqu?il a tout oubli??,?nous rappelle?Henriot. C?est pour cela que la seconde finit toujours par se vider tandis que la premi?re ne d?semplit jamais.

La connaissance, par ailleurs, ne pose pas de limites, ni ? son sujet ni ? son objet : connaissance de soi, des autres, du monde, de l?univers, du moment qu?elle est consciencieuse.???Science sans conscience n?est que ruine de l??me??,?dirait?Rabelais. Depuis l?Antiquit?, philosophes et penseurs se sont pench?s?de pr?s sur elle : de?Socrate ??connais-toi toi-m?me?????Paul-Jean Toulet ??apprends ? te conna?tre, tu t?aimeras moins?; et ? conna?tre les autres, tu ne les aimeras plus??,?en passant par Montaigne???qui se conna?t, conna?t aussi les autres?; car chaque homme porte la forme enti?re de l?humanit? condition??.

Mais il est assez curieux qu'un mot de cette envergure, connaissance, commence par le mot con, son contraire, comme pour insister sur l?erreur, l?ignorance et l?inintelligence de tout d?but de connaissance. Con, sot, absurde, d?bile, cr?tin, ne l?est-on pas tous un peu?? Et nos erreurs, ne le sont-elles pas toutes, compl?tement?? Mais heureusement, ce mot magique qui contient le mal et le rem?de, finit en beaut?, en esp?rance, avec le mot naissance, comme pour souligner l?apport de toute connaissance, ? savoir la naissance ou la renaissance ? soi et au monde.

La connerie ou l?erreur, parlons-en, est le revers de toute connaissance car elle en est, ? la fois, le d?but et la fin, le chemin et le guide, la cause et l?effet , le moyen et le but, l?achoppement et l?accomplissement.???La connaissance s??labore contre une connaissance ant?rieure??,?affirme?Edgar Morin. En fait, elle est parsem?e d?illusions et d?assurances, ces croyances qui deviennent des certitudes?;???la connaissance est une navigation dans un oc?an d?incertitudes ? travers des archipels de certitudes??, remarque?Dominique Wolton.

De ce fait, on ne peut dissocier le savoir de l?erreur, la connaissance de l?ignorance, ces deux ?tant ind?m?lables, au point de se confondre car des fois,?savoir ignorer est un grand savoir. Toutefois, et aussi bizarre que cela puisse para?tre, c?est l?erreur qui corrige le savoir, elle en est l?am?lioration, l?approfondissement et le perfectionnement. L??volution de la science le d?montre mais le savoir ?tant limit?, tout en ?tant illimit?, r?duit tout en ?tant immense, comment s?en assurer?? La connaissance peut-elle donner des r?ponses d?finitives?? En l?absence d?une r?ponse fiable, il faut avouer qu?on reste sans connaissance devant la connaissance. Celle-ci n??tant ni immuable ni universelle,???Il est donc impossible d?avoir une connaissance s?re de ce qui est en perp?tuel changement??, conclurait?Jostein Gaarder. C?est pour cela que toute connaissance s?accompagne d?endurance et s?arme de patience afin d?annuler son c?t? con et agrandir son c?t? naissance.

La connaissance, par ailleurs, pose le probl?me de la puissance et du pouvoir car le savoir peut conf?rer un magist?re et une autorit? hors du commun ? celui qui le poss?de, c?est pour cela que, d?un c?t?, il est craint, envi? ou ha? et de l?autre, respect?, pris? et recherch?. Certes,???la connaissance est en elle-m?me puissance??,?assure?Francis Bacon?car elle est??la cl? du pouvoir, de la sagesse??,?soutient?Kid Confucius?mais en attendant, on se contente de savoir sans sagesse car???la?connaissance vient mais la sagesse tra?ne??, ironise?Alfred Tennyson. D?o? le danger de la parole et de l?acte qu?il ne manque pas de d?clencher et qui, s?inscrivent dans sa lign?e, comme suite logique et indubitable de tout enseignement digne de ce nom. C?est ce qui distingue la conscience, la responsabilit? et l?engagement de leurs manques, l?intellectualisme agissant du passif?:???un intellectuel assis va moins loin qu?un con qui marche??,?raillerait?M. Audiard.

Il semble que je ne sois pas la seule ? utiliser le mot con, qui r?sume l?histoire et la condition humaine et que je n?emplois, cependant, pas par m?pris car j?ai beaucoup trop d?estime pour l??tre humain et pour la connaissance. Ce n?est pas, non plus, pour prof?rer des propos frondeurs, sans d?f?rence ni retenue, c?est plut?t par souci d?amendement et de v?rit? que je le serine, en l?occurrence, dans cet article, car comme le souligne?Boileau, ??l?ignorance est toujours pr?te ? s?admirer???alors que la connaissance pense tout, ? commencer par son ignorance et ses erreurs?:???conna?tre son ignorance est la meilleure part de la connaissance??,?atteste?Simone Weil.

Voici, encore une fois, un exemple de la technique?mot sur mot,?d?velopp?e dans le recueil de pens?es et d?aphorismes ?ponyme. Il s?agit d?agir sur le mot - apr?s avoir subi son action- et de la faire subir ensuite ? autrui, ? travers des fragmentations et des remodelages choisis, ou impos?s, par une connotation -non personnelle- et une interpr?tation intime mais rh?torique du mot qui fr?le l?objectivit?, sinon la v?rit?,?c?est la subjectivit? impos?e.?Imposer sa lecture, ici, s?entend dans le sens de convaincre sans grande subjectivit?, c?est faire parler la m?moire du mot qui sauvegarde sa v?rit?. C?est remotiver ses sens?en lui pr?servant sa coh?rence?(comme un texte) car la signification que rev?t le mot ?mane de l?int?rieur, de sa constitution,?de son encha?nement logique?et de son ?tre essentiellement, et non de la seule interpr?tation de l?auteur ou du lecteur qui risquent d??tre trop tendancieuses donc erron?es.

Les pens?es suivantes sont obtenues au moyen de cette technique qui s?est impos?e gr?ce ? son ?vidence (la composition du mot qui cr?ve les yeux), ? sa logique interne (c?est le mot lui-m?me qui se d?clare et pr?ne sa signification) et ? son exhaustivit? (la forme est absolument conforme au fond, ce qui donne la compl?tude au sens), nous prouvant encore une fois qu?une forme bien pens?e refl?te un fond bien sens? (penser la forme du mot, c?est en d?gager un ou des sens bien fond?s).

Analysons, ? titre d?exemple, ce premier aphorisme?:?Pour que la connaissance passe ? la naissance, il faut la d?barrasser de tout ce qui est con.?Cette formule, ? l?instar de la majorit? de celles qui vont suivre, est correcte formellement et s?mantiquement : si on d?barrasse la connaissance du pr?fixe?con, on aura le mot?naissance?et parall?lement, pour obtenir la naissance comme fruit de la connaissance, il faut d?barrasser celle-ci de toutes les erreurs et absurdit?s qui peuvent l?accompagner et la fausser. Donc, la pens?e est vraie sur les deux plans qui se compl?tent pour donner naissance au sens flagrant de cet ensemble clos -qu?est le mot avec ses ?l?ments li?s et ciment?s- et rendre compte de?sa litt?rarit?.?En voici d?autres exemples?:

A besoin de renaissance, qui a besoin de reconnaissance, l?une ?tant contenue dans l?autre.

La connaissance fait partie de la grande reconnaissance.

D?lestez la connaissance de son con, elle muera en naissance et se multipliera par les reconnaissances.

Heureusement, sur la balance juste et sensible de la connaissance, le plateau naissance p?se plus lourd que le plateau con. Il ne tient qu?? soi de ne pas fausser la mesure.

Accepter d??tre connu, c?est risquer de passer pour un con et d??tre mis ? nu.

Connaissance et naissance riment bien, connaissance et puissance, moins bien.

La vraie connaissance fait fi de toutes les puissances.

Conna?tre la connaissance, commence par reconna?tre sa racine de con et sa d?sinence de naissance.

Qui cherche la connaissance, n?en a cure des reconnaissances.

La naissance et la connaissance sont les passages oblig?s vers la reconnaissance ou la m?connaissance.

Pour conna?tre et na?tre, il ne suffit pas d?avoir connaissance, il faut surtout la perdre.?

Pour faire la connaissance de la connaissance, il faut d?abord faire celle de la connerie et de l?erreur.

Dans la connaissance, il est des lumi?res qui aveuglent plus qu?elles n??clairent.

Conna?tre, c?est na?tre con et apprendre, tout au long de sa vie, ? na?tre.

Les connaissances portent souvent pr?judice ? la connaissance.

La vraie naissance est l??ternelle qu?te de la connaissance et vice-versa.

Conna?tre, c?est tuer le con en soi et rena?tre ? chaque fois.

Plut?t ?tre homme inconnu que m?connu, le premier ?tant simulacre d?un homme connu.

On choisit d?abr?ger ou d?allonger sa naissance et sa connaissance. Il y va de m?me de la reconnaissance ou de la m?connaissance.

Un d?but con risque de saper tout projet de naissance ou de renaissance.

Le proc?s de la connaissance humaine est intent? d?s la naissance. C?est un huis clos ?ternel s?ouvrant sur son d?but.

La naissance de la connaissance r?side dans la perte de toutes les connaissances.

La connaissance est pire que les connaissances car elle influe plus qu?elles.

Dans certaines connaissances, con est, non un pr?fixe, mais un radical.

Conna?tre est sur le chemin d??tre connu et reconnu.

La connaissance est un fond sans comble, la vanit?, un comble sans fond.

Sur le chemin de la connaissance, les d?penses sont des ?conomies et les ?pargnes, des pertes.

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