Un ratage de la diplomatie culturelle

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Il y a vingt ans, à l’occasion d’un voyage en Andalousie, j’avais noté l’existence d’un mouvement culturel en faveur de la part mauresque de l’Andalousie. J’ai pu constater cet été que ce mouvement se renforce en Espagne, mais aussi au Portugal. Des intellectuels, souvent de gauche, mais aussi des historiens et de simples citoyens, se battent pour sauvegarder la mémoire de l’Islam ibérique.

Ce n’est pas un épiphénomène. Dans le sud du Portugal, il y a des associations dédiées à ce sujet. Or, sur les cinq siècles de présence musulmane en péninsule ibérique, près de quatre ont été essentiellement marocains. De même, la présence portugaise d’abord puis espagnole fait partie de notre histoire.

Nous ne réussissons pas à fructifier ce passé commun. Mario Suarez, vieux et toujours en vie, voulait absolument investir dans le maintien des monuments portugais. A Safi, une cathédrale d’inspiration gothique, unique dans son genre, puisqu’elle est à deux mètres d’une mosquée, est construite non pas en hauteur mais en contrebas, est à l’abandon. L’erreur historique c’est de ne pas avoir considéré que ces liens cultuels mais aussi culturels pouvaient renforcer les liens et faciliter les discussions sur les sujets d’actualité. Il y a moins de relations culturelles profonde entre la France et le Maroc, qu’entre nous et la péninsule ibérique. Mais à l’indépendance, les hispanophones ont été submergés par les francophones, qui, prenant le pouvoir au sein de l’élite, et parce que Espagne et Portugal étaient des pays sous-développés, ont préféré nous lier à l’Hexagone.

Aujourd’hui les enjeux sont multiples. Le courant culturel décrit plus haut nous permet d’intervenir de manière profonde dans un débat sur l’universalité et l’interconnexion de l’histoire. L’Islam de Cordoue a servi de jonction entre la civilisation gréco-romaine et la renaissance en Europe. Un centre, ouvert au public, est dédié à ce sujet. On y explique la pensée de Maïmonide, d’Alphonse Le Sage et d’Ibn Arabi pour la coexistence et la convivialité et  non pas la tolérance qui signifie la supériorité du tolérant sur le toléré. Ce centre existe depuis trente ans, qu’avons-nous d’équivalent ? Rien !

Si l’on ranime ces lieux, on répondra au racisme montant d’abord, et surtout, on jettera les germes d’une coopération indépendante des majorités factuelles. Malheureusement, la culture est le parent pauvre des politiques publiques, alors qu’elle pouvait être un axe fondamental. Pour le moment, ce sont les Ibériques qui défendent nos siècles des lumières. C’est affligeant !