2666

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Vais-je r?ussir ? vous encourager ou ? vous d?courager ? lire 2666 ? Une chose est certaine. Quand on arrive ? venir au bout de ces plus qu?un millier de pages on devient membre d?une secte particuli?re, celle qui continue ? croire que la litt?rature, la culture et l?art sont les seules armes destructrices du Mal et des ?uvres de Satan sur cette terre

??On ne devrait lire que des livres qui nous piquent et nous mordent. Si le livre que nous lisons ne nous r?veille pas d?un coup de poing sur le cr?ne, ? quoi bon le lire ?? ?? Le roman dont je voudrais vous entretenir est de ceux l?, dont parle Franz Kafka. Le titre est 2666, c?est un r?cit de 1353 pages, publi? ? titre posthume, d?un auteur engag? chilien qui s?appelle Roberto Bolano, salu? unanimement par la critique et qui fut couronn? de nombreux prix. Il a fallu que mon ami, lecteur exigeant, Noureddine Sail, me l?offre pour que je d?couvre ce qu?on appelle un roman total ou un r?cit- monde. Mais est ce un roman? Ce sont les h?ritiers de Roberto Bolano et son ?diteur qui ont fait de cinq romans un roman multiple, foisonnant, apparemment sans d?but ni fin, ?clat?, d?routant, vertigineux. C?est un livre dur ? lire et qui fut probablement, aussi dur ? ?crire. Essayer d?en parler dans une chronique de quelques lignes est un d?fi, une tentative impossible, vaine, d?sesp?r?e. J?aurai d? d?ailleurs intituler cette pr?sentation ??l?impossible chronique d?un roman improbable??. De quoi vous parlerai-je ? De l?intrigue, mais il y a des intrigues, une multitude d?intrigues, surprenantes et d?routantes. Des personnages, mais il y a une foule de personnages, inqui?tants, myst?rieux, ?nigmatiques, fascinants, inclassables. Du genre, mais il y tous les genres : il y a le roman fantastique, de fiction, il y a le roman r?aliste, il y a le roman policier, il y a le roman ?pique, le roman historique, le roman sentimental, le roman d?amour, il y a de l??pop?e? certains critiques n?ont pas h?sit? ? parler d?Odyss?e?.C?est le roman de la d?mesure. A peine vous dirai-je que, peut ?tre y a-t-il une ligne rouge mais l? aussi il y en aurait deux qui relieraient ces cinq romans entre eux : l?apocalyptique ville de Santa Teresa qui rappelle la ville Ciudad Juarez au Mexique o? ont ?t? viol?es et assassin?es impun?ment tant d?innocentes femmes, ou s?est d?roul? ce f?minicide, impuni et inexpliqu? jusqu'? nos jours, et la figure du myst?rieux ?crivain allemand Van Archimboldi. C'est aussi un roman sur la litt?rature, sur l??criture, la cr?ation esth?tique mais c?est surtout un roman politique, dans le sens o? politique veut dire : ce qui concerne le destin de l?homme sur cette terre, pas dans le sens d?voy? ?de la gestion opportuniste des affaires des hommes sur cette terre. Je vais malgr? tout tenter de dire ce que ce roman est pour moi , qui suis quelque peu ignorant de la litt?rature latino - am?ricaine et qui reste prisonnier de son admiration pour ??Cent ans de solitude?? de G. Marquez. 2666 est le roman du Mal, et de l?Apocalypse. Parce qu?? voir ce qui s?est pass? dans cette ville inhumaine de Santa Teresa-Ciudad Juarez, on ne peut pas ne pas ?voquer les pr?misses de l?apocalypse, les ?uvres du Mal et de Satan dans un univers que le divin et le bien semblent avoir d?sert?. On sait que dans la symbolique cabalistique 666 est le nombre d?volu au diable et le 2 dans le titre 2666 est le chiffre du mill?naire qui est d?volu ? notre malheureuse et si pitoyable humanit?. 2666, est donc le nombre de ce mill?naire satanique qui est le notre. C?est le chiffre de notre destin, celui des guerres, des terrorismes id?ologiques, des assassinats m?thodiques, des fanatismes aveugles, ?des ?mes fatigu?es, impuissantes ? r?inventer les valeurs du Bien, de la fraternit?, de l??galit?, de la compassion. Impuissantes ? trouver le salut dans le bonheur simple de vivre dans ce monde. Incapables de comprendre que le paradis est l? ou nous sommes, puisque incapables d?affronter le Mal parce que leur d?mission nourrit le Mal.

Ai-je r?ussi ? vous encourager ou ? vous d?courager ? lire 2066 ?

Une chose est certaine. Quand on arrive ? venir au bout de ces plus qu?un millier de pages on devient membre d?une secte particuli?re, celle qui continue ? croire que la litt?rature, la culture et l?art sont les seules armes destructrices du Mal et des ?uvres de Satan sur cette terre. Nos seules planches de salut.

Et Roberto Bolano, pour cette cause est martyr de la litt?rature du salut.

*Universitaire, secr?taire perp?tuel de l?Acad?mie du Royaume

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