Benkirane n'a pas le courage de poser clairement la question de la dualité entre la légitimité monarchique, incontestable, et la souveraineté populaire, qu'il ne représente que très partiellement. Il louvoie, tangue, avec de moins en moins de talent

Ceux qui me lisent souvent savent a quoi s'en tenir. Je suis un adversaire convaincu des islamistes mais un vrai démocrate qui a défendu jusqu'au bout le résultat  des urnes et son nécessaire respect. Mais en même temps il est impossible  de passer sous silence les dérapages, les non dits, les outrances de Benkirane.

Il a fait de l’ambiguïté son credo. Ses “bonnes phrases” sont en fait bien réfléchies. Ce n'est pas un clown, c'est un homme politique qui utilise ses clowneries pour passer des messages, à la fois au Makhzen et à ses soutiens. Y compris les plus radicaux et à l’étranger.

Le discours où il parle d'Ibn Timmya comme sa référence, son cheikh, alors que c'est le théoricien revendiqué par Daesh, où il annonce que lui et les siens sont prêt au martyr, n'est pas un discours digne d'une compétition électorale, dans le cadre d'une monarchie constitutionnelle. Le gars n'est pas fou, ne se laisse pas emporter, c'est faux, je le connais depuis 40 ans. Son message était très clair “si vous nous empêchez de gagner, nous reviendrons aux sources, c'est-à-dire le terrorisme”. Lui et les siens ont une responsabilité énorme dans les violences politiques, ayant parfois entraîné la mort de militants de gauche, il ne faut jamais oublier cette vérité historique.

Là il vient de commettre une attaque perverse. Le Roi réglerait les problèmes des pays africains alors qu'on humilie le peuple marocain. Ses lieutenants expliquent qu'en fait “il voulait dire” que les partis politiques ne sont pas à la hauteur de l'action royale. C'est tout Benkirane, beaucoup de toupet et pas une once de courage politique, de véritable stature d'homme d’Etat.

Le Polisario s'est saisi de l’affaire et en fait ses choux gras. C’était prévisible, même Khalfi pouvait le prévoir. Le rétropédalage d'El Yatim est pathétique. Il parle de falsification, comme si l'on attendait de nos ennemis une éthique irréprochable. Benkirane a servi la soupe au Polisario, c'est un fait.

Mais tout cela n'est pas le plus important. Nous devons régler avec le sieur Benkirane toutes les questions sur lesquelles il est ambigu, et qu'il ait le courage d'y répondre clairement :

-Le respect de la souveraineté populaire signifie t il que le premier parti, même quand il n'a que 20 pour cent des voix impose ses choix ?

-Sa majorité passée était majoritaire, pourquoi a t il voulu en changer ?

-Il est passé de Omari, à Fouad Ali El Himma, au palais, c'est-à-dire au Roi, puisqu'au Maroc l'institution monarchique est incarnée. Ce n'est pas avec de bons mots, des phrases expéditives que l'on fait avancer le débat. Benkirane n'a pas le courage de poser clairement la question de la dualité entre la légitimité monarchique, incontestable, et la souveraineté populaire, qu'il ne représente que très partiellement. Il louvoie, tangue, avec de moins en moins de talent. Il utilise l’ambiguïté comme une arme, je pense que cela ne fonctionne plus.