Benkirane ou le nouveau Prophète

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Quand Benkirane invoque l’hostilité aux réformateurs, ce n’est certainement pas seulement à Saïd Kotb, Hassan El Benna ou plus proche de nous aux démiurges de l’Egyptien Mohamed Morsi qu’il pense. Mais à Beaucoup plus grand

Dans un entretien audiovisuel fleuve avec le site Al Aoual, Abdalilah Benkirane a eu comme une inspiration pour dire que tous « les réformateurs » sont combattus avant que la vérité n’apparaisse au grand jour et s’impose à tous. Je ne sais pas, cette nuance n’existant pas à ma connaissance en arabe, si dans son esprit il retenait le réformateur dans son sens le plus profond et donc le plus radical, où s’il pensait au réformisme dans ce sens où il s’agit d’introduire « des réformes en restant dans le cadre institutionnel existant et en utilisant des procédures légales ». J’y répondrai plus loin. Pour l’instant disons que le secrétaire général du PJD, brille dans l’art et la manière d’enfoncer des portes ouvertes et d’énoncer des lapalissades comme des révélations divines. Ce qu’omet de penser et de théoriser Abdalilah Benkirane, par contre, c’est la définition de ce qu’est un réformateur. Car il ne suffit pas de se déclarer tel pour l’être dans les faits. Et quand bien même il le serait, il n’est pas dit ni acquis que ce qu’il prône est de nature à conduire effectivement à la réforme de la société ou, au contraire, aboutir à des drames. A sa façon, comme le fut l’Islam à sa naissance, le marxisme et une pensée réformatrice de la société et des rapports de force en son sein. On en voit l’usage qu’en a fait un Staline avec ses goulags, Mao Tsé-toung et sa révolution culturelle ou encore les Khmers rouges et leur rééducation des masses. Pour vérifier ce que des Musulmans ont fait de l’Islam au nom de l’Islam, et qui n’ont rien à envier à ces derniers, je renvoie les curieux à l’excellent ouvrage de Ziauddin Sardar : Une Histoire de La Mecque, de la naissance d’Abraham au XXIe siècle (Ed. Payot).

La dimension religieuse qui confine au mysticisme de Abdalilah Benkirane est trop connue pour que son rappel ne ressemble pas à un retour sur une évidence. Mais on ne peut la négliger si l’on veut comprendre ce qu’il entend par réformes et hostilité aux réformateurs. Interrogé une fois s’il cherchait la bénédiction (réda) du Roi, le chef de file du PJD  a rétorqué que ce qui lui importait, c’était « la bénédiction de sa mère et d’Allah ». Celle de sa mère, cela va de soi, parce que « le paradis est sous les pieds des mères », autrement dit dans la soumission à leur volonté. Celle d’Allah parce qu’à travers elle il transcende, entre autres, le temporel qui dans ce contexte devient insignifiant. Ce qui peut expliquer, en partie, son ambivalence entre la collaboration avec le séculier et la ruade dans les brancards. Lorsque Abdalilah Benkirane invoque la résistance et l’hostilité aux réformateurs, ce n’est certainement pas seulement à Saïd Kotb, Hassan El Benna ou plus proche de nous aux démiurges de l’Egyptien Mohamed Morsi qu’il pense. Mais fort probablement au Prophète Mohammed et à son histoire avec Waraqa ibn Nawfal, cousin de son épouse Khadija. Lorsque la révélation de l’Islam commença, celle-ci eut l’idée d’amener Mohammed chez son cousin, chrétien, qui lui confirma son destin en l’avertissant que « jamais un homme n’est venu avec ce quoi [il est] venu sans avoir été combattu »*. Dès lors on peut dire que ce n’est pas au niveau duréformisme que se positionne Abdalilah Benkirane, qui parle de lui-même à la troisième personne exactement de la même manière que le Coran parle du Prophète, mais à celui d’une mission de redressement radical qui le placerait, au prix du martyr pour lequel il se dit prêt, juste un cran au-dessous du Messager d’Allah qui a bouleversé son environnement et transformé l’histoire du monde.

*Hadith rapporté par ‘Aïcha et utilisé par Tariq Ramadan dans son ouvrage MUHAMMAD, vie du Prophète (Ed Presses de Châtelet)     

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