Figures de proue de la littérature marocaine : III- Mohamed Leftah

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Mustapha Saha, sociologue, peintre et photographe  compte  organiser au Salon du livre de Paris 2017 un hommage historique aux monstres sacrés de la littérature marocaine. Il s’agit d’une exposition sur laquelle il travaille depuis un an et il a adressé dans ce sens au ministre de la culture marocain, Mohamed Amine Sbihi une correspondance pour l’informer de la teneur et de l’intérêt de ce projet. L’exposition comportera des PEINTURES SUR TOILE, de même que des  FIGURES DE PROUE DE LA LITTERATURE  MAROCAINE PAR MUSTAPHA SAHA. Le Quid en publie une partie, ce troisième texte est consacré à Mohamed Leftah

« La destinée fulgurante de Mohamed Leftah, qui fut l’élève d’Edmond Amran El Maleh au lycée Moulay Youssef de Rabat, bon enseignement ne saurait mentir, se retrouve dans sa fièvre créative, dans sa simplicité provocatrice, dans sa discrétion explosive. Ce littéraire né, lecteur insatiable, égaré dans les méandres scientifiques, plonge avec frénésie dans les nuits parisiennes en plein Mai 68, bat le pavé dans les ruelles inaccessibles, actionne sa fibre poétique jusqu’au vertige. Dès lors, il accumule les expériences mortifères qui l’entraînent dans des détours labyrinthiques sans fin. Les manuscrits des livres qu’il ne fait pas paraître retombent, après sa mort prématurée au Caire, comme des météorites dévastatrices, comme des laves incandescentes surgies d‘un volcan en dormance, comme des roulements de tonnerre dans les nuits de tous les cauchemars. Ses romans racontent des passions ravageuses et des pulsions destructrices dans les enfers urbains de Settat, sa ville natale, de Casablanca ou du Caire, dans les lupanars miséreux et les bars sulfureux, hantés par les spectres de la mort et les tourments du sexe, les tortures psychologiques et les sévices corporels, les désirs dévoyés et les candeurs fourvoyées. La luxuriance de sa langue et la flamboyance de son style transforment l’horreur quotidienne en obscur objet d’éblouissement. Une littérature convulsive, paroxystique, sismique, qui célèbre la fragilité de l’être dans l’enivrement libérateur, qui sublime le geste abominable et transfigure le réflexe animal. Comme disait Charles Baudelaire de la peinture, la littérature peut représenter la charogne et exprimer le beau.

Ces trois écrivains désormais classiques, citoyens du monde, arbres déracinés aux multiples racines, défenseurs incorruptibles de la liberté, revisitaient leur pays natal, après de longs exils, en plantant leur plume dans les zones sensibles, dans les fractures profondes, dans les vestiges et les ruines, tout en cherchant désespérément les sources d’émerveillement de leur enfance. Leur regard acerbe, ironique, sarcastique parfois, cachait en vérité une sensibilité incommensurable, une tendresse inimaginable, une mélancolie inconsolable.

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