La force d’un « falot »

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Dans le renoncement de François Hollande, il y a déjà des victoires personnelles, intimes. Au lieu de s’accrocher, il a raccroché. Avec panache. Et en reversant la table, il a pris tout le monde de court

François Hollande est peut être l’homme politique français qui a accumulé le plus de surnoms moqueurs.

Il a été traité de « Fraise de bois », sous entendu un petit fruit qui, bien que délicieux, est tellement petit qu’il ne saurait cacher un éléphant du PS. Cette aimable raillerie, c’est du Laurent Fabius dans le texte. On attribue aussi à celui-ci l’expression « monsieur petite blague ». Fabius sera ministre des Affaires étrangère du Président Hollande. Et s’il est aujourd’hui Président du Conseil Constitutionnel, c’est peut-être à ses compétences qu’il le doit mais aussi et surtout…à François Hollande.

Le surnom « Flanby », un dessert mou à l’extrême, est attribué à Arnaud Montebourg. Le même Arnaud qui, en 2007 lors des présidentielles n’a pas hésité à dire, sur un plateau télé, que le problème de la candidate Ségolène Royal, c’est son compagnon. C’est de Hollande qu’il s’assagit encore une fois. Montebourg a fini ministre de « Flanby » avant d’en redevenir l’un des plus redoutables pourfendeurs.

Le plus vachard reste le député  Guillaume Bachelay. On lui attribue le fameux « Guimauve le conquérant » et l’expression assassine « l’opposition caoutchouc ». Bachelay n’en est pas moins devenu l’une des plumes au service de la « guimauve ».

Enfin, c’est « le falot » que Mélenchon avait bien traité de « capitaine de pédalo ». Mais lui, au moins, ne lui doit rien.

Chaque fois, c’est la même chose. On lui fait systématiquement un procès sur sa mollesse. Depuis qu’il est à l’Elysée, et en particulier depuis l’affaire Léonarda, il est devenu l’incarnation de l’indécision (Marine le Pen). Un incapable de trancher… même du pain. Malade du consensus, inventeur de l’eau tiède et obsédé de la synthèse, les phrases assassines se redoublent de méchanceté pour souligner son manque supposé de fermeté.

Et bien, cette fois, il a tranché. Et dans le vif.

Jeudi soir, ce premier décembre de l’ouverture du processus des primaires du parti socialiste, une heure avant le 2O heure, on annonce une déclaration de François Hollande. Rond et jovial d’habitude, il a la mine grave et le regard des mauvais jours, semblable à celui du soir du Bataclan. Sa déclaration dure dix minutes. Elles sont interminables. Huit sont dédié à un plaidoyer pro domo où il abuse vingt quatre fois du « je ». Un « je » en apparence narcissique. Il n’en est rien. C’est un « je » pénétré de gravité et d’émotion qui égrène un bilan assumé, si ce n’est le regret sur la déchéance de la nationalité. Et puis vint la bombe. Il annonce qu’il ne se représentera pas.

Ce n’est certainement pas la seule l’impopularité record qui est déterminante dans cette décision inédite et déjà qualifiée d’historique. Avant les primaires de 2011, On l’appelait bien monsieur 3%. Cela ne l’a pas empêché de battre tous les éléphants aux primaires des socialistes et emporter la présidentielles 2012 contre le tonitruant Nicolas Sarkozy

Si le boxeur jette l’éponge, c’est qu’il exténué. Il y a comme un triomphe du hollande-Bashing. En plus d’un un livre de confession qui tourne à la procession. Les coups pleuvaient de partout. Mais les plus durs venaient de son propre camp. Et les plus vénéneux  sont délivrés par les proches du Premier ministre, Manuel Valls qui lui même n’a pas hésiter à manifester sa honte.

« On peut réussir sa vie sans être Président de la République » avait dit un François Hollande à Manuel Valls en lui remettant les insignes de grande croix de l’ordre de mérite le 22 octobre 2014. Mine de ne pas y toucher et sur un ton taquin. C’était déjà une manière de tempérer l’ardeur de son Premier ministre dont, certainement, il pressentait la dévorante ambition.

Sur une Radio, vendredi matin, le jeune philosophe Raphaël Enthoven, a consacré sa morale matinale et quotidienne  à la décision de Hollande. Il conclu son propos,  manière de le saluer, par la sentence suivante : « aucune victoire n’est à la hauteur d’un renoncement ».  Dans le renoncement de François Hollande, il y a déjà des victoires personnelles, intimes. Au lieu de s’accrocher, il a raccroché. Avec panache. Et en reversant la table, il a pris tout le monde de court. Il a crée une nouvelle donne politique. Son geste le libère. Et le rend redoutable. Il paraît qu’il est un tantinet rancunier.  

De plus, parmi les plus insoutenables griefs faits à Hollande, c’est d’avoir abîmé la fonction présidentielle. D’évidence, il l’aurait encore plus détériorée en se présentant aux primaires de la gauche. Pour ne pas  ajouter du désordre au désordre, et par son geste singulier  et sacrificiel, il a non seulement rendu son lustre à la fonction, il est du coup entré dans le panthéon des hommes d’Etat… dignes et respectables.