La moitié de l’homme, deux tiers vides et un tiers plein

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Où en est la situation de la femme au Maroc quinze ans après l’entrée en vigueur de la Moudawana ? La réponse varie selon que l’on voit le verre à deux tiers vide ou à un tiers plein

Il faut bien sacrifier au rituel, même avec deux jours de retard, chronique hebdomadaire oblige. Premier constat, je n’ai jamais reçu sur WhatsApp autant de blagues misogynes qu’à l’approche du 8 mars, journée internationale de la femme. Parfois c’est la crème de la gente féminine, le nec plus ultra de l’élite en jupe qui s’en charge. La preuve que les femmes ont de l’humour et capables d’autodérision. A moins que ce ne soit par tendance maso, mais c’est alors une autre paire de manches. Ou d’autre chose. La question bateau que l’on se pose en pareille journée tombe sous le sens. Où en est la situation de la femme au Maroc quinze ans après l’entrée en vigueur de la Moudawana ? La réponse varie selon que l’on voit le verre à deux tiers vide ou à un tiers plein. C’est du pareil au même mais pas tout-à-fait. La réponse varie aussi selon que l’on est de ce coté-ci ou de l’autre coté de la barbe. Si on la porte bien fournie et mal taillée, on va voir le mal partout, dire que l’espace public est envahi par des jeunes filles dévergondées et dans tous les recoins des rues, des femmes débauchées…  Sans parure pileuse, on est agressivement submergé par le voile qui a pris possession de notre administration et de fichus qui polluent notre environnement visuel. Cette double vision est une démarche scientifique qui applique la relativité d’Einstein à la perception que nous avons de la société, une société plus duale que jamais.

Tout est relatif. Dans la situation de la femme, des choses ont évolué, des régressions ont été opérées tandis que dans bien des domaines rien n’a bougé. Les Marocains ont continué à produire une société bipolaire, ou du moins névrosée, déployant des trésors d’hypocrisie pour cohabiter avec l’impensable. Deux exemples : le premier celui de l’avortement. On n’a pas tout obtenu, mais on a fait deux pas en avant et on n’a pas osé le troisième qui était à la portée : Autoriser la jeune fille ou la femme psychotique, pour des raisons de santé publique, d’avorter. Je n’ai jamais compris pourquoi alors même qu’un islamiste comme Saadeddine Othmani, psychiatre de son état, y était favorable. Le second se rapporte à l’héritage. Deux tiers pour l’homme et un tiers pour la femme. On n’y touche pas. Sous prétexte que tout ce qui a été clairement prescrit par le Coran, doit rester à l’état fossile. Plus faux cul, il faut visiter le Misanthrope de Molière pour en rencontrer. Le Saint Livre dit bien qu’il faut couper la main du voleur. En dehors de l’Arabie Saoudite, qui y recourt dans notre aire géo-ethno-idéologique ? Pour résumer brièvement et abusivement, la situation de la femme au Maroc est une histoire d’échelle sociale. Plus on est en bas, plus ça grince, plus ça coince. En haut de la pyramide, le féminin se déploie dans un féminisme tailleur sombre et pantalon long. La femme a même pris l’image de l’autorité publique. J’ai vu l’autre jour à la télévision le wali Zainab Adaoui présider à Agadir une grande réunion, dans un fauteuil plus grand que ceux des autres, trônant sur une assemblée de mâles. Image cliché qui me vient à l’esprit : La virilité faite femme.         

 

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