La revanche de la modestie

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A l’occasion du premier débat des primaires des Républicains, le 13 octobre, Sarkozy, goguenard et pince-sans-rire, marmonne dans l’oreille d’Alain Juppé : « T’avais imaginé que, toi et moi, on se retrouverait au milieu de tous ces cons ». Les cons en question, ce sont les cinq autres candidats, Fillon compris.

Dimanche en plus de la surprise, c’est la déculotté. François Fillon, notable bourgeois de la Sarthe, ténébreux provincial, chic sans jamais être bling-bling, a coiffé au poteau tous ses concurrents. Il a, du même coup, pulvérisé, dégâts collatéraux oblige, sondages, chroniqueurs attitrés et éditorialistes chevronnés.  

Celui que Sarkozy traitait de « no body » a tout écrabouillé. Comme dans une échappée du tour de France, il ne s’est pas contenté de  créer un écart. C’est désormais un abîme qui le sépare des autres. Le temps d’une soirée, la France a goûté les saveurs d’un mini Breixt et Fillon, poutinien en diable, prolonge, toutes proportions gardées, l’effet-surprise de Trump.

Sacrée Electeurs du monde ! Ils se sont tous unis dans le désaveu. Ils font le pied de nez aux « sachants » en faisant exactement le contraire de ce qu’ils prédisent et infligent ainsi à l’arrogance sondagière et aux billevesées jargonnant de rudes camouflets. Les sondeurs baissent désormais les yeux. Les éditorialistes attitrés la ramènent de moins en moins et adoptent une prudence de sioux. Certes, quelques jours avant le scrutin, ils ont évoqué le frémissement d’une dynamique autour de François Fillon. Mais ils étaient loin d’envisager le scénario fixé par l’électeur. Loin d’imaginer que celui-ci réponde aussi massivement à l’appel de l’urne. Loin de saisir, dans un mouvement bien chrétien, que le dernier serait le premier. Et les deux favoris loin derrière.  

Fait politique majeur, Sarkozy est éliminé. Il n’avait certes pas exclu une défaite, au second tour, face à un Juppé. Mais d’être écarté, dès le premier tour, ne lui a probablement jamais traversé l’esprit. Et surtout pas par celui qui fut, de 2007 à 2012, son premier ministre, qui, dans un brin de méchanceté et d’humiliation, il qualifiait de « collaborateur ». La France a dit à Sarkozy qu’elle ne voulait plus de lui, lui qui durant cette campagne interne à son propre parti, fut l’un de ses plus frénétiques chantres. La France l’a jugé indigne de la représenter une seconde fois. Indigne avec ses doubles portions de frites et ses effets de manche gaulois. Elle le lui a fait dire de la pire manière en le faisant bouter par  sa propre famille. Le seul endroit où il est arrivé en tête, c’est en Corse. C’est vous dire !

Fillon a donc un boulevard devant lui. Il  est désormais presque certain de devenir le prochain président de la République, en mai 2007. Car le vrai premier tour des présidentielles de mai s’est joué un dimanche de novembre. Alain Juppé, favori des sondages depuis deux ans,  avait une chance contre Sarkozy. Il n’en aucune face à ce qu’incarne désormais Fillon. Le peuple de droite l’a plébiscité. Il en est devenu le nouveau héraut. Il est l’expression  du réveil de ce que Patrick Buisson a qualifié  de «populisme chrétien ».

Et pour cause. De manière sibylline, Fillon était l’un des rares à parler de la Syrie sans jamais oublier d’évoquer le sort des chrétiens d’Orient. En publiant son livre, en septembre 2016 « Vaincre le totalitarisme musulman », Fillon s’est positionné sur le régalien. Ce faisant, il a parlé et a réveillé un électorat tiraillé par les questions identitaires, effrayé par le radicalisme musulman et ses petites estafettes qui ont semé la désolation à Paris ou à Nice. Dans son meeting d’hier, à Lyon, il a posé, sans détour, chaque mot sur chacun des maux. Il a revendiqué son libéralisme économique outrancier teinté de valeurs traditionnelles puisées dans 2000 ans d’épopée d’une nation qui doute d’elle même. Il a, avec des accents churchilliens, promis des larmes,  de la sueur et du labeur.... Mais dans le même temps, il a soulevé une puissante espérance, du moins pour son électorat.

La gauche est à l’agonie. Sarko est éliminé. Juppé le sera dimanche prochain. Viendra ensuite le tour de  Marine Le Pen… qui n’a  qu’à bien se tenir.

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