Régénérer la politique

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Aucun de ces cumulards dans le temps ne s’impose par la force, ils sont tous démocratiquement élus. C’est un vrai face-à-face entre les principes démocratiques, qui veulent que seuls les résultats des urnes comptent, et la volonté, tout aussi démocratique, d’imposer techniquement le renouvellement des élites. Le débat risque d’être passionnant 

Partout dans les démocraties, le fossé entre les électeurs et les élus n’a cessé de s’élargir. La politique n’est plus un métier d’altruiste, qui s’investit dans la Res-publica, la chose publique pour le bien collectif, mais elle est perçue comme un métier des sans-convictions. Cette image désastreuse qui, au fond, ruine la relation des citoyens avec les institutions et plus largement le vivre ensemble, interroge tous les régimes démocratiques. En France, un projet de loi tente de répondre à cette problématique par trois axes. La réduction du nombre de parlementaires, en s’appuyant sur des expertises, une dose de proportionnelle qui répond à d’autres objectifs, mais surtout la limitation à trois des mandats consécutifs. Cette dernière proposition vise à régénérer la vie politique et à permettre l’arrivée régulière de nouvelles têtes, de jeunes, de profils moins stéréotypés à l’hémicycle. Cela pose un vrai problème démocratique. Au nom de quoi un élu plébiscité par ses électeurs devrait rendre le tablier ? Aucun de ces cumulards dans le temps ne s’impose par la force, ils sont tous démocratiquement élus. C’est un vrai face-à-face entre les principes démocratiques, qui veulent que seuls les résultats des urnes comptent, et la volonté, tout aussi démocratique, d’imposer techniquement le renouvellement des élites. Le débat risque d’être passionnant. L’envie d’en finir avec une nomenklatura politique, qui fait de son engagement un métier pérenne et très bien rétribué, est fortement présente dans l’opinion publique française. Mais ceux qui opposent à cette réforme le principe du règne du suffrage universel ont, eux aussi, un vrai argument. Ce débat-là serait très intéressant au Maroc – nous avons utilisé la discrimination positive pour les femmes et les jeunes. Dans une démocratie, cela ne peut être que transitoire. Parce que nous avons 90 députés qui n’ont aucun ancrage territorial, qui sont élus grâce aux voix récoltées par leur parti et non pas sur leur nom. Tous les partis ont des élus « éternels », considérés comme imbattables dans leur circonscription. Certains notables sont parlementaires depuis 30 ans, en ayant changé 4 ou 5 fois de couleur de parti. Ce débat serait intéressant parce qu’il permettrait de réduire la vie politique de caciques, de notables régionaux, qui n’apportent rien au débat public et qui ne sont là que pour voter. A l’inverse, cela pourrait inciter les jeunes à entrer en politique, à y faire une brève carrière, en sachant que des places vont se libérer. La régénération est une nécessité. Les nouvelles générations ne se réduisent pas à de nouveaux profils, elles sont aussi porteuses de nouveaux messages, plus en adéquation avec les attentes d’une jeunesse très rétive face aux vieux clichés. Ce débat est nécessaire et une telle approche pourrait constituer un « dégagisme » civilisé qui enrichirait la démocratie marocaine, ou sa construction.