Khadija, première épouse du prophète de l’islam expliquée à Marek Halter–épisode 4: Mais où est Ali?

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Si Marek Halter avait lu l’œuvre de Martin Lings : « Le prophète Mohammed (sa vie d’après les sources les plus anciennes) » il aurait pris connaissance du chapitre intitulé « la maisonnée ». Ce biographe scrupuleux y énumère toutes les personnes qui habitaient avec Khadija et Mohammed. Ceux qui y vivaient, ceux qui y venaient fréquemment. Parmi eux, il y avait un personnage totalement occulté par Marek Halter mais qui aura un destin considérable en Islam, Ali. Marek Halter ignorait-il son existence ? Il la découvrira obligatoirement quand il rédigera la biographie de Fatema, fille de Mohammed et épouse de Ali, comme il dit avoir l’intention de le faire. Sa documentation est donc superficielle, anecdotique. Et le mépris qu’il a pour ses lecteurs musulmans francophones est tel qu’il se soucie peu de vérifier ses sources.  Quant aux autres lecteurs des autres religions, quant aux athées ou agnostiques il compte sur leur ignorance naïve des choses de l’islam pour leur vendre un Islam accrocheur. La déontologie voudrait que le romancier qui veut romancer et romance les faits historiques en respecte le noyau de vérité que la postérité a élu comme socle de foi pour un milliard, et plus de trois cents millions de croyants musulmans.

Ali, gendre du prophète, vivant dans la maisonnée de Khadija est une donnée historique sûre et intangible.

Autour de ce fabuleux personnage, quatrième calife qui sera assassiné comme le furent le second et le troisième, qui se verra évincé de la succession du prophète (à la grande déception de Fatema son épouse) s’organiseront la scission de la religion musulmane qui provoquera la Grande discorde ???????? ??????, et le schisme (Sunnisme-Chiisme) qui balaie toujours la galaxie Islam. Voici comment les choses se passèrent, pour parler comme Marek Halter : (extrait du récit de Martin Lings) « Abu Taleb avait davantage d’enfants qu’il ne pouvait en nourrir et la famine pesait lourdement sur lui.  Mohammed s’en rendit compte et estima qu’il fallait faire quelque chose…. il se rendit chez son oncle Abbas et suggéra que chacune de leurs maisonnées prennent un des fils d’Abu Taleb…. Abbas déclara qu’il se chargeait de Jaafar et Mohammed accepta de faire de même pour Ali ».

Ali est le neveu du prophète, le deuxième musulman après le premier, qui fut Khadija, legendre, époux de Fatema, fille du prophète par qui sa descendance sera assurée, quatrième califeguerrier fameuxsavant parmi les savants de son temps qui côtoya Mohammed toute sa vie. Comment Marek Halter a-t-il pu ainsi l’évacuer de la maisonnée et jeter sur lui un si curieux voile de silence ?

Il y fit pourtant accueillir Bilal, qui n’y a jamais habité, Waraqa qui avait sa propre demeure, Zayd Ibn Haritha qui ne rejoindra la maisonnée qu’après que Hakim, le cousin de Khadija le lui ait offert. Comment Marek Halter peut-il ainsi oublier, occulter, gommer un personnage si « romanesque ». Il y a là désinvolture non de la part d’un historien parce que Marek Halter ne se voulait pas historien. Mais de la part d’un auteur qui se revendique romancier, qui puise dans l’histoire des religions de quoi réconcilier dit-il les religions mais dénature la religion des autres et jusqu’à sa propre religion, et les éloigne les unes des autres.

L’absence de Ali dans cette biographie de Khadija ne s’explique, ni ne se justifie.  Elle est simplement l’illustration des dérives d’une littérature qui érige en fond de commerce les récits religieux, qui les érige surtout quand ils sont erronés, dépourvus de vérité historique et de vérité romanesque. Que nous réserve cet auteur indélicat dans les romans à venir sur les femmes en Islam qu’il annonce écrire ?

J’ai entrepris comme un jeu l’identification des personnages que Marek Halter fait vivre dans la demeure de Khadija et Mohammed. En vain. J’ai fini par comprendre qu’il a préféré ne pas puiser dans la réalité pourtant riche en personnages de roman, mais en inventer. Toutefois ses inventions sonnent faux. La transcription retenue par l’auteur, n’aidant pas à l’identification de ces noms et prénoms ils ne semblent en définitive appartenir à aucune civilisation, aucune culture, aucun culte. Il y a Achenou, la belle servante, Barrira la gouvernante, Abu Nurbel All Ill’hi Ibn HawdaAl Saib, négociants, Abdonai homme à tout faire de Khadija, Muhavija bint Assad Al Qoraich, sa cousine, et quelques autres aux noms devenus étranges, bizarres, non reconnaissables sous la plume de Marek Halter. Il y a bien une consonance égyptienne dansAchenou ou Abdonai mais elle est voilée par une consonance toute chrétienne quand l’auteur écrit Achenou de loin et Bilal de Mecca. La société arabe antéislamique, je crois, ignore ce genre d’appellation. On se réfère en général au père ou à la triburarement au lieu. Dans les récits àconsonance chrétiennesi. On dit Marie de MagdalenaEusèbe de Césarée ou Joseph d’Arimathie. Pourquoi utiliser dans un récit qui puise dans la culture islamique sa raison d’être une forme qui s’apparente mieux aux spiritualités chrétiennes ? Curieuse manière d’écrire.

Ce récit est ainsi parsemé de notations, d’expressions, de situations qui témoigneraient d’une atmosphère islamique exotique, et dépaysante pour le lecteur, le plongeant facilement dans un univers étrangement étranger. La porte de la demeure de Khadija et Mohammed est toujoursd’un bleu lumineux (pourquoi bleu ?), la tête d’Abu Taleb est recouverte d’une calotte de feutre, celle de Mohammed d’un chèche. Ces personnages portent des hachem( ?), sortes de badinesde cuir semble-t-il redoutables, Mohammed offre du sucre en poudre à Khadija ((je ne sais pas si le sucre en poudre existait à cette époque, il faudra vérifier). Il semble que pour sceller un contrat il faille faire une marque d’un pouce sur une plaque de fine glaise fraiche. Waraqua avait une jambe plus courte que l’autre. Dar Nadwa (maison de la converse ou de la conférence), qui s’écrit chez Marek Halter Dar Nawda est appelée Palais des ancêtres. Le diminutif de Khadija dans ce récit est Khadijii, Fatema, fille du prophète serait une redoutable guerrière. Autant d’erreurs et d’invraisemblances qu’il paraît surprenant qu’elles n’aient pas été remarquées, dénoncées par ceux là même qui font profession de militantisme pour un dialogue serein des religions.

Je crains fort que ce genre de romans n’exaspère les lecteurs qui au lieu de voir dans ces récits de reconstitution historique et religieuse l’errance d’un auteur à l’égo surdimensionné et en mal de popularité et par conséquent de l’ignorer et d’en rire n’y voient au contraire qu’un manquement de plus au respect des croyances et de la foi de l’autre, de tous les autres, et de s’en indigner outre mesure.