Safi, l’injustice épistémologique

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Essaouira, ville fondée plusieurs dizaines de siècles après Safi s’accapare l’atlantique et l’africanité. Même Edmon Amrane El Maleh, pur produit de l’ancienne médina de Safi, est estampillé Souiri. Cette injustice épistémologique est la mère de toutes les injustices

Samedi dernier, la fondation de Safi tenait son conseil d’orientation. Le premier intervenant, le professeur Benachir, ancien professeur de la Sorbonne, membre du collectif Levi Strauss, a fait une intervention qu’il est impossible de restituer dans ce billet, tellement elle voguait à des années lumières, mais que vous pourrez retrouver sur le site de la fondation dans quelques jours.

Pour le professeur Benachir, la première des injustices que subit Safi est d’’abord épistémologique. Cette ville, date de l’antiquité, et on trouve des traces dans les écrits grecs, et, plus proches de nous, de Haim Zafroui. Elle a été l’unique port atlantique de ce qui constitue le Maroc d’aujourd’hui. Pendant des siècles, c’est à Safi que se terminait la route de Tombouctou, via Marrakech.

Zappé tout ça, il n’y en a plus trace dans ce qui se veut un récit national. Essaouira, ville fondée plusieurs dizaines de siècles après Safi s’accapare l’atlantique et l’africanité. Même Edmon Amrane El Maleh, pur produit de l’ancienne médina de Safi, est estampillé Souiri. Cette injustice épistémologique est la mère de toutes les injustices, Safi a toujours été une ville rebelle. Durant le règne des Mérinides, elle a fait sécession frappant sa propre monnaie. Elle a participé à la résistance et ensuite à l’opposition au népotisme. Aujourd’hui elle s’illustre par la forte présence des Adlistes, un contingent des prisonniers de Guantanamo, mais aussi, ce qui ne me dérange pas, un trotskysme très actif. Les dérives sont nées de la falsification des élections et de l’injustice politique qui a toujours refusé que cette ville rebelle soit dirigée par la gauche.

Il y a enfin une injustice économique, qu’on a beaucoup de difficultés à réparer. Un investissement public dans les services proche de zéro et surtout une absence totale de vision, de vocation de la ville.

La fondation de Safi ne veut ni s’enfermer dans le ressentiment, ni exagérer dans le narcissisme, mais porter un projet qui s’inscrit dans le projet national celui de la démocratie, du développement et de la modernité. Mais les travaux de son conseil d’orientation ont prouvé une chose, il faudra d’abord restituer son identité à cette ville, réparer l’injustice épistémologique.

 

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