Tours et detours vers "eve en liberté"

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Il n'est pas d'exposition artistique digne de ce nom sans directeur artistique, qui orchestre la concrétisation technique, cimente l'unité thématique, agence la cohérence scénographique,  synchronise les styles et les talents.

L'exposition "Eve en liberté" se réalise et s'impose malgré les interférences perturbatrices. La négativité se déchaîne quand la créativité se manifeste. Je travaille, depuis un an, avec les moyens du bord, à la préparation de cet  événement dont les tenants philosophiques et les aboutissants culturels dépassent l'énoncé. J'ai  patiemment tissé les liens avec  les artistes participantes, suivi avec constance l'évolution de  leur travail et l'accouchement de leur œuvre. J'aurais voulu que les artistes se déplaçant spécialement du Maroc bénéficient d'une prise en charge de leur transport et de leur hébergement. Cette demande a été catégoriquement rejetée. Je n'en ai pas fait un motif d'empêchement. J'aurais voulu obtenir un soutien matériel et un remboursement des frais engagés. J'ai essuyé un refus automatique. J'ai, malgré tout, persévéré à construire le projet pierre par pierre.

J'ai été directeur artistique, sous la bienveillance du regretté Mohamed Kouam, de deux expositions précédentes à la Fondation Maison du Maroc, qui se sont parfaitement déroulées dans le respect du fonctionnement interne de l'institution et de la liberté de création des artistes. Ces deux manifestations ont été décidées et réalisées en bonne intelligence et en complémentarité soucieuse des compétences respectives. La structure d'accueil ne peut se substituer au maître d'œuvre qui veille sur l'indivisibilité artistique. Nous avions en commun, avec le docteur Mohamed Kouam, une même approche éthique de la culture, nourrie par nos trajectoires universitaires respectives. Nous partagions une même conscience de notre devoir pour le rayonnement culturel du Maroc. Notre parole valait contrat. L'hommage que je lui ai rendu témoigne de cette réciprocité enrichissante.

Il n'est pas d'exposition artistique digne de ce nom sans directeur artistique, qui orchestre la concrétisation technique, cimente l'unité thématique, agence la cohérence scénographique,  synchronise les styles et les talents. Ce n'est pas l'événement qui crée les œuvres. C'est la qualité des œuvres et leur harmonisation créative qui créent l'événement. L'exposition collective est, par elle-même, une œuvre synthétique.

Cette exposition n'a aucun but lucratif. Chaque artiste participante crée généreusement une œuvre compatible avec la thématique sans rien recevoir en retour, sinon le sentiment d'une contribution utile à la cause de la femme et à la culture marocaine. Des noms connus et reconnus ont accepté d'y participer par amitié. Les artistes sont des personnalités indépendantes, des électrons libres, réfractaires aux contraintes bureaucratiques. Leur effervescence intérieure est leur matière première et la liberté leur carburant. Il faut  avant tout protéger leur sensibilité singulière et valoriser leur indéfectible attachement à cette précieuse liberté de création consacrée par la constitution marocaine du 11 Juillet 2011, qui stipule dans son article 25 : « Sont garanties les libertés de pensée, d’opinion et d’expression sous toutes leurs formes. Sont garanties les libertés de création, de publication et d’exposition en matière littéraire et artistique et de recherche scientifique et technique ».

Mustapha Saha, sociologue, poète, artiste peintre.

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