Tout savoir sur le Bitcoin et son interdiction au Maroc

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Nouveau phénomène, ou simple effet de mode ? Révolution ou désastre à venir ? Autant de questions qui reviennent quand on évoque les monnaies virtuelles (ou crypto monnaies). Le Maroc, lui, a légiféré et a décidé de l’interdire. Nous allons essayer de comprendre pourquoi

Bitcoins, la monnaie du futur ?

Première question fondamentale, qu’est-ce qu’un BITCOIN ? Une crypto monnaie, soit une monnaie virtuelle déconnectée d’une politique monétaire ou d’une banque centrale en particulier, ne répondant ainsi qu’à la pure loi de l’offre et de la demande, sans aucune influence possible sur le marché. Sa création et son implémentation reposent uniquement sur ce qu’on appelle des algorithmes de chiffrement. Ces algorithmes génèrent la monnaie elle-même et permettent les transactions anonymes sur internet sans frais.

La crypto monnaie la plus connue est le Bitcoin, générant aujourd’hui un flux monétaire de trois milliards de dollars. Elles sont considérées comme monnaies alternatives car aucun pays n’a encore adopté une crypto-monnaie comme monnaie officielle.

Ces nouvelles monnaies selon certains experts seraient à la base de l’économie de demain, pour d’autres, elles correspondent à la création de bulles spéculatives dangereuses.

Comment marche les crypto-monnaies (CM) ?

Chaque transaction crée un problème mathématique. Quand ce problème est résolu, l’entité responsable reçoit un montant de CM en récompense (c’est ainsi qu’est créée la monnaie). Ces entités sont appelées des mineurs (miners). Il s’agit de nouvelles unités créées uniquement pour eux. C’est l’équivalent de la planche à billet des monnaies virtuelles. Cependant elle ne dépend pas d’un organisme central, mais uniquement d’une demande liée aux transactions. Plus il y a de transactions, plus les problèmes seront générés, ainsi la quantité de CM en circulation augmente. Cependant les gains pour ces mineurs s’amenuisent automatiquement au fur et à mesure des années.

Ces problèmes mathématiques découlent du Blockchain, le cahier des comptes d’une crypto monnaie. Ce cahier est tenu par de nombreux volontaires. Ils possèdent les mêmes pages du registre et après les avoir comparées (pour identifier toutes erreurs ou différences) ils peuvent valider une transaction et fournir un nouveau problème à résoudre pour les mineurs.

« La blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle », définit Blockchain France. Plusieurs notions résonnent dans le concept. Transparente, terme qui pose un contraste avec l’opacité des organismes financiers d’aujourd’hui. Ainsi que « sans organe central de contrôle », cela représentant l’élément dangereux poussant certains gouvernements à se méfier.

« Par extension, une blockchain constitue une base de données qui contient l’historique de tous les échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création ».

En vulgarisant, il s’agirait d’un immense « cahier, que tout le monde peut lire librement et gratuitement, sur lequel tout le monde peut écrire mais qui est impossible à effacer et indestructible » écrit le mathématicien Jean-Paul de La-Haye. Cette base de données est sécurisée et distribuée : elle est partagée par ses différents utilisateurs, sans intermédiaires, ce qui permet à chacun de vérifier la validité de la chaîne dans une transparence totale.

Le Maroc interdit le Bitcoin

Pour comprendre pourquoi le royaume a officiellement interdit la circulation des crypto monnaies ainsi que l’adoption de celles-ci comme modes de paiements, nous avons contacté Bank al Maghrib et l’Office des Changes. Selon un rapport de Bank al Maghrib, la crypto monnaie est dangereuse pour plusieurs raisons. Tout d’abord, aucune économie réelle n’est derrière et donc cela contribue à la fabrication d’une bulle spéculative. Qui dit bulle spéculative, dit explosion de la bulle et donc danger potentiel pour tous les Marocains ayant investi. Sa croissance exponentielle peut laisser place à une chute tout aussi fulgurante.

Ensuite un risque financier lié à la volatilité de leurs cours de change.

De plus, les acteurs de ces monnaies sont non régulés et peuvent présenter certains profils. Aucun moyen de savoir s’il s’agit de personnes physiques ou de groupes de militants, de sociétés commerciales. Cette monnaie peut donc être utilisée dans différents milieux, notamment dans des milieux illicites.

Enfin, une extraterritorialité permettant de dématérialiser, rendant anonyme et ainsi facilitant des fraudes ou des blanchissements.

Cette position va dans le sens de l’analyse apportée par l’office des changes , qui a pu répondre à nos quelques questions, notamment sur le choix de ne pas encadrer au lieu d’interdire ; « la mission de l’office des changes et de veiller au respect de la réglementation des changes, toute évolution de la réglementation des changes doit notamment être exempte de tout risque sur les  équilibres macro-économiques de notre pays, pour ce qui des crypto monnaies, d’une part, leur conception actuelle , les exclut de tout encadrement , d’autre part nous pensons que quand bien même il y aurait un encadrement cela  ne permettra pas d’éliminer les risques qu’elles comportent » déclare un responsable de l’office des changes.

Maintenant cette posture peut être interprétée de deux façons : une volonté de protéger les citoyens marocains, ou une intention de sauvegarder les institutions financières marocaines. Le bitcoin et les crypto monnaies étant une menace directe qui pourrait à terme les rendre obsolètes. Les banques, touchant généralement des commissions sur les transactions et autres mouvements d’argent, se retrouvent en désavantage face à un bitcoin qui est défini par une liberté de mouvement non entravée par des coûts supplémentaires.

« Les risques associés à l’utilisation des crypto monnaies sont aujourd’hui connus, plusieurs autorités monétaires et financières à travers le monde ont alerté le public sur les risques des crypto monnaies ; notre rôle est donc d’alerter nos concitoyens et d’appeler au respect de la réglementation des changes » nous répond l’office des change, pointant du doigt les nombreuses autres analyses allant dans ce sens.

Voilà la posture du gouvernement marocain, vigilante et conservatiste.

Une autre problématique prend source dans l’anonymat des transactions. En effet, il est très complexe de donné un chiffre exact quant au montants des transactions et échange effectués par les marocains. Selon nos confrères de Telquel , les transactions sont estimées à plus de 200 000 dollars par jour, soit l’équivalent de 25 bitcoins.

Au jour d’aujourd’hui, différents organismes sur internet permettent l’achat de crypto-monnaies, ainsi que leurs ventes. Ces transactions étant encore considérées comme un simple achat sur internet.

Pourtant il est difficile de nier totalement l’apport de ces nouvelles monnaies.

En 2011, le bitcoin, une monnaie virtuelle nouvellement créée sur la base d’un algorithme informatique, valait moins d’un dollar. Aujourd’hui il atteint une valeur de 18000 dollars. Une croissance phénoménale qui a donné envie aux businessmen du monde entier de tenter l’aventure au vu des chiffres alléchants.

Le Maroc s’est concentré uniquement sur ses failles mais les crypto-monnaies possèdent des avantages et des qualités.

L’utilisation des crypto monnaie est discrète, anonyme, rapide ainsi que sans frontières.

Il est important de rappeler que certains pays indexent fortement leur monnaie sur leurs matières premières. Résultant dans l’instabilité des monnaies en cas de fluctuations du cours de ces matières premières. En comparaison, la monnaie virtuelle présente une relative pérennité.

Et comme dit précédemment, pas de couts de transactions, contrairement aux transferts traditionnels.

Alors Nouvel ElDorado ou Nouvelle illusion d’internet ? Les avis sont partagés et personne ne peut prétendre détenir une vérité absolue tant l’histoire nous a mis en garde contre les histoires trop belles. Toute richesse possède une contrepartie, chose que l’on n’observe pas dans le business du Bitcoins, semblant presque créer de la valeur ex-nihilo, en tout cas sans contrepoids négative. Mais on commence à constater que cette nouvelle industrie du «crypto mining » pose une nouvelle problématique écologique. Consommant énormément d’énergie cette industrie pourrait encore s’ajouter à la liste déjà conséquente des risques écologiques.

Cependant comment contester la volonté innovatrice et enthousiaste d’une nouvelle génération qui veut s’approprier une économie toujours aux mains d’une autre génération, anxieuse de la partager.

Autant de dissensions qui nous laissent juste le choix d’observer de quoi accouchera ce phénomène. Serons-nous témoin d’une catastrophe ? Ou d’une révolution de la finance ? Ou peut-être juste d’un pétard mouillé.

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