Swissleaks : Journalistes au service des directions de renseignement

5437685854_d630fceaff_b-

1
Partager :
couv-hsbc Les poids lourds restent absents et le choix des r?v?lations bien s?lectif Le site Bilan.ch a publi? une analyse fort pertinente sur les r?v?lations de Swissleaks et le pr?tendu journalisme d?investigation. Les nouvelles pratiques m?diatiques soul?vent de nouvelles questions. En effet, Swissleaks est une op?ration qui s'apparente ? du journalisme d'investigation organis? par les services de l'Etat. Ce dimanche, le ??Consortium international des journalistes d?investigation (ICIJ)??, connu pour ses op?rations pr?c?dentes ?Offshoreleaks? et ?Luxleaks?, a fait son retour avec ?Swissleaks?, le d?ballage mondial des pratiques de la filiale suisse de HSBC. Nous avons eu droit au m?me battage coordonn? que lors des op?rations pr?c?dentes: des dizaines de Unes simultan?es promettant de d?voiler les entrailles du monstre. Des articles d'appel vantant la taille, le poids et le volume des informations: ?45 journalistes?, ?140 pays?, ?59'000 fichiers?. On r?p?tait en boucle que les donn?es HSBC, vol?es en 2008 par Herv? Falciani, ont ?t? ?obtenues? par la presse aupr?s de ?sources gouvernementales fran?aises?. Formulation aux accents marketing surprenants, lorsqu'on sait que les journalistes n'ont pas ?obtenu? d'eux-m?mes les informations, mais que, pour reformuler, celles-ci leur ont ?t? d?p?ch?es en mains propres aux bureaux du Monde par des envoy?s du gouvernement fran?ais. [Lors d?une audition par une commission parlementaire Herv? Falciani avait admis avoir travaill? en collaboration avec le renseignement ext?rieur fran?ais la DGSE?; NDLR] Journalisme d'investigation command? ? Le gouvernement fran?ais, qui a d?j? inculp? HSBC Suisse pour d?marchage illicite et blanchiment de fraude fiscale, se fait g?n?reux au point d'offrir en p?ture ? la presse mondiale les informations qu'il a pr?alablement nettoy?es et rendues lisibles pour le confort des journalistes. Le travail des journalistes qui se sont plong?s dans ces donn?es des semaines durant m?rite certes respect et louanges. Mais il faut s'interroger plus loin. D'abord, ce n'est pas de l'investigation. Le terme plus appropri? serait certainement ?data journalisme?. Ensuite, le probl?me de ces op?rations coordonn?es, c'est que la presse impliqu?e en devient uniforme, parle d'une seule voix, pr?sente les faits ? l'identique, et l'esprit critique se perd quelque part dans la masse des gigaoctets. On re?oit des donn?es pr?tes ? l'emploi ? Alors on tape sur la cible sans se poser de questions. Et pendant ce temps, le gouvernement fran?ais s'offre une centaine de Unes officiant comme son bras de communication, et achevant son entreprise de dissuader ? bon compte les fraudeurs fiscaux. Ce nouveau standard de l'enqu?te journalistique trahit un paradoxe: tandis que les vraies enqu?tes, initi?es par des journalistes d'investigation, se font tr?s rares, les fuites de donn?es massives, parfaitement organis?es, aupr?s d'?quipes de data journalistes prennent le relais et s?institutionnalisent. Et leur valeur se donne ? mesurer en ?gigaoctets? et en ?millions? de documents. Ainsi, l'argumentaire Swissleaks, ce sont d'abord, avant m?me d'en conna?tre la teneur ou la pertinence r?elle: 59?000 fichiers (3,3 gigaoctets) portant sur 106?000 personnes li?es ? des comptes HSBC. Auparavant, Offshoreleaks, c'?tait 2,5 millions de documents et 260 gigaoctets, mais qui souvenons-nous, avaient accouch? d'informations peu significatives. Dans l'affaire d'Herv? Falciani qui nous occupe ici, on a un informaticien qui, sans jamais avoir cherch? ? parler ? sa hi?rarchie, vole une ann?e de donn?es, puis tente de les monnayer sous un faux nom au Liban, avant que l'Etat fran?ais ne saisisse les donn?es au domicile de ses parents en France. Si l'on consid?re que le vol initial se justifie par l'int?r?t public, il s'agit de faire sens de cette masse d'informations sur la client?le de HSBC. S'agissant des pratiques suisses de d?marchage actif de clients non d?clar?s et des anecdotes sordides ou cocasses qui les accompagnent, ce qu'on lit jusqu'ici de Swissleaks s'av?re tr?s similaire au v?cu d'UBS et de Credit Suisse, d?j? amplement expos? par les masses de donn?es des gouvernements am?ricain et fran?ais. Les noms de c?l?brit?s figurant dans la liste et les sommes en jeu portent jusqu'ici peu ? cons?quence, ? l'instar des 80'000 euros, relativement insignifiants, de l'humoriste Gad Elmaleh. La nouveaut?, en revanche, semble ?tre que les donn?es HSBC de 2006-2007 attestent d'un laxisme avanc? en mati?re de lutte antiblanchiment. La banque, qui avait d?j? d? faire le m?nage dans son antenne genevoise en 2012 suite ? l'affaire de blanchiment li?e aux fr?res Elmaleh et qui a r?gl? en 2013 pr?s de 2 milliards de dollars d'amende aux Etats-Unis suite ? une affaire de blanchiment de drogue via le Mexique, aurait maintenu en Suisse des comptes de potentats, terroristes, trafiquants d'armes ou autres personnalit?s sous sanctions. On attend de voir les d?tails. Pour l'heure toutefois, au rang des personnes politiquement expos?es (PEP), les poids lourds restent absents [et le choix des r?v?lations bien s?lectif, NDLR]. Reste que Swissleaks soul?ve un probl?me s?rieux: alors qu'on d?couvre les comptes douteux de cette liste, on sait que le Minist?re public de la Conf?d?ration en a eu connaissance, et qu'? nul moment la Suisse n'a jug? opportun d'ouvrir une enqu?te. Il est vrai que les condamnations pour blanchiment d'argent en Suisse, comme ailleurs dans le monde, sont ridiculement rares, et que le discours sur la s?v?rit? de la lutte antiblanchiment est ridiculement surfait, lorsqu'on sait que chaque ann?e, des montants de l'ordre de 1600 milliards de dollars sont blanchis dans des banques (chiffres 2009 des Nations Unies), dont l'essentiel passe par les plus grandes places financi?res [...] Ici, il y a un probl?me majeur, que le "hacker journalism" aid? par l'Etat, auquel on a affaire ici, aura eu le m?rite de r?v?ler. Mais on n'est ici qu'au d?but de l'investigation journalistique. Comme le ph?nom?ne persistant de la soustraction fiscale, le probl?me du blanchiment reste entier, il est en progression, et il est de port?e mondiale. C'est ? ce niveau que les journalistes pourraient combiner leurs forces au plan mondial pour enqu?ter. Quelles sont les nouvelles voies du blanchiment, qui sont ?galement utilis?es pour la soustraction fiscale? Comment les blanchisseurs et fraudeurs parviennent-ils ? couper les liens entre les comptes bancaires et l'activit? ill?gale ? l'origine des fonds, et ? effacer la tra?abilit? de ces derniers ? Les techniques tr?s avanc?es qui permettent qu'aujourd'hui de tels montants parviennent ? ?tre blanchis, au su et au vu de toutes les banques soi-disant tr?s strictes en mati?re de blanchiment d'argent, sont ? ?tudier et ? d?cortiquer. Un consortium de journalistes qui d?voilerait ces m?canismes au grand jour, au lieu d'attendre que des informations choisies, li?es ? un agenda politique sp?cifique, lui tombent dans le bec, ferait v?ritablement un travail journalistique d'utilit? publique.

lire aussi