Fakhfakh potentiel chef de gouvernement avec 0,3% de voix à la présidentielle d’octobre dernier

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Tunis - Le choix d’Elyes Fakhfakh, chef de gouvernement désigné et l'invité surprise à la primature, intrigue et alimente le débat public en Tunisie. A-t-il été choisi en fonction de son profil personnel, non en tant que membre du parti Ettakattol (socio-démocrate) quasi inexistant avec zéro député au parlement et un score obtenu de 0,3% dans la présidentielle d’octobre dernier ?

Des interrogations qui ne trouveront certainement pas de réponses de sitôt et qui concernent la coloration politique du gouvernement, la pertinence d'organiser des élections législatives quand les rênes de l'exécutif sont confiées à des candidats issus de partis politiques minoritaires et la partie qui va assumer la responsabilité d'un éventuel échec du gouvernement, le président de la république qui a choisi le candidat ou les partis majoritaires représentés au parlement, frustrés de se voir évincés du jeu politique.

En dépit de ce flou et de la désignation quelque peu énigmatique du nouveau chef de gouvernement, les analystes attendent de connaître le programme du nouveau locataire de la Kasbah, ses orientations et la mission dévolue à son gouvernement.

Appartenant à la mouvance socio-démocrate, le choix d’Elyes Fakhfakh n'a pas soulevé un grand tollé chez les différents partis politiques les plus influents notamment "Ennahdha" et "Qalb Tounes" qui se montrent désappointés mais résignés.

Dans l'autre sens, de nombreux acteurs politiques ont accueilli favorablement cette désignation, en particulier le mouvement "Attayar" de Mohamed Abbou et "Tahya Tounes" de Youssef Chahed, présentant le candidat comme l'homme de la situation et la personne la plus apte à conduire les réformes, à faire sortir le pays d'un long attentisme et à agir vite pour répondre aux attentes des Tunisiens.

Cela fait que la contrainte temps et l'obligation qui pèse sur toutes les familles politiques de faire sortir le pays du cercle vicieux augurent de consultations moins tendues, rapides et d'un gouvernement resserré.

Ses premières déclarations ne laissent pas l'ombre d'un doute, affirmant qu’il "veillerai à composer un gouvernement qui sera à la hauteur de ce moment historique et des attentes des Tunisiens. "Je veillerai à ce que le gouvernement soit en harmonie avec les aspirations des Tunisiens, exprimées lors des dernières élections", a-t-il dit.

Il précise en même temps que son "gouvernement se composera d'une équipe restreinte, harmonieuse et sérieuse qui alliera la compétence, la volonté politique et le respect des fondamentaux nationaux et des objectifs de la révolution".

En attendant l'engagement de concertations qui ne devraient pas dépasser un mois, les partis politiques semblent se trouver dos au mur.

Pour éviter que la crise politique ne gagne en profondeur et n'aboutisse à la dissolution du parlement, les différents acteurs ont préféré faire profil bas, avaler la pilule plutôt que s’exposer à l’ire d’une opinion publique excédée par les errements d'une classe politique obnubilée par le pouvoir et le jeu du positionnement.

En se présentant comme le plus proche de la ligne de la révolution, le nouveau chef de gouvernement désigné trouve devant lui une occasion historique pour changer la donne, redonner confiance aux Tunisiens et engager des réformes profondes qui sauveraient le pays d'un désastre annoncé.

Vers un changement de régime politique

En dépit du dénouement du processus de désignation du chef du gouvernement et du sentiment d'optimisme qui se dégage au sujet de la confiance qui lui sera accordée par le parlement, une question récurrente continue à se poser sur les raisons profondes qui ont conduit à la mise à l'écart des partis politiques représentés au parlement.

Cela peut-il augurer d'un premier pas amorcé dans le sens du changement du régime politique comme le souhaite depuis longtemps le président Kaïs Saeïd ?

Pour certains observateurs, le choix opéré dans la soirée du lundi 20 janvier n'est pas démocratique, car il ne respecte pas la volonté des partis élus, ni celle du peuple lors du suffrage universel. L'on se demande si on peut logiquement placer à la présidence du gouvernement un candidat qui n'a recueilli que 0,3% des suffrages lors du scrutin présidentiel.

Même si le Président tunisien a affirmé avoir respecté la volonté électorale en se défendant que le prochain gouvernement ne sera pas celui du président, la méthodologie adoptée laisse beaucoup de flou et manque d’explication capable de convaincre les plus sceptiques.

Beaucoup d'analystes s'interrogent sur les raisons qui ont motivé le choix d'un candidat outsider appuyé uniquement par deux petites formations et jeté aux orties les deux autres personnalités appuyées par les deux grands partis, à savoir "Ennahdha" et "Qalb Tounes".

L'autre zone d'ombre concerne le programme du gouvernement. En effet, on s'apostrophe si Elyes Fakhfakh va appliquer son programme ou celui d’Ennahdha, ou à fortiori du Président de la république, une situation inédite et puisque les deux derniers possèdent une majorité et une légitimité, ce qui fait l'on se demande quelle légitimité finira par prévaloir ?

En attendant l'épilogue de la deuxième phase du processus de formation du gouvernement post élection, les réactions enregistrées dégagent un sentiment de satisfaction mitigé.

Mustapha Ben Jaâfar, ancien chef du parti Ettakatol, a déclaré que M. Fakhfakh est l'un des meilleurs jeunes hommes politiques qui portent un projet clair en plus de sa droiture et de son intégrité, jugeant au passage le choix fait par le président de la République de cohérent avec "l'orientation majoritaire des électeurs" qui avaient choisi la rupture avec ce que le pays avait connu auparavant.

Le chef du Bloc démocrate à l'ARP, Ghazi Chaouachi, a réaffirmé que son parti soutiendra le chef du gouvernement désigné et qu’il accordera, à priori, sa confiance au gouvernement qu'il formera.

"C'est la personne qu'il faut dans l'étape à venir. Nous avons confiance qu'il dirigera un gouvernement puissant avec l’appui d’une forte ceinture politique", ajoute M. Chaouachi.

Le mouvement "Ennahdha", visiblement déçu mais résigné, annonce ne pas s'opposer en principe à la désignation d’Elyes Fakhfakh à la tête du gouvernement, qualifié de personnalité connue qui a collaboré avec Ennahdha sous d'autres gouvernements.

En revanche, Le chef du bloc parlementaire Al Karama (islamiste radical), Seif Eddine Makhlouf soutient un autre discours, estimant que cette désignation ne reflète en aucun cas les orientations des partis ayant fait part de leurs propositions au président de la République.

La cheffe du bloc parlementaire du Parti destourien libre (PDL), Abir Moussi a vite annoncé la couleur affirmant que son bloc n’accordera pas sa confiance au gouvernement de Elyes Fakhfakh.

Pour sa part, Selim Azzabi, secrétaire général de "Tahya Tounes" tout en se félicitant de cette désignation exige que Fakhfakh devrait démissionner d'Ettakatol afin d’être indépendant, garder la même distance de tous les partis politiques et fournir ainsi plus de conditions favorables au succès de son futur gouvernement.

En attendant que le nouveau promu au poste de chef de gouvernement passe aux choses sérieuses, tout indique que l'inquiétude du vide politique qui a plané un certain temps a été quelque peu émoussée et que l'espoir d'un déblocage de la situation politique refait surface.

 

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