Mourou- Saied, deux faces, un même revers

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Les Tunisiens n’en reviennent pas, ni le reste du monde d’ailleurs.  Deux outsiders on fait voler en éclat toutes les autres têtes et toutes les autres formations. Si les islamistes de Ghannouchi (Ennahda) ont sauvé les meubles en occupant, vu les circonstances, une honorable troisième place avec 12,88% des voix, ils affichent néanmoins une mauvaise mine. N’ayant pas pris part pour des raisons tactiques à la présidentielle de 2014, ils avaient occupé le deuxième rang aux législatives de la même année avec 27,79% du scrutin. Provisoirement ils peuvent s’accrocher aux prochaines prévues pour octobre en avançant que c’est à leur aune qu’il faudra les juger. 

 

Kaïs Saied, électron libre ou cheval de Troie

Cet Argument peut tenir la route si l’on tient pour vrai que les islamistes d’Ennahda avaient deux fers au feu : l’officiel, Abdelfattah Mourou, qui n’aurait joué in fine que les lièvres, et l’officieux, Kaïs Saied, qui serait une sorte de cheval de Troie, arrivé en tête avec 18, 40% des voix. L’un dans l’autre, Saied et Mourou totalisent plus de 31% de voix. Et même si cette thèse n’est pas avérée, il y a de fortes chances qu’Ennahda reporte ses voix sur Kaïs Saied au discours ambigu et populiste qui se complait dans ses relents islamistes. 

L’autre vainqueur de ce premier tour attise tout autant la curiosité. Contrairement à Kaïs Saied, Nabil Karoui n’est pas un inconnu à l’international. Ses frasques sont connues des Algériens, des Marocains, des Français et de citoyens de bien d’autres pays. Homme d’affaires avisé et entreprenant pour les uns, businessman sulfureux et margoulin pour d’autres, il n’est pas l’outsider que l’on présente actuellement. A l’approche de la présidentielle, les sondages le donnaient déjà en tête de la présidentielle.  Ses sympathisants disent que c’est même pour cela qu’il a été jeté en prison pour « blanchiment ». Emprisonné, il n’a pas pu faire campagne. Mais la prison a fort probablement fait sa campagne. « Un homme que l’Etat profond jette en prison à la veille des élections ne peut pas être mauvais» se sont vraisemblablement dit les électeurs. 

Dans ce qui est désormais l’imbroglio tunisien, c’est Nidaa Tounèss qui apparait comme le grand perdant. En fait, il n’apparait plus. Grand réceptacle fondé par le président décédé, Beji Caïd Essebsi, pour faire front aux islamistes en accueillant tout ce que la Tunisie comptait comme laïcs modernistes, destouriens impénitents, démocrates de tout acabit, anti-islamistes invétérés,  gauchistes en rupture de ban…Niddaa Tounèss n’aura pas survécu à son fondateur. A la présidentiel, on comptait pas moins de huit candidats issus de ses rangs. Ce qui en restait s’est reporté sur Abdelkrim Zbidi, ministre de la défense, qui s’est affiché indépendant.

Le lendemain du 13 octobre, la Tunisie a de fortes chances de se réveiller avec à sa tête un professeur de droit constitutionnel, sympathique à voir, mais politiquement hurluberlu qui veut fonder un système où les mandants peuvent à tout moment dessaisir leurs mandataires.  Ou un homme d’affaires pas net dont les convictions politiques libérales s’accommodent mieux des opérations caritatives bonnes pour son ego et son prestige que des demandes d’augmentation salariale de ses employés. 

Le système hybride, semi parlementaire – semi présidentiel, sur lequel repose le pouvoir en Tunisie va finalement laisser aux législatives, prévues en même temps que le second tour de la présidentielle, le soin de trancher le rapport des forces au sein de la faune politique du pays. L’exception tunisienne c’est aussi ça et elle nous promet de beaux jours.  

 

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