Ou va l’Algérie ?

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Les dernières manifestations de Bejaia, réprimées une nouvelle fois, sont elles un incident isolé, ou révèlent-elles un malaise plus profond ? Les observateurs optent majoritairement pour l’hypothèse d’un début d’instabilité. La réponse du gouvernement, la menace d’une répression « sans faille » les conforte dans cette option

Depuis près de 20 ans, depuis le GIA, le pouvoir ne laisse aucun espace à la contestation au nom de la stabilité. Cette digue ne tient plus pour plusieurs raisons. D’abord le système politique est totalement vermoulu. Les luttes des clans au sein des généraux, incapables de se mettre d’accord pour la succession, à l’intérieur du FLN, qui a connu deux putschs en cinq ans. Benfliss ancien ministre de Boutef a annoncé que son parti allait boycotter les législatives. Le projet de nouvelle constitution est un verrouillage programmé. Ces vingt ans ont non seulement sapé la légitimité du pouvoir mais aussi décrédibilisé l’opposition classique, qui de concession en concession n'apparaît plus porteuse de changements. Ni le RCD ni le parti des travailleurs n’arrive à porter le changement.

Cette situation aurait pu justifier le statu quo. C’est devenu impossible parce que l’ultra dépendance au prix des hydrocarbures a cassé le système de rente. L’Algérie veut enfin, créer un système financier digne de ce nom, diversifier son économie, soutenir un secteur privé qui ne vivait que des prébendes de l’Etat. Toutes ces réformes nécessaires exigent beaucoup de temps. Denrée dont ne dispose pas la nomenklatura algérienne.

La jeunesse algérienne, près de 60% de la population, manque de formation, l’école étant en faillite comme chez nous, la formation professionnelle n’est pas performante. Le chômage est très élevé parmi ces couches. Le problème du logement existe toujours malgré les efforts fournis ces dernières années, avant la chute du cours de gaz. Les services publics ne sont pas au niveau.

Or dans ce pays toute la société est gangrenée par la rente, toutes les attentes sont dirigées vers l’état. Des milliers de logements ont été distribués ce qui crée, pour les gens, un « droit », les jeunes, quelque soit leur formation, veulent un emploi à la Sonatrach et ainsi de suite.

Dans ce contexte tout discours sur la rationalisation, les difficultés budgétaires n’a pour réponse que la démocratisation de la corruption. Les Algériens, sont convaincus que toutes leurs difficultés proviennent de la corruption du système. Les différents scandales mettant en cause des proches du président ne font que les conforter dans cette approche.

C’est donc un vrai ras le bol qui existe contre toutes les élites dirigeantes, y compris l’opposition officielle. On a vu ailleurs ce que ces révoltes anti système, sans direction, ont généré et c’est là la source de l’angoisse. L’armée algérienne, prédatrice, n’est pas du genre à accepter de se faire déposséder par des manifestants. Le terrorisme n’a jamais été totalement éradiqué, des camps d'entraînement existent toujours dans les montagnes. Ce scénario serait une catastrophe pour toute la région. Il peut être évité si la nomenklatura accepte de partager le pouvoir et les richesses. Elle n’en prend malheureusement, pas le chemin.