Portrait. Cyril Ramaphosa, le nouvel homme fort de l’Afrique du Sud

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Lundi 19 décembre, Cyril Ramaphosa a été élu à la tête de l’African National Congress (ANC), suppléant ainsi Jacob Zuma, actuel président sud-africain. Bonne ou mauvaise nouvelle pour le Maroc ? Eclairage

Héros de la libération de Mandela, Cyril Ramaphosa a un passé politique riche, débouchant sur une élection pressentie depuis de nombreuses années. Une victoire bénéfique pour le Maroc de prime abord, mais qui pourrait se retourner contre le royaume tant la configuration politique en Afrique du Sud est complexe.

Qui est Ramaphosa ?

Le nouveau président de l’ANC est considéré comme un acteur majeur de la libération de l’ancien président Nelson Mandela, à 65 ans il est aujourd’hui le nouvel homme fort de l’Afrique du Sud.

A 29 ans, après avoir été retardé par de nombreuses incarcérations pours ses actions contre le régime d’Apartheid, Il termine ses études d'avocat à l’Université d’Afrique du Sud, l’année suivante il devient le secrétaire général du syndicat national des mineurs, l’un des syndicats majeurs du pays.

Ramaphosa a été le président de l’assemblée constituante lors du vote de la Constitution sud-africaine en 1996, après l’apartheid.

L’élection de Thabo Mbeki en 1997 synonyme de défaite politique pour lui, ainsi que les conseils de Mandela, le poussent à se retirer de la vie politique en Afrique du Sud. Il se lance alors dans l’entreprenariat et crée l’une des plus grandes entreprises africaines d’aujourd’hui, Shanduka. Il s’agit d’une holding d’investissement aux intérêts variés : fast-food, mines, services financiers et bien d’autres.

Le succès de ce groupe confirme et réaffirme sa réputation déjà bien construite de négociateur et d’homme d’affaires talentueux.

Ramaphosa établit des liens profonds avec le secteur privé en Afrique du Sud durant cette période de 20 ans consacrée au business. Cela engendrera des différends entre lui et une faction de l’ANC pour qui les arrangements post-apartheid ont fourni une puissance politique mais pas une indépendance économique. Ils appellent notamment à des changements économiques radicaux afin de se défaire du monopole détenu par les « blancs ».

En 2012, il revient à la vie politique. Cet exil l’épargne de nombreux scandales de corruptions ayant touché plusieurs cadres de l’ANC et Jacob Zuma. L’affaire Gupta notamment, ou on constate des liens plus qu’étroits entre la richissime famille et le président de l’Afrique du Sud.

Implications pour le Maroc

La 54e conférence de l’ANC a été conclue par un discours de son nouveau chef. Un discours prônant un rassemblement et une réunification amenant un travail collectif des factions. Le vainqueur des élections, possède une assise fragile, désigné par une majorité de 2.446 contre 2.261 pour Dlamini-Zuma, l’ANC est toujours divisé en deux.

Une alliance avec le clan Dlamini-Zuma est presque inéluctable et probablement une mauvaise nouvelle car elle sera synonyme de concessions, en termes de politique intérieure et de politique extérieure. Les opinions politiques de Dlamini-Zuma sont connues, pro-Polisario et opposante historique du royaume, le dossier Sahraoui pourrait être la victime de ces négociations inter-factions

A l’aube de l’élection de Ramaphosa, des mises en garde contre le « danger » représenté par le Maroc ont déjà vu le jour.

Des lobbyistes clairement et ouvertement anti-marocains et pro-polisario (Algérien) ont appelé à poursuivre l’engagement de l’Afrique du Sud pour “l’indépendance du Sahara”.

“Le référendum donnerait au Saharaoui l’option de devenir une nation indépendante” dit Catherine Constantinides, démontrant au passage sa non maîtrise du sujet, le référendum n’étant plus une option viable du fait de l’impossibilité de déterminer les votants.

Jean-Jacques Cornish, lui, opte pour un déversement limpide et cristallin de mépris pour le royaume. Il déclare que les relations maroco-sudafricaines sont complexes et le « Maroc profite de ces confusions » réfutant tout le soutien du Maroc apporté à l’ANC et Mandela par le passé. Plus grave encore, il réduit le Maroc à « des oranges, du hashish et un peu de tourisme », voilà le niveau des représentants de la cause du Polisario.

En associant cela, aux tensions internes de l’ANC, la diplomatie Marocaine a du souci à se faire.

Les relations entre le Maroc et l’Afrique du Sud ont connu un léger progrès notamment grâce à la rencontre du roi Mohammed VI et de Jacob Zuma lors du sommet UA-UE. Cette rencontre avait débouché sur une reprise des relations diplomatiques et la titularisation d’un ambassadeur du Maroc à Pretoria (le retrait de l’ambassadeur ayant fait suite à la reconnaissance de la RASD par l’Afrique du sud).

Cet avancement peut être balayé par la conjoncture politique actuelle en Afrique du Sud.

En tant que dauphin et protégé de Madiba , mais aussi un des artisan de sa libération, le soutien économique, militaire et logistique du Maroc pour l’indépendance de l’Afrique du Sud ne devrait pas lui être étranger. La mémoire courte est un mal récurrent chez les politiques cependant.

Le passé de syndicaliste socialiste de Ramaphosa, peut être aussi un motif d’inquiétude. Il a été secrétaire général de l’un des plus grands syndicats d’Afrique du Sud. Or les idées socialistes ont toujours eu historiquement plus d’affinités avec Alger.

Ces 20 dernières années néanmoins ont laissé place à un homme d’affaires, entraîné au capitalisme. Cette facette doit connaitre un intérêt et une attirance naturelle vers le Royaume tant les opportunités générées par une alliance entre les deux pays, seront conséquentes. Assez conséquentes pour ignorer la voix puissante de Dlamini Zuma ? A voir.

 

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