Tirs iraniens contre les Etats-Unis : une situation plus explosive et des chiites plus unis

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L'Iran a tiré mercredi des missiles sur des bases abritant des soldats américains en Irak en représailles à l'assassinat par Washington de son général Qassem Soleimani, une riposte qui marque une "nouvelle phase" mais n'a pour le moment pas entraîné la déflagration redoutée. A noter que la frappe américaine a eu pour effet immédiat de remettre en selle les forces chiites qui semblaient de plus en remis en cause dans la région notamment au Liban et en Irak. Dans ce dernier pays, l’effet immédiat des assassinats américains a été d’unifier les deux ailes du chiisme irakien, le Hachd acchaabi pro-iranien et l’armée de Mehdi, plus nationaliste, menée par Moqtada Sadr qui vient de réactiver ses troupes 

A l'heure, donc, à laquelle l’architecte de la stratégie iranienne au Moyen-Orient était tué vendredi dernier sur ordre du président américain Donald Trump, l'Iran a lancé son "opération Martyr Soleimani".

En une demi-heure, 22 missiles sol-sol se sont abattus sur deux bases irakiennes, Aïn al-Assad (ouest) et Erbil (nord), où sont stationnés certains des 5.200 soldats américains déployés en Irak.

Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei a qualifié l'opération de "gifle en pleine face" des États-Unis. "Les actions militaires du genre ne sont pas suffisantes pour cette affaire", a-t-il néanmoins relevé, ajoutant qu'il était nécessaire que "la présence corrompue des États-Unis dans la région prenne fin".

"Nous ne cherchons pas l'escalade ou la guerre, mais nous nous défendrons", a tempéré Mohammad Javad Zarif, chef de la diplomatie iranienne, expliquant que les représailles "proportionnées" de la nuit étaient "terminées".

Ces raids, qui selon l'armée irakienne n'ont pas fait de victime dans ses rangs, n'ont pas suscité de riposte immédiate, mais font redouter une escalade régionale et un conflit ouvert.

Paris et Londres, dont des forces sont présentes en Irak dans le cadre de la coalition internationale occidentale, ont indiqué que les frappes de missiles n'avaient pas fait de victime dans leurs rangs. 

Berlin a condamné l'attaque, tout comme Londres qui a exprimé sa "préoccupation" quant à des "informations faisant état de blessés".

"L'évaluation des dégâts et des victimes est en cours. Jusqu'ici, tout va bien !", a écrit sur Twitter M. Trump, ajoutant qu'il ferait une déclaration mercredi.

Selon des informations de presse citant un responsable américain, les forces de la coalition ont été prévenues à l'avance des frappes mais la provenance de cet avertissement n'était pas claire.

"Via nos canaux de renseignement, nous avons été avertis qu'une possible attaque était imminente", a déclaré un porte-parole de l'armée norvégienne, qui compte environ 70 soldats sur la base d'Aïn al-Assad.

"Réponse publique" 

Des missiles balistiques ouvertement lancés depuis l'Iran sur des cibles américaines marquent une nouvelle phase. C’est une réponse publique et d'ampleur pour envoyer un signal, Téhéran tient pour l’instant à ne pas impliquer les forces alliées dans la région, en Irak, au Liban, en Syrie ou ailleurs.

Les paramilitaires pro-Iran en Irak  du Hachd populaire dont l’un des leaders a été tué en même temps que le général iranien,  ont promis toutefois une réponse "pas moins importante" que celle de l'Iran.

Signe que de nouvelles violences sont redoutées, l'agence fédérale de l'aviation américaine (FAA) a interdit aux avions civils américains le survol de l'Irak, de l'Iran et du Golfe.

Les cours du pétrole se sont envolés de plus de 4,5% mercredi matin en Asie, avant de ralentir leurs gains.

Les Gardiens de la révolution, l'armée idéologique iranienne, ont conseillé à Washington de rappeler ses troupes du Moyen-Orient pour "éviter de nouvelles pertes". Ils ont aussi menacé "des gouvernements alliés" des États-Unis, en premier lieu les États du Golfe, pris entre Iran et Irak, et Israël.

Dans les rues d'Iran, les funérailles du général Qassem Soleimani, assassiné à Bagdad avec l'Irakien Abou Mehdi al-Mouhandis, leader des paramilitaires pro-Iran désormais intégrés aux forces de sécurité irakiennes, ont été jusqu'à mardi soir ponctués d'appels à la "vengeance", au cri de "Mort à l'Amérique".

L'immense cortège à Kerman (sud-est), ville natale du général, a été endeuillé mardi par une bousculade qui a fait 56 morts et 213 blessés, selon le dernier bilan officiel publié par les médias locaux.

Retrait des alliés des Américains 

Avant même les frappes de la nuit, plusieurs États membres de la coalition emmenée par les États-Unis ont annoncé sortir leurs soldats d'Irak, après des dizaines de tirs de roquettes depuis des semaines sur des bases les abritant.

Si la France et l'Italie ont fait savoir leur intention de rester en Irak, les Canadiens et les Allemands ont annoncé mardi le redéploiement d'une partie de leurs soldats vers la Jordanie et le Koweït. L'Otan a décidé de retirer temporairement une partie de son personnel d'Irak.

M. Trump, lui, écarte tout départ d'Irak, alors qu’une fuite d’une lettre du chef des troupes américaines en Irak laisse croire qu’au moins une réflexion dans ce sens est engagée au sein de l’administration américaine. Par « erreur », selon le Pentagone, les Américains ont annoncé à Bagdad le début de leur retrait puisque le Parlement irakien venait de réclamer leur expulsion.

Un retrait des troupes américaines "serait la pire chose qui puisse arriver à l'Irak", a déclaré le locataire de la Maison Blanche.

Après le vrai-faux retrait total des troupes américaines de Syrie, annoncé par Donald Trump à deux reprises depuis un an avant qu'il ne fasse volte-face, il s'agit d'un nouveau coup porté à la lutte contre le groupe Etat islamique (EI), qui conserve des cellules jihadistes en Irak et en Syrie malgré sa défaite territoriale.

Le raid à Bagdad qui a tué Soleimani a galvanisé le sentiment antiaméricain au Moyen-Orient  et dans le monde arabe et créé un rare consensus contre Washington jusque dans les rangs des opposants au régime iranien.

"Préparer leurs cercueils" 

Le Parlement iranien a décrété toutes les forces armées américaines comme "terroristes" et peu après les factions pro-Iran en Irak annonçaient avoir formé un front commun pour coordonner avec l'Iran et le Hezbollah libanais allié de Téhéran "une réponse sévère et étudiée aux forces américaines terroristes".

Les Marines américains doivent rentrer dans leurs repaires immédiatement pour préparer leurs cercueils parce que 'les bataillons de la résistance internationale' ont été formés", menacent ces  groupes armés.

A Washington, M. Trump a par ailleurs semblé revenir sur sa menace de frapper des sites culturels iraniens, affirmant qu'il "aime respecter la loi".

Le débat fait déjà rage sur la légalité du tir de drone qui a pulvérisé la voiture dans laquelle se trouvait Soleimani, qui plus est dans un pays tiers, même si son secrétaire d'Etat Mike Pompeo assure que M. Trump avait "les bases légales appropriées".

M. Zarif, lui, devait assister jeudi à une réunion du Conseil de sécurité à l'ONU à New York, mais a affirmé que son visa américain lui avait été refusé. A noter que la frappe américaine a eu pour effet immédiat de remettre en selle les forces chiites qui semblaient de plus en remis en cause dans la région notamment au Liban et en Irak. Dans ce dernier pays, l’effet immédiat des assassinats américains a été d’unifier les deux ailes du chiisme irakien, le Hachd acchaabi pro-iranien et l’armée de Mehdi, plus nationaliste, menée par Moqtada Sadr qui vient de réactiver ses troupes 

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