Tunisie :Fakhfakh pour former le gouvernement, la montée surprenante d'un outsider

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Tunis - L'annonce lundi soir du nom du futur chef de gouvernement, Elyes Fakhfakh, un outsider et malheureux candidat au dernier scrutin présidentiel, via un communiqué officiel a mis un terme à un suspense haletant, insoutenable et à des spéculations fantaisistes.

Cet ancien ministre des Finances aura à agir vite, former son équipe dans des délais rapides et aura au maximum un mois non renouvelable pour réussir sa mission.

Même si la consultation engagée par le président Kaïs Saeïd n'a concerné que trois candidats, à savoir Hakim Ben Hammouda, un économiste et ex-ministre du Développement et des Finances dans le gouvernement de Mehdi Jomaa (2013-2014), Fadhel Abdelkefi, ex-ministre du Développement et des Finances (gouvernement Youssef Chahed) et Elyes Fakhfakh (ex ministre du tourisme puis des Finances dans le gouvernement de la Troïka), le choix du dernier a beaucoup surpris.

Selon un grand nombre d'analystes, la nomination d’un outsider et membre du parti Ettakatol (centriste), actuellement moribond et presque inexistant sur la scène politique a autant surpris que désappointé des partis notamment "Qalb Tounes" qui a tout misé sur le choix de Fadhel Abdelkéfi.

Elle consacre surtout un jeu d'influence déterminant joué par le mouvement "Attayar" de Mohamed Abbou et "Tahya Tounes" de Youssef Chahed qui ont su et pu éliminer des personnalités pourtant mieux rompues de point de vue connaissance des problèmes économiques.

La montée soudaine dans la sphère politique du nouveau chef de gouvernement désigné, qui n'aura pas la tâche facile, illustre, selon les mêmes sources, parfaitement le caractère imprévisible de la vie politique dans le pays et surtout les fortes incohérences de la classe politique tunisienne dont les alliances se font et se défont au gré des circonstances et d’intérêts parfois étriqués.

Tout en attendant que le nouveau candidat décline son programme et l'orientation qu'il donnera à son gouvernement, de nombreux points d’interrogations persistent sur son programme, la qualité de son gouvernement, d'union nationale, de technocrates, d'indépendants, sur le processus d'attribution des portefeuilles et sur le nombre de postes à pourvoir.

Pour eux, ce qui est sûr et malgré les réserves formulées par "Ennahdha" et de "Qalb Tounes" sur le choix du futur chef de gouvernement, il est fort à croire que l'entreprise que pilotera Elyes Fakhfakh et que les concertations qu’il aura à entreprendre au cours des quelques semaines à venir, ce gouvernement ne connaîtra pas le même sort rencontré par celui de Habib Jemli.

De nombreux analystes affichent un optimisme prudent et s’attendent à ce que l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP/parlement) finisse par accorder sa confiance à la nouvelle équipe gouvernementale.

Le président, qui a fait une large concertation impliquant notamment les organisations nationales, est sûr de son coup. Au regard du contexte délicat que connaît le pays et des évolutions rocambolesques observées, les députés sont plus que jamais conscients de la nécessité d’éviter la situation du pire, celle qui pourrait conduire le président tunisien à recourir à la dissolution du Parlement.

Dans l’intervalle du temps qui lui est imparti, ce dernier a pris toutes ses précautions, recevant au cours de la journée le président de l’ARP, Rached Ghannouchi et le Secrétaire général de la centrale syndicale, l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) et annonçant en fin de soirée le choix qu’il a fait.

La crainte de la dissolution, l’atout du chef du gouvernement

Il s'agit d'un choix qui met tous les acteurs politiques devant leurs responsabilités en ne leur laissant aucune marge pour manœuvrer qui leur permet d'infléchir sa volonté.

Cette annonce, tombée tel un couperet pour certaines parties politiques, marque la volonté du président Saeïd de mettre un terme à un long atermoiement, à un attentisme à l’origine d’un profond malaise et de fortes tensions, ainsi que de faire prévaloir la légitimité dont il est fort à la faveur de son obtention de 72,71% des suffrages en octobre dernier.

Manifestement, la première phase qu’il a conduite a abouti au résultat escompté. Le président Kaïs Saïed est parvenu en dix jours et selon les dispositions de la constitution, à désigner la personnalité la plus apte à former le prochain gouvernement. Maintenant la balle est dans le camp du chef de gouvernement désigné qui aura un mois pour former son équipe et la présenter à l’ARP.

Il faut noter au passage que l’article 89 de la Constitution, stipule que si, dans les quatre mois suivant la première désignation, les membres de l’ARP n’ont pas accordé la confiance au gouvernement, le Président de la République peut dissoudre l’ARP et appeler à l’organisation de nouvelles élections législatives dans un délai d’au moins 45 jours et ne dépassant pas 90 jours.

Elyes Fakhafakh part avec un atout de taille. La crainte de la dissolution du parlement sera la carte maîtresse qu’il essayera de jouer à fond pour venir à bout des tergiversations des partis politiques et surtout de leur velléité de lui imposer des choix impossible à satisfaire.

Né en 1972 à Tunis, Elyes Fakhfakh est ingénieur diplômé de l’école nationale d’ingénieurs de Sfax (sud tunisien) et également spécialiste en management humain et gestion des affaires.

Il est également détenteur d'un master en management obtenu à Paris. Après une vie professionnelle en France, il a fait son retour en Tunisie en 2006, où il a occupé le poste de directeur général d'une société industrielle spécialisée dans les composants automobiles, puis directeur général d'un groupe jusqu'à décembre 2011.

Il intègre la vie politique en 2011 et rejoint le parti Ettakatol démocratique pour le travail et les libertés. Il a été élu président du conseil national du parti lors de son troisième congrès en 2017. Après les élections de l'Assemblée nationale constituante, Elyes Fakhfakh a été désigné ministre du tourisme, puis ministre des Finances en décembre 2012.

Même si de nombreux partis ne vont pas s’opposer vertement à cette nomination, son parcours politique quelque peu hésitant dans le gouvernement de la Troïka (2011-2013) conduit par Ennahdha joue en sa défaveur. Réussira-t-il cette fois à faire oublier, à la faveur d’un programme bien ficelé et d’un gouvernement resserré et de mission à remettre le pays sur la bonne orbite et faire oublier une gestion jugée calamiteuse au cours de cette période des affaires du pays ? il faut attendre les premiers signaux pour pouvoir juger.

 

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