Les frontières en tant que violence

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Il semble qu?on a pris l?habitude de vouloir parler d?une fronti?re sans pr?ciser son objet. On dit, g?n?ralement, que la fronti?re est une limite, une ligne de s?paration ou de d?marcation, comme elle peut-?tre un signe de partage ou d?identit?. Or, si on suit la tentation d?articuler la question de la fronti?re aux dynamiques identitaires, il faudrait, clairement, ne pas exag?rer les dimensions spatiales et temporelles d?une fronti?re, prises dans une g?ographie et une histoire, et s?orienter vers une approche ph?nom?nologique de la fronti?re en tant qu?exigence qui commande de l?interroger comme volont? de passage qui tend ? traverser les barri?res, les cloisons et les cl?tures que la g?ographie et l?histoire peut -si on se contente exclusivement de leurs imp?ratifs- nous imposer.

Il y a les effets de la fronti?re et la port?e symbolique qu?elle peut incarner. L??vacuation relative de l?espace et le temps ne signifie, nullement, qu?ils ne peuvent avoir d?effets sur la signification du passage des fronti?res. Ainsi les concepts de Nation, d?Etat, de citoyennet?, de paix ou de guerre, d??migration, de communaut??etc s?inscrivent dans une cartographie appuy?e par une chronologie, mais ces concepts produisent des mouvements collectifs et des dynamiques qui d?passent l?id?al normatif dans lequel on les fixe g?n?ralement pour engendrer des ?motions, des comportements, des jugements ou des pr? jugements d?une complexit? parfois intraitable. Les modes de fonctionnement des discours sur l?Etat, la Nation, le territoire, la ville, le citoyen?etc. appellent une interrogation profonde de la notion de fronti?re comme une signification renouvel?e et comme un appel ? l?ouverture, l??change et la circulation des biens symboliques et mat?riels sans pour autant rester prisonnier d?un discours mondialiste qui voit le monde globalement r?gi par les ?changes et la communication, et que le seul salut r?side dans la d?structuration g?n?ralis?e des fronti?res.

Au-del? des consid?rations mercantiles du discours mondialiste sur les fronti?res, la culture se pr?sente, de diff?rentes mani?res, pour fixer le mode d?affirmation de soi de l?homme dans le monde, ? travers la cr?ation, la religion, les habitudes et les institutions?etc. Ces m?canismes de production de sens donnent aux mouvements des gens une appartenance et leur tracent les limites.

L?Etat, le nationalisme, la religion? etc., m?me s?ils pr?tendent ?tre universels, dessinent des fronti?res aux sentiments, aux r?flexes et aux comportements, car ??la fronti?re semble prolif?rer au sein m?me du territoire qu?elle d?limite?? (Philippe Gonet, 2000). C?est ce paradoxe qui explique, en partie, la port?e presque tragique d?une fronti?re, car en tant que limite qui permet la nomination d?une identit? ou bien d?une alt?rit?, elle est, en m?me temps, l?expression d?une d?chirure, voire m?me d?une conscience malheureuse. La construction d?un mur de s?paration, par Isra?l, est l?incarnation d?une attitude x?nophobe sous pr?texte d?une protection illusoire et l?expression d?une tendance primaire de refuser de voir l?Autre, r?duit ? une adversit? existentielle. Le conflit isra?lo-palestinien traduit amplement cette expression tragique de la fronti?re. Dans ce genre de cas comment peut-on d?crire ou parler d?une travers?e des fronti?res, des barri?res, des murs et comment les identit?s se fragmentent elles au nom de la nationalit? ou de l?appartenance conflictuelle ? une terre?? et qui tol?re ou interdit les passages??

L?usage s?gr?gationniste de l?espace produit des effets qui rejettent l?Autre, le r?duisent ? une adversit? permanente, ? une diff?rence radicale qui ne cesse de se radicaliser par la persistance parano?aque ? limiter son mouvement, ? le d?shumaniser, l?humilier, ? lui refuser toute alt?rit? en tant que qualit? primordiale d?autrui. La fermeture des fronti?res maroco-alg?riennes s?inscrit dans la? guerre que l?Alg?rie m?ne, inlassablement, contre le Maroc depuis maintenant 35 ans. Voulant l?assi?ger au Sud par l?ent?tement politique et guerrier dans le Sahara marocain, et par le refus obsessionnel d?ouvrir les fronti?res pour des raisons qui d?notent d?une d?ch?ance politique et d?un rare d?sir de nuisance, l?Alg?rie domin?e par la junte militaire pers?v?re dans sa posture d?agressivit? sans aucun scrupule.

Dans ce cas pr?cis le poids de l?histoire et les consid?rations de la g?ographie jouent un r?le extr?mement important dans le regard de l?Autre et dans l?usage des identit?s. L?investissement de ces rep?res dans la gestion des conflits et les d?placements des fronti?res produit des significations qui brouillent les lieux de passage et bloquent la communication.

La fronti?re se d?finit, ici, comme l?expression d?une tendance farouche de ma?trise et de rejet et l?expression d?un id?al mythique voulant se concr?tiser par l?exclusion de l?Autre, en le condamnant dans des ghettos encercl?s de points de contr?le innombrables, de murs, de chars? etc. L?usage de la fronti?re dans des fronti?res devient une souffrance extr?me, sa travers?e s?inscrit dans une n?gociation quotidienne avec les lignes de s?paration et de barri?res. Le palestinien est un ?tre qui vit en suspens. Victime de l?histoire et de la g?ographie, d?une politique parano?aque et agressive, la palestinien vit la fronti?re comme une trag?die et non seulement comme un lien de passage parce qu?il se d?place face ? une volont? de puissance g?r?e par un coefficient assez ?lev? d?adversit? et de cruaut?.

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