A la discrétion particulière de M. Benmoussa et de sa Commission en général

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Dans son édition du 17 février, Le Monde.fr évoquait dans son article intitulé « Au Maroc, la fuite des cerveaux inquiète », ce mal qui saigne, pas seulement l’économie marocaine, mais nombre de pays dits en développement. Ils sont ainsi rien qu’au Maroc 600 cadres prêt-à-l ‘emploi, formés au pays, qui désertent le royaume pour brouter l’herbe qui est forcément plus verte ailleurs.

L’article cite, pour l’exemple, le cas d’un jeune ingénieur en informatique de 28 ans, Zakaria, parti pour Paris travailler dans une banque française. On y apprend que salarié au Maroc, il touchait 7 000 dirhams net mensuels, tandis qu’en France, il tourne, théoriquement, autour de 40 mille dhs, soit, toujours théoriquement, 5,7 fois ce qu’il gagnait chez lui.Théoriquement parce que l’article ne précise pas si son salaire français est en net, ni ne le rapporte au coût de la vie dans la capitale française où pour un logement de 20 m2 dans un arrondissement, disons comme le 13ème, il faut compter sur un loyer minimum de 12 à 15 mille dhs. 

Des passeurs en cols blancs

 A vrai dire il n’y a rien dans l’article qu’on ne connait déjà. Aussi va-t-on plutôt lui faire dire ce que le vénérable journal de référence qu’est Le Monde n’a pas déduit ou voulu déduire de son propre texte : A Casablanca, Zakaria travaillait chez Capgemini. Capgemini, nous apprend son site, est « un des leaders mondiaux du conseil, des services informatiques et de l’infogérance [… qui] s’engage ainsi à favoriser la liberté d’action de ses clients et à accroître leurs résultats, en s’appuyant sur une méthode de travail unique – la « Collaborative Business ExperienceTM ». L’ouverture du siège sociale de sa succursale au Maroc en 2010 s’est faite en grandes pompes en présence d’Ahmed Akhchichen, alors ministre de l’Education nationale. C’est que son ambition pour le Maroc était grande : Son site nous apprend, en effet, que « pour soutenir le développement de l’activité, Capgemini Maroc cherche à recruter les meilleurs talents et à jouer un rôle majeur en matière de formation des ingénieurs, et ce en partenariat étroit avec le système universitaire marocain. » Contre le misérable salaire de 7000 dhs net par mois qui mieux les prédispose à migrer armes et bagages vers d’autres cieux ?

Un autre détail, moins anecdotique, rapporté par Le Monde.fr. Il y a au Maroc une société, elle n’est pas la seule, Sintegra, une entreprise française spécialisée dans le recrutement, qui organise, au vu et au su de tous, cette fuite des cerveaux presque toutes les semaines. Sa promesse, indique encore le quotidien français : « Permettre à tous les ingénieurs maghrébins talentueux de pouvoir acquérir une expérience professionnelle solide en France. » Confus par tant de générosité et embarrassés par tant de sollicitude, on hésite entre le rire, les larmes et les remerciements. On va dire les trois, pour faire plaisir à tout le monde et ne mécontenter personne.

Voilà donc, la France, mais pas seulement la France, le Canada aussi pour ne citer que les plus agressifs, après avoir érigé un mur de visas infranchissable devant la migration économique, elle nous envoie des sociétés de tri pour sélectionner les meilleurs en vue de les importer sans rien débourser et sans que ces passeurs en cols blancs ne soient jamais inquiétés. Cela dit, il faut aussi écouter Zakaria, cité par Le Monde qui, je pense, ne l’a pas inventé : « Le contexte actuel, avec les peines d’emprisonnement pour avoir exprimé son opinion sur les réseaux sociaux, ne donne pas envie de revenir. Tout comme la corruption ou le fait qu’au Maroc, il faut venir du bon milieu pour avoir des postes intéressants. L’ascension sociale n’existe pas ».

PS : En bon citoyen, je soumets cet article à la discrétion particulière de M. Benmoussa et à sa Commission Spéciale sur le Modèle de Développement en général, une cellule de neurones bien connectées et de matière grise condensée. Si elles trouvent la solution à ce problème elles auront tout résolu. Et pour être constructif, je leur propose de convier pour l’écouter Mme Saloua Karkri-Belkeziz, présidente de la Fédération marocaine des technologies de l’information et des télécommunications, que cite Le Monde et qui lutte depuis 2017 pour garder les talents au Maroc. PS bis : Fouad Laroui pourrait leur être d’une aide précieuse sur ce sujet.

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