Investissements étrangers: l’Algérie, un marché, le Maroc, un partenaire (TSA - Algérie)

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Pourquoi les investisseurs étrangers préfèrent le Maroc à l’Algérie ? se demande le site algérien Tout Sur l’Algérie (TSA) et présente quelques éléments de réponse, déplorant que l’Algérie reste à la traine

La Chine va investir plusieurs milliards de dollars dans la région de Tanger, située dans l’extrême nord du Maroc. Lundi 20 mars, un protocole d’accord portant sur des investissements globaux de dix milliards de dollars sur 10 ans a été signé entre les parties chinoise et marocaine (la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, le groupe Haite, et BMCE Bank) en présence du roi Mohamed VI. Le premier volet porte sur la construction d’une ville intelligente pour un montant de 1 milliard de dollars.

Des projets «dignes » de ce nom

Au mois de septembre 2016, c’est le géant américain de l’industrie aéronautique Boeing qui a signé un protocole d’accord pour la création d’un écosystème toujours dans la région de Tanger. Ce projet qui impliquera également l’implantation de 120 fournisseurs de Boeing, permettra d’augmenter les exportations du royaume de près d’un milliard de dollars et la création de 8700 postes d’emplois spécialisés, selon Jeune Afrique.

Bien avant, les deux constructeurs français d’automobiles, Renault et Peugeot, ont annoncé des investissements de plusieurs centaines de millions d’euros dans deux projets au Maroc. En effet, Renault, qui dispose déjà de deux usines installées à Tanger et Casablanca, a lancé en avril 2016 un grand projet baptisé « Ecosystème Renault », un investissement de près d’un milliard d’euros. Selon la presse marocaine, cet écosystème consiste à développer une plateforme mondiale d’approvisionnement.

Renault et Peugeot : des milliards de revenus attendus

Ce projet, dont le taux d’intégration sera de 65%, permettra la création de 50.000 postes d’emplois, selon Moulay Hafid Elalamy, ministre marocain de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique.

« Ce projet générera un chiffre d’affaires additionnel de 20 milliards DH par an (NDLR : 2 milliards de dollars), triplant ainsi le montant des achats par le constructeur Renault, de pièces fabriquées sur le territoire marocain », avait-il expliqué.

Pour sa part, Peugeot a injecté près de 600 millions d’euros dans une véritable usine de production d’automobile qui sera implantée dans la région de Kenitra, sur la côte ouest du pays. Ce complexe industriel, qui sera opérationnel en 2019, aura une capacité initiale de production de 90.000 unités par an avec des taux d’intégration élevés, avoisinant les 80%.

Ces dernières années, le Maroc s’est taillé la part du lion des flux d’investissements directs (IDE) opérés dans la région maghrébine. Rien que pour ces quatre projets, les sommes investies dépassent les 3 milliards de dollars. Outre les capitaux considérables investis, une bonne partie de la production qui sort de ces complexes industriels est dédiée à l’export.

L’Algérie à la traîne

Pendant ce temps, l'Algérie, qui se débat pour diversifier son économie, peine à attirer les opérateurs étrangers ou des projets sérieux. La Chine préfère plutôt faire du commerce ou obtenir des contrats de construction que d’investir dans des projets concrets. Il est le premier fournisseur de l’Algérie et premier bénéficiaire des contrats publics lancés ces dernières années (routes, logements…).

Quant aux projets français réalisés en Algérie, ils sont nettement moins ambitieux que ceux lancés au Maroc. L’on peut citer à titre d’exemple l’usine Renault d’Oued Tlelat dont la production est destinée exclusivement au marché local, avec un taux d’intégration qui ne dépasse pas les 20%, selon les récentes déclarations du ministre de l’Industrie et des Mines, Abdeslam Bouchouareb.

Dès lors, une question se pose. Pourquoi les investisseurs étrangers préfèrent le Maroc à l’Algérie ? Éléments de réponse.

Des infrastructures modernes

L’un des attraits du Maroc, ses infrastructures portuaires modernes. À leur tête, le port de Tanger. Situé à 14 kilomètres des côtes espagnoles, le Tanger Med dessert 167 ports à travers le monde.  Mis en service en 2007, ce grand complexe a presque atteint sa capacité maximale de 3 millions de conteneurs EVP (équivalent vingt pieds) en 2016, selon l’Antenne, une plateforme française de services et d’actualité spécialisée dans le secteur du transport et de la logistique.  Un projet d’extension a d’ailleurs été lancé par les autorités marocaines pour augmenter sa capacité à 6 millions de conteneurs annuels.

Vendredi dernier, l’Agence spéciale Tanger Méditerranée (TMSA) a annoncé la mobilisation de 1,4 milliard de dollars (14 milliards de dirhams) pour le port Tanger Med II, selon le site marocain Challenge.ma. L’objectif final étant d’atteindre une capacité totale de plus de 8 millions de conteneurs EVP et de faire de ce complexe le premier en Méditerranée et en Afrique.

Outre la modernisation de ses infrastructures, le Maroc mise sur l’export à travers ses zones franches dédiées à cet effet, notamment celles de Tanger et Kenitra, alors que l’Algérie n’en compte aucune jusqu’à présent. La ville de Tanger, par exemple, dispose de deux zones franches où tout un dispositif de mesures a été mis en place pour inciter les opérateurs économiques, nationaux et internationaux à s’y installer.

Parmi ces mesures figurent une exonération de 5 ans de l’impôt sur les sociétés et un rapatriement simplifié des bénéfices et capitaux pour les investisseurs étrangers. Pendant ce temps, la bureaucratie de l’administration algérienne entrave l’investissement et les rares opérations d’exportation hors hydrocarbures s’effectuent d’une façon « rudimentaire », selon un spécialiste.

Un investissement qui suit

Dans la zone franche d’exportation de Tanger où pas moins de 475 entreprises étrangères sont installées, plus de 60 hectares de la zone sont dédiés à l’industrie automobile. S’ajoutent à cela, des centres de formations intégrés pour former des employés en fonction des besoins des industriels présents.

L’on remarque à travers ces projets, une vision intégrée et une volonté politique claire d’encourager l’installation de projets structurants. Le Maroc offre ainsi des avantages conséquents aux investisseurs étrangers et se montre compétitif par rapport aux pays de la région. C’est justement ce qui fait défaut en Algérie.

La législation algérienne, notamment la règle 51/49% est un repoussoir pour les partenaires étrangers. Son application à tous les secteurs d’activité confondus ne rassure pas.

L’Algérie, un marché, le Maroc, un partenaire

Le dernier investissement chinois au Maroc est aussi colossal que la « gifle » reçue par l’Algérie. Un cinglant rappel que l’Algérie n’est, en fin de compte, qu’un marché où s’écoulent les marchandises fabriquées en Chine et où des entreprises de ce pays remportent de juteux contrats.

Entre 2005 et 2016, les compagnies chinoises ont remporté pour 22,22 milliards de dollars de contrats : infrastructures diverses (autoroutières, ferroviaires), logements par centaines de milliers et une mosquée grandiose dans la capitale. En échange, l’Algérie a attiré quelques dizaines de millions de dollars d’investissements chinois. Elle devrait aussi bénéficier d’un financement chinois pour la construction du grand port-Centre de Cherchell. Mais ces projets bénéficient d’abord aux entreprises chinoises, chargées de les réaliser et de les gérer.

Mais en face, le voisin de l’Ouest a patiemment négocié un véritable partenariat qui pourrait véritablement booster l’économie du royaume : industrie automobile, innovation et une technopole digne de ce nom qui ferait pâlir d’envie son « homologue » algérienne de Sidi Abdallah.

L’exemple de cette ville nouvelle marocaine est significatif. Le projet algérien est prévu depuis plusieurs années, annoncé en grande pompe, à grand renfort de maquettes et vidéos futuristes. L’inauguration par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika en personne, finit de démontrer l’importance qu’accordent les autorités à ce projet. Pourtant, les partenaires chinois ont préféré participer à un investissement similaire encore au stade de projet au Maroc, plutôt que de se tourner vers l’Algérie qui a déjà bien « avancé ».

L’argument « politique » ne tient plus

Dans son discours, le gouvernement laisse entendre que les investisseurs étrangers boudent l’Algérie pour des raisons « politiques ». Pire, certains pays sont accusés de favoritisme en faveur du voisin de l’Ouest. Ce qui pourrait être vrai pour des pays comme la France, considérée comme un allié à toute épreuve du Maroc, ne l’est pas du tout pour la Chine. Bien au contraire. Il semble impossible de suspecter la Chine d’avoir choisi le Maroc pour des raisons politiques. Au vu des relations historiques et actuelles entre l’Algérie et la Chine, tant au niveau politique que commercial, l’argument « politique » ne tient plus.

Au contraire, ceci révèle d’abord l’absence d’attrait pour investir en Algérie et s’engager sérieusement dans des projets concrets. En cela, l’Algérie et son gouvernement ne peut s’en prendre qu’à soi-même. Le véritable défi du pays est d’offrir des perspectives stables aux investisseurs, notamment à travers une administration efficace et un environnement des affaires propice. Pour le reste, l’Algérie a des potentialités reconnues, mais pourtant inexploitées : un réseau d’infrastructure qui s’étoffe, une main-d’œuvre relativement qualifiée, un faible coût de l’énergie, un marché intéressant car « vierge » et un positionnement géographique stratégique.

Mais de l’autre côté, l’absence de réformes structurelles, l’omniprésence bureaucratique de l’administration et un environnement des affaires étouffant finissent par décourager les plus téméraires. Ils se résolvent alors à profiter des richesses financières du pays sans réelle contrepartie.

Le plus inquiétant est que l’aisance financière de l’Algérie s’amenuise en raison de l’effondrement des cours des hydrocarbures. En conséquence, la croissance économique du pays, tirée essentiellement par la commande publique, commence à s’essouffler, réduisant d’autant l’intérêt des partenaires étrangers notamment. Les promesses du gouvernement sur les réformes tardent à venir, à tel point que le Fonds monétaire international et d’autres institutions mondiales, tout comme la majorité des économistes, rappellent d’année en année et de rapport en rapport, les mêmes urgences. En vain.

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