Les leçons d’une élection

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Il y a quinze ans, des millions de français sont spontanément descendus dans les rues contre son père. Avec Marine, il n’y a eu que 200 casseurs à Paris, eux-mêmes peu suspects de démocratie. On doit reconnaître que la stratégie de la dédiabolisation a porté ses fruits

Emmanuel Macron sera probablement le prochain Président de la république française. On se dirige vers un vote républicain. Tout sauf le FN. Le fait que son mouvement soit de création très récente, que son programme soit inclassable et qu’il ait mis hors course les deux partis traditionnels, monopolise tous les commentaires, jusqu’à en oublier l’essentiel parfois. Que Marine Le Pen soit au deuxième tour, sans que cette situation ne soit traitée avec gravité, en dit long sur la normalisation avec les idées du Front national. Il y a quinze ans, des millions de français sont spontanément descendus dans les rues contre son père. Avec Marine, il n’y a eu que 200 casseurs à Paris, eux-mêmes peu suspects de démocratie. On doit reconnaître que la stratégie de la dédiabolisation a porté ses fruits. C’était le premier enseignement de ce premier tour. Le deuxième enseignement, quant à lui, concerne l’adhésion à l’Europe. Plus de la moitié des voix se sont portées sur des candidats qui remettent en cause Bruxelles, à des niveaux différents. La France coupée en deux de 2005 ré-émerge de manière éclatante. Or, rien ne permet de dire que l’Union européenne abandonnera ses politiques d’austérité sous le prochain quinquennat. Enfin, il est clair, et la candidate Le Pen le met en exergue, la mondialisation affaiblit les couches moyennes et les plus fragiles d’où la nécessité d’améliorer les protections. C’est ce qui a permis l’élection de Donald Trump aux États-Unis et qui s’exprime à travers les scores de Marine Le Pen, de Jean-Luc Mélenchon, et de plusieurs autres petits candidats. Cette césure aussi ne peut être balayée d’un revers de main le lendemain de l’élection présidentielle. Si le score final reste la seule inconnue, il est d’une importance capitale. Une Marine Le Pen à 40% serait un véritable séisme politique, parce qu’il signifierait que le plafond de verre est en train de céder et qu’il pourrait ne pas tenir dans cinq ans, si les problématiques socio-économiques ne sont pas résolues, car les questions identitaires n’ont pas été au centre de cette campagne. Ce score est aussi important parce qu’il préfigure les législatives. Les Républicains croient encore qu’ils peuvent gagner la troisième manche et imposer une certaine cohabitation, le PS étant laminé et divisé, les Vallsistes comptent sauver les meubles et faire partie de la majorité parlementaire. Quant aux Hamonistes, ils veulent confirmer l’ancrage à gauche. Sans cette perspective, tout le monde parie sur l’incapacité du Mouvement En Marche à réunir une majorité absolue dès son premier essai. Ce qui constituerait une première sous la cinquième république, avec un président obligé à cohabiter dès son entrée en fonction. C’est pour cela que la personnalité désignée pour diriger le premier gouvernement, celui qui préparera les législatives, constituera un signal. On parle de profils comme Jean-Louis Borloo, c’est-à-dire consensuels et capables de préparer le terrain à une large coalition. C’est en tout cas l’expression politique d’une France fracturée, autour même des fondamentaux, qui est sous nos yeux. Le prochain quinquennat sera déterminant pour retisser les liens sociaux, et revaloriser l’image des politiques.

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