Millésime 2017, récit d’une année entre colère et allégresse

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Sur le plan national comme à  l’international, l’année 2017 aura été riche en évènements. Récit

Contestations sociales, succès sportifs et avancées sur un plan international, cette année 2017 aura été riche, dans ses thématiques et sa production. Le Maroc sera présent en Russie et à Addis Abeba. Mais a-t-il été présent sur le front de la question sociale. Une politique extérieure couronnée de succès ne peut pas faire oublier la tempête politique venue du nord. Rétrospective d’une année atypique.

Hirak, contestations et révoltes

Septembre 2016, des rifains manifestent leur indignation contre l’état des routes à Benid Hadifa, dont un certain Nasser Zefzafi.

Quelques semaines plus tard, Mohcine Fikri, un poissonnier fini broyé dans une benne à ordure. Etincelle dans la poudrière, ses funérailles génèrent de nombreux rassemblements ou sont brandis les drapeaux amazighs.

Le frisson du printemps arabe ressurgit, les similitudes avec l’affaire Mohamed Bouazizi, qui avait précipité le printemps arabe en Tunisie, sont indéniables. Le mouvement de contestation s’embrase et prend une dimension indépendantiste. De nombreuses confrontations entre des manifestants et les forces de police ont lieu, et un nouveau « leader » nait, Nasser Zefzafi. Acteur d’une importance relative auparavant, il prend une toute autre ampleur grâce à de nombreux coups d’éclats, enregistrés sur vidéo. En parallèle à tout cela, une nomination de gouvernement en suspens agace et rends la situation politique floue et instable.

Les responsables de ce mouvement sont arrêtés et mis en examen. La contestation, elle, ne faiblit pas. Le roi prononce finalement un discours, pour tempérer, rassurer et sanctionner. Les contestataires, pour la majorité, ont des revendications sociales, différents éléments externes s’y sont greffés et l’ont transformé, mais le socle des doléances est compréhensible et le roi y répond.

Les responsables de l’administration régionale sont mis en cause, de nombreuses têtes tombent. Le projet Manarat al Moutawassit est au cœur de la polémique, un projet à 6 milliards de dirhams empêtré dans un immobilisme administratif écœurant la population locale. Des coupables ainsi que des boucs émissaires subissent le courroux royal, mais le projet reprend avec une vigueur nouvelle.

Les contestations au Nord s’affaiblissent, certains leaders sont libérés pour montrer la bonne volonté de l’Etat, Zefzafi lui restera derrière les barreaux jusqu’à la fin de son procès.

Preuve encore qu’un système putri par l’incompétence et la procrastination peut aboutir à la dégénérescence d’un pays, comme des plaies ouvertes, où s’infiltrent des bactéries, venant de l’extérieur.

2017, le show royal

« Les fonctionnaires publics, pour la plupart d’entre eux, manquent de compétences et d’ambition et n’ont pas toujours des motivations liées au sens des responsabilités, liées à leur mission », les tirs ne sont pas à blanc. La virulence du propos montre bien que le roi a compris l’exaspération suscité par son administration, elle lui a presque coûté plus que quelques manifestations.

L’administration n’est pas la seule cible de ses tirs à boulets rouges.

La classe politique fut le témoin d’une humiliation publique, pour le roi «quand le bilan se révèle positif, les partis, la classe politique et les responsables s’empressent d’occuper le devant de la scène pour engranger les bénéfices politiques et médiatiques des acquis réalisés. Mais, quand le bilan est décevant, on se retranche derrière le Palais Royal et on lui en impute la responsabilité. ». Le propos est sec, violent et vise une classe politique jugée attentiste et affairiste par le peuple.

En octobre, le Roi prononce un discours à l’ouverture de la première session de la 2-ème année législative de la 10-ème législature. « Il importe d’assurer un suivi rigoureux et continu de l’état d’avancement des programmes sociaux et développementaux, et d’accompagner les travaux engagés en les soumettant à une évaluation régulière et intègre. ».

Les comptes sont demandés et vont devoir être payés. La situation du Projet Manarat al Moutawassit a fait l’objet d’un rapport rédigé par Driss Jettou, président de la Cour des Comptes, et les dysfonctionnements sont prouvés.

Jusque-là, les discours étaient forts, les actions un peu moins. Ce n’est pas le cas cette fois-ci. Le roi provoque un nouveau séisme. Les directives royales causent le limogeage de nombreux ministres dont Nabil Benabdellah, Hocine El Ouardi, ainsi que d’autres, tous impliqués de près ou de loin dans le fiasco du projet Manar al Moutawassit.

La classe politique est groggy, mais le peuple lui est soulagé, l’impunité n’est plus de mise, temporairement en tout cas. Les vagues de contestations venant du nord s’apaisent.

Chute des cadors

2017 fut aussi l’année de la chute des « zaims » et cadors politiques.

El Omari, figure de proue du PAM, a peut-être coulé. 2017 fut synonyme d’échec pour le président de la région d’al Hoceima, Tétouan et Tanger. La vague d’euphorie au sein du PAM suite à sa nomination a fait place à une désillusion intense. Le challenger de Benkirane, a connu une défaite cinglante lors des législatives. L’unanimité du PAM se fissure, des frondeurs apparaissent, le député Abdellatif Ouahbi à leurs tête, insatisfaits par la gestion individualiste du parti par El Omari. Le Hirak portera l’estocade finale sur l’ascension politique d’El Omari au vu de l’échec retentissant de sa mission de médiation. Sa capacité et son pouvoir politique n’étaient pas suffisants à apaiser la colère rifaine.

Autre Cador, ou plutôt le Cador, de la politique Marocaine, Abdelilah Benkirane a vu sa candidature pour un troisième mandat, interdit par le Conseil national du PJD.Cette décision a été analysée comme un délitement de son soutien au sein du parti plus qu’un respect de la chose juridique. 2017, aura marqué la fin de la carrière politique de Benkirane. Détesté par certains, apprécié par d’autre, sa voix aura marqué la politique marocaine pendant près d’une décennie. Voix forte, trop forte peut être, rendant le débat politique inaudible. Les discussions politiques se sont rabaissées à un populisme fait de petites phrases, de piques. On se rappellera notamment de ses nombreuses allusions à la « Houkouma ».Cause de tous les maux selon Benkirane. Paranoïaque est celui qui voit des complots partout, naïf celui qui n’en voit nulle part. Le gouvernement profond existe, mais il ne peut pas être le bouc émissaire d’un programme politique non appliqué, flou et incohérent. La chute de Benkirane va laisser un vide indéniable, bénéfique à la politique de fond, la politique de programme, au grand dam des journalistes qui auront un peu moins de sensationnel à se mettre sous la dent.

La page Hamid Chabat a aussi été tournée. Les membres du conseil national ont élu Nizar Baraka avec une majorité écrasante. Cette élection a sonné le glas d’Hamid Chabat en tant que leader de l’Istiqlal. 924 votes pour Nizar Baraka, 234 pour Hamid Chabat, il s’agit d’un vrai désaveu de l’ancien leader par le parti. Selon certains analystes, les membres de l’Istiqlal ont estimé que la compétence et le leadership de l’ancien secrétaire général, étaient insuffisants pour assurer le succès de l’Istiqlal, les résultats électoraux en baisse le démontrant.

Mohammed VI en Afrique

Le Roi a parachevé sa tournée Africaine en 2017 avec des visites au Ghana, en Guinée-Conakry, en Côte d’Ivoire, au Mali ainsi qu’en Zambie.

Visites cruciales, notamment dans le travail d’influence pour le dossier du Sahara mais aussi dans la création et la préservation de relations et de partenariats économiques. Les visites au Ghana et en Zambie sont particulièrement significatives, au vu de leurs soutiens au Polisario par le passé. La visite d’amitié du monarque en Guinée-Conakry fut aussi importante, pour renforcer les liens déjà forts avec Alpha Condé, considéré comme un allié de poids et artisan du retour du Maroc au sein de l’Union Africaine.

La Côte d’Ivoire, fut l’objet aussi d’une visite d’amitié et de travail, mais aussi l’hôte du sommet UA-UE durant lequel a eu lieu quelques évènements marquants.

Sommet UA-UE

Janvier 2017, le retour du Maroc à l’UA est entériné et célébré par le roi pendant son discours « Il est l’heure de rentrer à la maison : au moment où le Royaume compte parmi les nations africaines les plus développées, et où une majorité de pays-membres aspirent à notre retour, nous avons choisi de retrouver la famille. », avait déclaré le roi.

Une réunion attendue, replaçant le Maroc au centre d’une politique africaine compréhensive attaquant les intérêts du Polisario dans sa zone historique de confort, l’UA.

Le Maroc abandonne enfin sa politique de la chaise vide, et attaque frontalement les problématiques. Une contestation laissant toute la liberté au Polisario et ses soutiens algériens d’établir un réseau Africain, n’a engendré que peu de résultats. Cette position proactive permet de limiter l’influence de la « RASD » au sein de l’Afrique et donc de l’affaiblir politiquement.

Lors du Sommet UA- UE, le roi a pu montrer sa volonté ainsi que celle de la diplomatie Marocaine de travailler avec les « adversaires d’antan ».

Le monarque a aussi été au centre d’une image insolite, une photo des dirigeants dans laquelle est aussi présent Brahim Ghali, chef de la « RASD », relégué au second rang.

L’entretien du Roi avec João Lourenço, le président de l’Angola, pays historiquement ami de la cause du Polisario, fut un évènement marquant.

Mais la rencontre majeure fut celle entre le roi et Jacob Zuma, président de l’Afrique du Sud.

Les deux géants actuels de l’Afrique, toujours opposés dans une lutte d’influence, ont connu un froid diplomatique depuis la reconnaissance de la RASD par l’Afrique du Sud. Plus grand partisan de l’indépendance et allié d’Alger, cette rencontre était cruciale pour l’avenir de la politique extérieure marocaine. Cet échange aurait permis un rapprochement et une reprise de liens diplomatiques avec la possible nomination d’un ambassadeur marocain à Pretoria (absent depuis la reconnaissance de la RASD), un tour de force pour le Maroc et un véritable coup dur pour le Polisario.

Sommet Japon- Afrique

On a pu aussi observer cette année quelques incidents diplomatiques.

Lors du Sommet Afrique-Japon, les autorités mozambicaines ont tenté d’imposer une participation du Polisario imprévue, et logiquement, la délégation marocaine l’a refusé, réfutant la légitimité de la RASD. S’en est suivi une altercation.

Plusieurs vidéos ont surgi, montrant ces scènes choquantes ou l’on peut voir Nasser Bourrita ainsi que la délégation marocaine bousculés par les autorités du pays hôte. 

Cet évènement a été vite occulté par une avancée majeure en matière de politique extérieure, l’adhésion du Maroc à la CEDEAO

Le Maroc bientôt à la CEDEAO

La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest était un enjeu capital pour la politique extérieure marocaine.

Le Maroc a connu une implication exponentielle en Afrique, passant d’interlocuteur secondaire à véritable hub incontournable dans la région.

Le Royaume a brillé par sa participation à de nombreux projets de grandes envergures inscrits dans une volonté de développement de ses partenaires africains.

Cependant cette adhésion a connu quelques contestations de certains membres, appréhensifs quant à la différence de compétitivité séparant le Maroc et les pays membre de la CEDEAO.  Un raz de marée Marocain dans les marchés d’Afrique de l’Ouest était redouté. Ces appréhensions, même si apaisées depuis, ont retardé l’adhésion du Maroc.

La dernière conférence des chefs d’état et de gouvernement de la CEDEAO a vu la création d’un comité composé de pays aux affects variables envers le Maroc, mais plutôt favorables. Ainsi que la nomination d’un nouveau président de la commission, Jean-Claude Brou, ministre ivoirien de l’Industrie, une bonne nouvelle, le Maroc étant le premier partenaire économique de la Cote d’Ivoire.

2017, Grand cru sportif

Le Wydad est sorti vainqueur de la Champions League Africaine. La finale a opposé le club casablancais à l’historique club égyptien Al-Ahly.

Mais comment parler de l’année 2017 sans parler de nos Lions de l’Atlas.

Auteurs d’une campagne de la CAN 2016, plus que réussie, les joueurs d’Hervé Renard ont réussi l’impossible, ce que le peuple marocain attendait depuis plus de 20 ans, une qualification pour la coupe du monde en Russie.

Les matchs pendant les phases de groupes ont montré une nouvelle vigueur, une envie et une faim manquant cruellement à l’équipe nationale. Tout le monde était d’accord pour dire que le niveau des joueurs n’était pas l’élément mis en cause pour tous ces échecs successifs, mais le mental et la volonté de « mouiller le maillot ».

Le facteur Renard est indéniable, après avoir modelé une défense solide, il a pu libérer les feux follets en attaque que sont Ziyech, Belhanda et Amrabat. Toutes ses individualités muées enfin en collectif, , ont parachevé, en allant chercher la victoire à Abidjan, un succès historique et tellement attendu par le peuple marocain. L’exploit est de taille, tellement l’épreuve était ardue. L’équipe des Eléphants est connue pour sa hargne physique et son niveau technique balle au pied, pourtant Hervé Renard a réussi à créer un esprit de cohésion suffisamment fort pour que la sélection nationale revienne avec la qualification. Le Maroc l’en remercie. Et comme dit l’adage, plus le combat est dur, plus la victoire est belle.            La ferveur du peuple marocain pour son équipe nationale a été ravivée et embrasée. On attend tous avec impatience de voir nos Lions de l’Atlas en action, lors de la Coupe du Monde en Russie. Même si, il faut le dire, la tâche sera difficile tant le tirage n’aura pas été clément. L’Espagne et le Portugal, deux équipes redoutables qui seront difficilement atteignable mais l’espoir est permis, c’est tout ce que l’on demandait.

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