Mémoire, muséographie et promotion socioéconomique

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couv-medlaoui Toute ville, toute localit? valorise ses tr?sors et invite des visiteurs en qu?te de d?couverte qui en appellent d?autres? Avec un texte publi?, depuis lors, et ayant pour titre "Traduction du Coran en h?breu? par Joseph Riveline: remarques sur la forme et le contenu", j?ai fait une intervention dans le 6e congr?s quadri annuel de l?EAJS (European Association for Judaic Studies) qui s?est tenu ? Tol?de en juillet 1998 sous le th?me "Judaic Studies at the Turn of the Twentieth Century" (v. Ici). Parmi les activit?s culturelles parall?les, une visite guid?es au b?n?fice de centaines de participants, pour leur faire d?couvrir les tr?sors culturels de cette petite ville perch?e sur les hauteurs du temps mais aussi de l?espace et dont les dimensions topographiques ne d?passent pas celles d?une ville marocaine comme Chefchaouen. Chaque fois que l?on entre ? l?enceinte d?une demeure antique, convertie en site de visite touristique, le guide se met ? expliquer aux groupes de participants venus de tous les coins du monde (400 dont 160 intervenants, o? seul un ?mohamed? figure!), les d?tails de l?am?nagement de l?espace d?int?rieur d?une maison andalouse et les significations d?arabesques et calligraphies qui le d?corent. Il ne rate pas d?occasion d?attirer l?attention avec enthousiasme sur certains d?tails?: "Mira, mira el nombre de Allah!" ("Regardez, regardez le nom d?Allah!"). Il a fait visiter ? son groupe des monuments de diff?rents r?f?rents historiques, culturels et confessionnels; de la Mosqu?e des Almohads, presqu?une r?plique de la Mosqu?e de Tinmel au c?ur du Haut Atlas, ? la Casa del Greco, transform?e en mus?e. Ici et l?, les rues et les places publiques portent toujours leurs nom arabo-andalous affich?s en caract?res latins?: Calle Alcala (rue al-cala = ???? ??????), Calle Alcazar (???? ?????), Zoco-dover (= ???? ??????? = march? aux bestiaux), etc.   Cet exp?rience de la fa?on dont une petite ville investit dans son histoire en conjuguant son pass? au pr?sent, m?a pouss?, apr?s mon retour, ? consacrer dans mon petit livre de poche (?? ??????? ???????. ????? ????? ?:64? 1999) tout un chapitre ? cette petite ville rayonnante dont l?histoire se recoupe avec celle du Maroc, mais dont une compagnie marocaine, comme la RAM, semble paradoxalement compl?tement oublier le nom puisque les ?crans d?indication d?itin?raire de vol la d?signent en arabe comme ?????? au lieu de ?????? , tout comme ils d?signent Malaga comme ?????? au lieu de ??????!   Ce qui m?a fait revenir sur l??pisode de Tol?de, c?est un simple ?change r?cent au sein d?un groupe de r?seaux sociaux intitul? "Le Maroc des origines ? nos jours". Un membre (Hamid Bennani) y a lanc? une s?rie de ?post? sous le th?me "Ici a v?cu X", qui consiste en des photos de lieux ? traves le Maroc, o? ont v?cu des personnages ?trangers marquants dans les domaines de la litt?rature, de la culture, de l?art, de la politique, de la diplomatie et des affaires, qui ont v?cu au Maroc. Il y a pr?sent?, notamment et entre autres, Isabelle, duchesse d?Orl?ans, consid?r?e comme Reine de France en 1926, qui a v?cu ? l?Arache (v. Ici et Ici) et qui y ?tait morte en 1961. Egalement, Manuella de las Mercedes, qui a donn? son nom ? la c?l?bre marque de voiture Merc?d?s. Elle ?tait la fille de l?homme d?affaire et consule austro-hongrois, Emil Jellinek (1853-1918) qui a v?cu entre Tanger et T?touan au dernier quart du 19e si?cle, etc. Ladite s?rie th?matique a suscit? un grand int?r?t de discussion au sein du groupe. Mais ce qui y a marqu? le plus les esprits, c??tait une vid?o que l?arch?ologue Abdellah Fili a bien voulu partager avec moi lors d?un ?change priv?, et que je me suis empress? de partager dans le site du groupe, parce qu?elle me fait red?couvrir un lieu dont je croyais conna?tre les plus petits recoins, ?tant donn? que c??tait le lieu de mon enfance. Il s?agit d?un ouvrage architectural souterrain imposant construit en briques cuites et qui remonte ? l??poque du sultan Moulay Isma?l. Un ouvrage vout? en briques ?galement et soutenu de 33 piliers imposants donnant lieu ? 39 arcs, tout en un parfait ?tat et d?une beaut? sobre et splendide (v. Ici). En surface, il ne reste plus rien de ce que devrait ?tre la b?tisse d?origine dont l?ouvrage faisait partie. Depuis des g?n?rations, le lieu ?tait en fait devenu un simple espace pastoral dans cette steppe semi d?sertique dans une zone oubli?e du Maroc profond, la localit? de Lamghafra pr?s de Awftout dans la commune rurale d?Igoudar, ? l?Est d?Ouled Berrhil dans la r?gion de Lemnabha dans le Souss, et ce avant que l?exploitation agricole intensive sauvage d?exportation n?investisse toute la r?gion ? partir du milieu des ann?es 60s du 20e si?cle. Il s?agit de ce qui devrait ?tre un magasin-entrep?ts souterrain, tout ce qui reste du fort du cheikh Bakkar Ben Abdallah Lamghafri, p?re de la fameuse Khounata Bent Bekkar, l?une des femme du Sultan Moulay Isma?l, m?re de son fils Moulay Abdallah et femme de lettre, de savoir et de influence politique ? son ?poque. Cette femme dont le nom fut culturellement ?confisqu?? et ?export?? de la r?gion, comme on y exporte aujourd?hui les agrumes et les primeurs, et ce ? telle enseigne que si l?on y entend aujourd?hui, par hasard, le nom de Lamghafra dans les hagiographies de la culture du centre, l?esprit projette le r?f?rent dans les horizons du Levant, faute de pouvoir imaginer qu?il ne s?agit que de la petite localit? de Lamghafra de la commune perdue Igoudar. En fait, les contenus des curricula scolaires modernes (pour lesquels la Charte Nationale de l?Education pr?voit aujourd?hui un quota pour l?environnement socio-?conomique et socioculturel r?gional), n?offrent rien aux g?n?rations dans ce sens. Et ce ? telle enseigne que, pour les infiniment rares individus pour lesquels le hasard a permis de ne pas abandonner les bancs des trois ?coles primaires (Ouled Berrhil, Tamast et Tafingoult) que comptait tout un rayon de 20 km jusqu?au d?but des ann?es 60s, l?espace de Lamghafra et environs n??tait qu?un espace semi aride ou nous faisions pa?tre bovins et ovins sous un soleil torride (je l?y ai faisais moi-m?me le vendredi, dimanche et lors des vacances scolaires). C?est cette espace de type Far West que traversaient ?galement par la suite ? coup de p?dale des copains de classes dans leurs p?riples (300 km) de rentr?e et de vacances pour se d?placer entre Skoura o? ils habitaient et l?Institut Islamique de Taroudant qui nous a sauv? de l?abandon scolaire au d?but des ann?es 60s (v. ???? ??????? ????? ?????? ??? ??????? ????? 2003? ?:180-181).   Lorsque, au plus haut du grand enthousiasme patriotique de la Marche Verte, le speaker M. Essaddik Ma?ninou, annon?a aux marocains ? la TV la bonne nouvelle du projet du ?Train de l?Unit頻 qui relierait Marrakech ? Laayoun via Tizi N?Tadst, en passant notamment, pr?cisa-t-il par Aouftout tout pr?s de Lamghafra, je fus personnellement port? aux anges: les lieux oubli?s de mon enfance feront enfin leur entr?e dans l?histoire nationale comme l?avait fait le Far West au 19e si?cle en Am?rique. Je me suis dit?: enfin, on a pr?t? oreille ? cette voix lointaine qui interpela un jour ceux qui se targuaient de "ana slaoui, ana batal" vs. "ana rbati weld el?uSul" en leur lan?ant?: "hbes, a 3ezzna u-rteh bellati; 3endak, awa, tensaw ljanub!". Aujourd?hui, c?est de la d?sillusion, certes sur ce dernier point, accentu?e par ce qu?ont d?masqu? les derni?res intemp?ries qui n??taient pourtant pas du tout une catastrophe naturelle selon les normes internationales; mais, au moins, la vid?o que de braves amateurs ont mis sur le web m?a appris ce que l??cole publique n?est toujours pas con?ue pour faire acqu?rir comme instruction citoyenne.   C?est en r?action ? tout ce que ladite vid?o a ?veill?, que je me suis demand? dans ledit groupe virtuel, "Le Maroc des origines ? nos jours", pourquoi les int?ress?s (responsables et acteurs de la soci?t? civile) dans toutes les villes et localit?s du royaume ne lancent-ils pas des actions de promotion socioculturelle ? retomb?es socio-?conomiques de type: "Ici a v?cu X"? Cela se fait syst?matiquement dans toutes les nations qui se sont construit une histoire nationale et r?gionale int?gr?e au pr?sent. Toute ville grande ou petite, toute localit? y valorise ses tr?sors et y invite des visiteurs en qu?te de d?couverte qui en appellent d?autres. Cela se fait par des restaurations, r?habilitations et am?nagements de lieux (v. une action de longue haleine Ici), bas?s sur des travaux scientifique sur des patrimoines ? rendre accessibles par des infrastructures appropri?es et visible par les nouveaux moyens de communication et de promotion publicitaire (cartes, d?pliants touristiques, signalisation, sites web, etc.). C?est d?ailleurs pour me demander par un message sur FB comment se rendre dans la localit? de Lamghafra que l?arch?ologue Abdallah Fili est entr? en contact avec moi (on ne se connait toujours pas) et a partag? avec moi ladite vid?o. Des actions de promotion de type signal?, ne participent pas seulement ? l??dification morale des dimensions r?gionales et nationales de la citoyennet? moderne. Elles ont ?galement des retomb?es socio?conomiques que personne n?ignore aujourd?hui, et l?exemple de la petite ville de Tol?de par laquelle ce texte a commenc? est un exemple typique. Tout cela est aujourd?hui d?actualit? en ce moment o? la mus?ographie essai de se faire une place dans le paysage socioculturel et socio?conomique du Maroc (v. Ici), dans un contexte o? la sp?culation fonci?re guette les d?cr?pitudes des lieux de m?moire en attendant l?occasion de les investir par des exploitation agricoles d?exportation, ou d?y faire pousser des immeubles ? louer, en ciment ou en verre. (Version en arabe de ce texte: Ici) https://www.youtube.com/watch?v=W4Wp48wKxX8#t=380    

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