Rabat, peu aimée ?

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couv-RABAT ville qui a voulu oublier et faire oublier pourquoi les Rbatis, ses premiers habitants avaient ?t? affubl?s d?un surnom d?sobligeant ??les musulmans de Rabat?? D?embl?e et d?s les premiers mots j?annonce mon dessein dans cette chronique?: faire la d?fense et l?illustration de ma ville natale, Rabat, capitale peu aim?e mais capitale flamboyante d?un royaume aux mille myst?res et aux mille couleurs. Aucun chauvinisme dans cette d?claration mais l?expression d?une irritation l?gitime ? la lecture d?un article en premi?re page d?un quotidien de langue arabe intitul? ironiquement ??Rabat, ville originale, m?me par ses ??musulmans????. Pourquoi irritation, parce que le journaliste remet sur le tapis des poncifs ?cul?s, des st?r?otypes oubli?s, des images d?concertantes. Qu?il commence par une image qui compare Rabat ? un fromage fran?ais qu?on laisse pourrir et qui d?gagerait une odeur d?sagr?able, (mais peu gourmet il ignore que c?est l? o? le fromage est le plus app?tissant), passe encore, mais qu?il affirme, p?remptoirement que c?est une ville de paradoxes, c?est oublier que les v?rit?s de la Palisse sont plus d?sobligeantes quand elles sont affirm?es comme des v?rit?s critiques. La critique est n?cessaire quand elle est juste et cette pr?sentation de Rabat n?est ni critique ni juste. Au fond que lui reproche-t-il?? Ce que l?on trouve dans toutes les villes du pays et toutes les capitales du monde. D??tre une ville de contradictions, o? l?on rencontre des mendiants aux carrefours de ses diff?rentes rues, des milliers de fonctionnaires cravat?s, d?aucuns corrompus, press?s, dont certains sont de faux mendiants ou des arnaqueurs, des quartiers luxueux et d?autres pas, mis?rables et mis?reux, un tramway qui chaque jour agresse un passant ou une voiture, d??tre audacieuse o? des ???tudiantes???? ??Escort girls???? sont audacieuses et les lyc?ens d?connect?s. Ville qui a su tourner la page ? sa rancune envers Sal?, qui n?a pas su sauvegarder son environnement, l?alose ayant d?finitivement fui l?oued Bouregreg, ville qui a voulu oublier et faire oublier pourquoi les Rbatis, ses premiers habitants avaient ?t? affubl?s d?un surnom d?sobligeant ??les musulmans de Rabat??. Et c?est tout. Tout cela en premi?re page comme si son m?pris pour cette ville devait d?s le cr?puscule accueillir un lecteur harass? par une journ?e de labeur ou d?s l?aurore accueillir un autre dont le r?veil fut difficile et les cauchemars ?prouvants. A part Sal?, l?alose et les lyc?ens francophones, toute cette description conviendrait ? n?importe quelle agglom?ration de par le monde. Ces d?fauts ne sont en rien inh?rents, cong?nitaux, ontologiques ? cette cit?. Quelle le?on d?histoire devront nous rappeler ? ce journaliste pour lui dire que cette cit? est la plus belle r?ussite architecturale de son pays depuis sa fondation ? nos jours, la plus touristique par la quantit? et la richesse des monuments qu?elle offre au visiteur, la plus agr?able ? vivre, parce que la plus verte, dont les jardins r?nov?s ou ceux qui attendent de l??tre, invitent les habitants anciens ou r?cents ? des marches sportives, ? des d?ambulations m?ditatives ou ? des promenades amoureuses, sentimentales, la plus ? intellectuelle??, frondeuse certes, comme savent l??tre les penseurs assagis par l?exp?rience et la r?flexion?? Il faudrait pour cela plusieurs manuels d?histoire qui malheureusement manquent. Sous la houlette de leur pr?sident Abdelkrim Bennani, courageux, tenace et pers?v?rant, ceux que ce journaliste appelle encore ??les musulmans de Rabat?? tentent de ??vendre?? comme disent les commerciaux dans les agences de voyage, leur ville ? ceux qui y vivent mais l?aiment peu. Ils y arrivent difficilement. Et voil? pourquoi. Tout simplement parce que toutes ces populations qui y ont ?migr? depuis qu?au d?but du si?cle elle devint capitale controvers?e d?un royaume sous protectorat y vivent ??administrativement??, ??politiquement?? mais ne la VOIENT pas, culturellement, ??affectueusement??, m?me s?ils croient la conna?tre et s?y complaisent paisiblement. Savent-ils tout simplement qu?elle traverse toute l?histoire de leurs pays depuis ??l?Homme Pr?historique?? de Rabat (Caverne des Contrebandiers) en passant par ??les Amazighs??, les ??Romains?? et ??les Arabes?? et qu?elle semble ?tre la seule ? contenir dans ses roches ces strates arch?ologiques et anthropologiques?? Ils ne voient pas et ce journaliste non plus n?a pas vu, que les Morisques mal accueillis apr?s la deuxi?me vague d?expulsion de 1609, l?ont ?t? non pas parce qu?ils ?taient habill?s comme des ?trangers, parlaient un arabe imparfait, que leur foi ?tait suspecte pour m?riter une appellation d?sastreuse, mais parce qu?ils ?taient porteurs de modernit? et qu?ils introduisaient un pays ferm? et sourcilleux dans la modernit? de son temps. Si un jour on devait ?crire l?histoire de cette modernit? dans ce pays, il faudra d?abord ?crire la leur et celle de cette cit? si d?cri?e. Ce n?est l? qu?un exemple de ce ??malentendu historique?? entre une ville et ses nouveaux habitants dont t?moigne ce genre d?articles ignorant la v?ritable originalit? d?une cit? dont les myst?res historiques restent dissimul?s, ? d?couvrir, ? r?v?ler pour apprendre ? mieux l?aimer. Que d?couvriront-ils parmi ces myst?res?? Entre autres?: que cette cit?, fond?e comme camp militaire a gomm? ? travers l?histoire ce c?t? belliqueux de son histoire. Qu?elle a fait mieux. Elle a d?menti jusqu?? son propre fondateur le sultan Yacoub Al Mansour qui, ? l?article de la mort, a regrett? selon Ibn Abi Zar3 de l?avoir fond?e et d?pens? tant d?argent pour sa fondation, pronostiquant qu?elle ne se peuplera pas et restera inhabit?e. Qu?elle rena?t des cendres m?ridiens comme un beau ph?nix, alors que cette dynastie ne la voulait que n?cropole pour enterrer ses morts. Et au lieu de laisser les morts aux morts, cette n?cropole est aujourd?hui l?espace esth?tique le plus s?duisant du Royaume o? s?organisent les rencontres musicales les plus enivrantes du Maroc musical et festivalier. Mais ces journalistes entendent-ils les harmonies de l?histoire de cette ville mill?naire, voient-ils l?actualit? de sa renaissance ?nergique et tumultueuse?? Il est temps pour eux et pour nous de gu?rir de ce d?samour que trainent les anecdotes de la petite histoire rbatie. Il est enfin temps de l?aimer comme les Marocains savent aimer.

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