Voilée, dévoilée ; l’enjeu de la modernité

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Deux images d?une atrocit? indescriptible. La premi?re est celle de Rihana Jabbari, artiste d?coratrice, pendue en public parce qu?elle s?est d?fendue, l?gitimement, contre un agent des renseignements des gardiens de la r?volution iranienne qui voulait la violer. La deuxi?me image est beaucoup plus choquante. C?est celle d?une femme irakienne, lapid?e jusqu?? la mort par les nouveaux enrag?s de l?islamisme en Irak et en Syrie. Ces deux femmes, et des milliers d?autres,?subissent la sentence d?une compr?hension extr?me de l?islam qui ne voit la femme que voil?e ou ??assi?g?e?? dans une burqa.

L?une des questions probl?matiques qui ne cessent de g?n?rer des malentendus est la question de la femme. Une mosa?que de perceptions et d?interpr?tations d?images de la femme sur la femme constitue une source d?amalgame entre l?Occident et le monde arabo-musulman, et entre les musulmans eux m?me. Les f?ministes musulmanes consid?rent qu?on ne peut r?duire la femme ? un foulard ou une burqa, parce que ces signes symbolisent ??la domination masculine?? et emp?chent la femme ??d?avoir conscience d?elle-m?me?? et de ses d?sirs. Ces signes ne sont pas, seulement, des signes d?inf?riorit? mais l?expression d?une pression soci?tale, symbolique, et parfois physique d?une int?riorisation forc?e de l?inf?riorit?.

Les d?bats qui se sont d?clench?s en France autour de la commission Stasi en 2003 ont manifest? deux attitudes?; celle des femmes qui d?fendent le port du voile et celle des femmes qui ne le portent pas. Le rapport Stasi montre que le port du voile peut avoir plusieurs justifications pour les femmes qui le mettent?; alors que pour ceux ou celles qui le contestent n?ont qu?une et unique signification. C'est dire que cette question est d?une tr?s grande complexit? sociologique et psychologique. Saba Mahmoud, dans ses recherches anthropologiques et surtout dans son livre ?? politique de la pi?t??; le f?minisme ? l??preuve du renouveau islamique??(2009), a tent? d??branler le st?r?otype de femmes voil?es comme ?tant ??soumises et opprim?es??, car le voile dans certains milieux peut sugg?rer ??l?existence d?une opposition ? la domination masculine??.

Du c?t? musulman on parle, d?j?, de f?minisme musulman, revendiqu? par des femmes musulmanes, du f?minisme islamique port? par des femmes qui s?inspirent de l?islam, comme on rencontre des attitudes et des discours de femmes islamistes li?es ? la mouvance islamiste. La question de la femme est investie par tout le monde. Objet d?instrumentalisation par toutes les formes de pouvoir, que ce soit au nom d?un universalisme virtuel, d?un ancrage socio-culturel en perp?tuel bouleversement ou d?un humanisme ?galitariste, les discours sur la femme sont expos?es ? toutes les ambigu?t?s et les interpr?tations, la?ques, progressistes, islamiques, islamistes. Les d?bats sur le plan d?int?gration des femmes dans le d?veloppement au Maroc avait conduit en 2000 ? la division de la soci?t? en deux tendances, l?une autour des conservateurs, et les islamistes ? leur t?te,manifestant ? Casablanca, l?autre encadr?e par les d?mocrates, les mouvements f?ministes, les lib?raux qui ont manifest? le m?me jour ? Rabat. Pour les premiers ce plan s?inscrivait dans la strat?gie occidentale pour int?grer la femme marocaine dans des valeurs qui ne sont pas les siennes?; pour les seconds il s?agissait d?un acte de lib?ration et d?affirmation de l?identit? f?minine dans les diff?rentes instances de la soci?t?. Tout ce qui vient de l?Occident doit avoir des intentions malsaines pour les conservateurs?; alors que pour les d?fenseurs de l??panouissement de la femme il s?agit d?un combat pour changer la situation d?plorable dans laquelle vit la femme marocaine, victime de discriminations, d?analphab?tisme, du paternalisme et d?injustice. La nouvelle Moudawana s?est impos?e, ? travers un engagement royal, aux conservateurs qui ont r?sist?,jusqu?aux derniers souffles,contre une nouvelle d?finition humaine et moderne de la femme capable de faire des choix en dehors de toute tutelle masculine.

En plus de la culture moderne, des politiques de la ville, le probl?me de la femme s?inscrit dans tout projet soci?tal qui se veut moderne et cr?atif. Et cela passe, imp?rativement, par l?alphab?tisation et l??ducation des filles depuis le pr?scolaire, qui reste encore au Maroc domin? ? plus de 80 % par les m?thodes traditionnelles et fonci?rement conservatrices. Le Maroc s?est engag? dans un pari ambitieux de la parit?. Il ne peut, aucunement, ?tre relev? par des bonnes intentions, mais par de v?ritables politiques publiques de conscientisation g?n?rale de la population et l?int?riorisation des valeurs fondamentales que pr?suppose la question de la parit?.

La question de la femme est ?minemment politico-culturelle. Elle est le fondement de toute r?forme sociale, voire toute r?forme en terre d?islam. Elle s?inscrit au c?ur des enjeux soci?taux. Elle fait appel aux refoul?s, au sacr?, au droit, ? l??ducation, ? l?amour, au go?t. La question de la femme n?est pas seulement objet de conflit d?interpr?tations mais un enjeu d?avenir.

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