Begpackers: L’Occident qui quête au lieu de se servir directement

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Car ailleurs dans les grandes villes, la mendicité est un fonds de commerce au bail élevé qui s’acquiert à la force de l’empoigne et du poignet. Les feux rouges et les ronds-points sont des territoires de chasse attitrés. Vous ne verrez jamais de migrants sub-sahariens mendier dans un secteur de réfugiés syriens ou encore de locaux

Ils ont décidé de sillonner le monde sans le sou, ou avec le strict minimum pour repartir in extremis. Accroupis à même le sol, le sourire aux lèvres, ils tendent la sébile pour survivre.

Auprès de leurs congénères, le phénomène soulève l’indignation, l’humiliation, quand ce n’est pas carrément la honte. L’homme blanc, l’Européen, l’Américain, l’occidental n’est-il pas par définition prospère?

Face au miroir : des réalités non assumées. D’abord, celle de la pauvreté en Occident.
Pour parler du phénomène, les plus gênés osent à peine user du mot mendiant. Ils lui préfèrent le terme financement. Encore plus accusateur. Comme si de facto, ces voyageurs ont émis le choix délibéré de faire payer au tiers-monde la facture du voyage. De retour chez eux, ces enfants gâtés retrouveront cette prospérité qu’ils ont un moment quittée pour le grand frisson et l’interdit. Ils ne chercheraient qu’à pimenter leur vie, le temps d’une escapade, d’une expérience unique. Celle de vivre chez les pauvres, comme les pauvres ou encore plus pauvre que les pauvres.

Si pour les pays asiatiques ce phénomène choque, au Maroc, il n’en est rien. C’est tout au mieux un échange interculturel duquel ces begpackers sortiront très imprégnés avec à la clé des rencontres et des amitiés. Ça rappelle, toutes proportions gardées, la déferlante hippie et la Beat Generation des années soixante. Pour ma part, je suis amusée d’apprendre que des musiciens de rue et de fortune viennent le disputer aux troubadours de la place Jamae El Fna ou ailleurs encore sur les petites places publiques des villes du sud du pays. Ils font bien de s’installer dans ce sud clément et bienveillant. Car ailleurs dans les grandes villes, la mendicité est un fonds de commerce au bail élevé qui s’acquiert à la force de l’empoigne et du poignet. Les feux rouges et les ronds-points sont des territoires de chasse attitrés. Vous ne verrez jamais de migrants sub-sahariens mendier dans un secteur de réfugiés syriens ou encore de locaux. Ici, la mendicité a ses codes. Alors un « gaouri » (occidental) qui gratte de la guitare et qui chante du Cat Stevens, c’est plutôt mignon, exotique.

Il faut bien que jeunesse se passe. Sinon, comme pour les hippies, les autorités la feront passer.

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