De Mhamid El Ghizlane à Mohammed VI

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La Marche verte. Pour l’instant, du moins à ma connaissance, aucune fiction, aucun roman, aucun récit n’a encore réussi à en rendre les expressions corporelles et spirituelles qui se sont emparés de tout un peuple ou décrire la transe patriotique qui s’en est saisie

Trois rois et une commune préoccupation majeure, le parachèvement de l’unité territoriale et sa consolidation. A l’exclusion des constantes de la diplomatie marocaine à ce sujet, c’est en résumé la teneur du discours de Mohammed VI à l’occasion du 42ème anniversaire de la Marche verte. En se référant au discours de son grand-père Mohammed V à Mhamid El Ghizlane le 25 février 1958, le souverain a fortement souligné l’antériorité des revendications marocaines sur l’existence algérienne qui n’est survenue que quatre ans plus tard par la grâce de l’imprévoyance d’une France qui a cru à la pérennité de l’Algérie française. L’histoire retiendra toujours, quoi qu’en en fasse la propagande algérienne, que la tournée de Mohammed V dans la région est intervenue après ce que l’on appelle l’opération Ecouvillon, du nom du chef des troupes françaises qui volèrent le 10 février de la même année au secours des « forces » espagnoles contraintes par l’Armée de Libération Nationale à rester cantonnées dans trois villes côtières, Villa-Cisneros (Dakhla), El-Aïoun (Laâyoune) et Cap-Juby (Tarfaya). En plus de l’infanterie, 9000 hommes, l’armée française aligna aux cotés des Espagnoles 70 avions. Défaite, l’ALN se retire, mais moins de quinze jours plus tard, Mohammed V s’approche de la région et prononce le discours historique pour signifier aux forces coloniales la résolution du Maroc de ne rien céder de ses territoires du Sahara. Ainsi fut dit ainsi fut fait, et c’est dans la dynamique de cette détermination que s’est inscrit Hassan II et après lui Mohammed VI.

La Marche verte. Les quadras actuels sont nés avec. Les quinquas d’aujourd’hui n’en ont pour la plupart que des souvenirs d’enfance. Pour l’instant, du moins à ma connaissance, aucune fiction, aucun roman, aucun récit n’a encore réussi à en rendre les expressions corporelles et spirituelles qui se sont emparés de tout un peuple ou décrire la transe patriotique qui s’en est saisie. Dans La mémoire d’un Roi, Hassan II, son concepteur, lui-même n’arrive pas vraiment à en expliquer les ressorts. Il fait référence à la météo, aux aléas du temps qu’il fait ou qu’il fera pour finir par dire : « En fait on sent venir les choses et quand elles commencent à bouger réellement il faut alors prendre une décision : soit on regagne le port le plus proche pour s’y abriter, soit on continue en évitant les écueils. Je le sens mais je ne peux pas vous l’expliquer davantage. » Dans son ouvrage Le Maroc et Hassan II, l’historien Abdallah Laroui écrit : « en fait, il y avait depuis 1974 un malentendu sur le sens et la portée de la Marche verte ». Puis il rappelle y avoir consacré un ouvrage en 1990 où il essaye de démêler les ingrédients qui ont fait que cette Marche a été une épopée et d’expliquer comment le discours du 16 octobre de Hassan II annonçant la Marche verte a été perçue et reçue par les Marocains comme un évènement espéré et attendu. Presque résigné, l’historien rationnel conclut : « Si le discours du 16 octobre eut le retentissement qu’on connaît, c’est qu’il était plus qu’un discours. Il était bel et bien un acte et, comme tous les actes royaux, depuis la plus haute antiquité, il était d’une certaine manière sacrificiel ».

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