Décès de l’homme de théâtre Jamaleddine Dkhissi : Militant de la culture à la vie, à la mort

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Ses étudiants gardent de lui un souvenir ému. La comédienne Latiha Aharare est bouleversée. Bouchra Ahrich effondrée. Driss Roukh fracassé.  Ils ont perdu un mentor, un maître…

On le savait souffrant. Que la maladie grignotait peu à peu son corps. Que des cellules folles l’envahissaient. Mais on disait non, Jamaleddine Dkhissi est immortel. Il est de l’étoffe de ceux qui ne s’en vont pas. De ceux qui restent tapis dans l’ombre parce que la lumière ne les quitte jamais.

Jamaleddine Dkhissi s’est pourtant éteint ce vendredi 24 mars, au matin. Il s’est éteint, mais pas la flamme qu’il portait en lui, celle de l’amour entier, passionné, irraisonné pour l’art et la culture. Il s’est battu comme un lion contre cette putain de maladie, avec cette fureur de vivre qu’il admirait tant chez les auteurs russes qu’il dévorait. Dans le microcosme cruel du cinéma marocain, beaucoup pourtant rêvaient de le voir vite revenir pour jouer de nouveau. Emouvant dans le rôle du père dans « Ymma » le film de Rachid El Ouali. Flamboyant et plus vrai que vrai dans « L’orchestre de minuit » de Jérôme Cohen-Olivar. Jamaleddine Dkhissi était un comédien qui prenait le soin d’étudier son rôle avant d’habiter le personnage qu’il campe, le temps d’un tournage. Mais ce n’était pas sa vocation première. Ce passionné de théâtre est d’abord et avant tout un fou des planches, des auteurs de théâtre, des trois coups avant que le rideau ne se lève. Il en fera d’ailleurs son métier quand il essaiera de communiquer sa passion à ses étudiants. Ceux et celles qui sont passés par  l’Institut supérieur d’art dramatique et de l’animation culturelle avant de se faire un nom dans le métier, gardent de lui un souvenir ému. La comédienne Latiha Aharare est bouleversée. Bouchra Ahrich effondrée. Driss Roukh fracassé.  Ils ont perdu un mentor, un maître…

De ces années passées à Moscou où il a étudié le théâtre, Jamaleddine Dkhissi a gardé la rigueur, la discipline, la recherche de l’ouvrage bien fait. L’homme n’a jamais apprécié la médiocrité et l’a toujours fait savoir. Ce qui ne lui a pas fait que des amis.

Peu lui importait. Nommé directeur du théâtre national Mohammed V, il s’est appliqué à redonner de la visibilité au théâtre pour que les vrais passionnés de cet art majeur qui ne se nourrit pas uniquement de rire gras y fassent carrière. Un long travail commence dans le silence, l’abnégation, l’incompréhension parfois, pour faire naître des vocations, former des troupes de théâtre nationales, régionales, locales. Donner à voir du spectacle et remplir les théâtres.  Les responsabilités administratives de J. Dkhissi ne lui ont jamais fait oublier l’essentiel, c'est-à-dire les arts et la culture. Il y a quelques jours le 18ème festival national du film marocain lui rendait hommage à Tanger. L’homme était au plus mal. Mais une telle reconnaissance donnait l’impression de le faire revivre. Car c’est bien un militant de la culture qui a définitivement quitté la scène ce vendredi 24 mars. Un homme qui a milité toute sa vie durant que la culture occupe tout l’espace et que les hommes et femmes de culture soient reconnus en tant que tel. La culture, avait-il coutume de dire, est porteuse de développement. Souvent, on l’écoutait d’une oreille distraite. En ce temps-là, Rabat n’était pas encore capitale des lumières.

Jamaleddine Dkhissi, l’enfant d’Oujda qui a toujours cultivé son accent de l’Oriental, s’en est allé comme il a toujours vécu : sur la pointe des pieds. A 63 ans et une vie emplie de rêves parfois accomplis, de souhaits pas toujours exaucés, d’ambitions probablement non accomplies, il est parti faisant de tous ceux et celles qui ont fait de l’art et de la culture des orphelins inconsolables.

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