Des employés de l’Etat, conquistadors en pays conquis

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Un abus de confiance arrogant et méprisant. Des requins assurés de l’impunité. L’humiliation d’être pauvre sans recours fiable

C’est la répugnante et triste histoire d’un habitant de bidonville et petit commerçant dans ce même bidonville face à un Parquet, disons impuissant pour ne pas dire apathique, face à une police indulgente vis-à-vis d’un des siens présumé coupable d’émission de chèque à signature non conforme, face à un officier supérieur de l’armée, coupable d’abus de confiance, d’émission de chèque d’autrui (son fils) à signature non conforme et usant de menaces à peine voilées contre sa victime, un paisible père d’une famille pauvre.

C’est ainsi que des bidonvilles deviennent des Sidi Moumen, deviennent berceaux de bombes humaines. Une affaire parmi tant d’autres, similaires, et à faire vomir de dégoût les estomacs les plus endurcis.

Un pauvre bougre, marchand de volaille, vend à un colonel pour 6 000 dirhams de poulet. Ce dernier débourse 2 000 dirhams en espèce et, sans avoir prévenu préalablement, paie les 4 000 dirhams restants par un chèque libellé et signé d’avance, chèque que lui aurait remis son fils, policier. Présenté à la banque, celle-ci refuse de payer, la signature n’étant pas conforme, d’où du reste une probable preuve d’une éventuelle préméditation à abuser de la confiance d’un de ces catalogués «pouilleux» sans capacité à se défendre.

Ce commerçant se rend plusieurs fois chez l’officier pour récupérer son dû. Ce dernier lui promet à chaque fois de bientôt le payer. L’affaire prenant trop de temps, la victime tente de prendre contact avec le commandant de la base où l’officier habite. Sans succès.

Il porte plainte contre le détenteur du compte bancaire et ce, auprès du Parquet qui assurément va transmettre à la police et veiller au suivi.

Rien, ni la victime entendu, ni le propriétaire du chèque interrogé, ni le présumé coupable inquiété.

Le commerçant reprend contact avec cet officier supérieur des FRA qui lui dit garantir le paiement du chèque de son fils. Des mois passent et rien. Rien de quiconque, rien de la part du Parquet, rien de la part de la police, rien de la part du colonel.

Une deuxième plainte est portée auprès du Parquet. Sans résultat

Le chèque impayé étant celui d’un policier, le commerçant écrit alors au Directeur Général de la Sûreté Nationale. Rien. Rien….., sauf que l’accusé mis au parfum, le colonel, menaçant, se présente devant la boutique bidonvilloise du commerçant et lui reproche de vouloir « ekhourje 3la wouldou » (détruire l’avenir de son fils). Avenir…. de requin ? Dalton et mama Dalton faisant son éducation ?

Et c’est ainsi que des conquistadores font des bidonvilles des barils de poudre prêts à exploser, où une jeunesse témoin des humiliations endurées par les parents, est prête à se faire exploser, des Sidi Moumen en devenir où un ressentiment nourrit tout au long de l’enfance un désir sanglant de vengeance donnant l’illusion de l’honneur recouvré par et dans la mort. Les conquistadors, tels des papillons de teigne, pondent le désespoir partout où ils passent.

La pauvreté n’est pas une honte, des enfants de bidonvilles honorent l’Université par leurs bons résultats. C’est d’être humilié et sans défense qui fait qu’on ressent une honte à continuer à vivre et à devoir regarder sa glace reflétant le mépris qu’on a de soi.« J’ai la haine » disaient les jeunes des banlieues parisiennes il y a de cela deux décennies. On n’avait pas su interpréter le message alors, des innocents en paient le prix aujourd’hui.

Des employés de l’Etat se rêvant et agissant en conquistadors écrasant de leurs crottées chaussures du haut de leur grade-perchoir la dignité du humble vu comme esclave ou chien, ce genre d’employé est criminel, renégat à son corps employeur et traître à la Nation qu’il avilit. La Reconquista de la dignité par le Droit appliqué sans discrimination, l’Etat de droit sans passe-droit pour quiconque, le nettoyage en profondeur de l’outil public, tout cela est urgent.

Comme pendant longtemps et pour des raisons quelconques on n’a pas su tirer la chasse d’eau à chaque fois qu’il le fallait, on se retrouve submergé de fange puante et asphyxiante et l’on est condamné à déconstruire pour reconstruire.

La rédaction du journal dispose des documents illustrant cet article

 

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