Le bouclier du Roi c’est lui-même

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Face à la contestation « le Roi [serait-il] nu » en raison de l’affaiblissement des corps d’intermédiation censés agir comme le fusible qu’ils ne seraient plus. Plus facile à dire qu’à démonter

150 mille manifestants à la marche de Rabat dimanche 11 juin, selon un quotidien arabophone de la place, habitué à crever le mur du son. 150 mille, c’est trois plus que ne peuvent prendre les gradins du stade foot du complexe Moulay Abdallah de Rabat. Cela a commencé avec la marche de solidarité en 1988 pendant la première inthifada palestinienne, mais depuis que les manifestations autorisées ou tolérées ne se terminent plus par des jacqueries, on sait ce qu’une marche dont la queue est à Baba El had, à l’entame de l’avenue Mohammed V, et sa tête à la place des Alaouiyines face à la gare de Rabat-ville, compte de manifestants : au plus quinze mille. Je n’ignore pas les intérêts et les envies du quotidien qui nous livre les informations du jour et je sais qu’en matière de calculs, quand il ne s’agit pas d’arithmétique, il est très fort. Mais là il pousse le bouchon un peu trop loin. Je n’ignore non plus rien des effets grossissant, prisme amplificateur, des images des réseaux sociaux, mais tous ceux qui ont l’habitude de couvrir les manifs sans autre intérêt que d’avoir l’aperçu le plus objectif possible sur ce qui se passe, savent raison garder et faire la part des choses.

Je connais la consistance du manifesteur du dimanche comme l’amateur de danse qui va en boite le samedi soir pour se défouler un coup avant de rentrer à la maison pour attendre le weekend prochain. J’ai aussi une idée assez précise sur ces manifestations qu’on peine à grossir par des apports nationaux, extérieurs à leur lieu de déroulement. Ils ne m’ont jamais impressionné, ni fait peur. Que l’on se mette d’accord : je ne suis pas en train de me gausser de ce qui se passe à Al Hoceima, qui est d’une autre dimension et autrement plus sérieux. Qui mérite tout un autre traitement.  Mais de ces expectateurs (d’expectative), professionnels de la politique, qu’on a déjà vu à l’œuvre, à l’affût de n’importe quel bruissement de rue pour souffler sur le feu dans l’espoir d’attiser l’incendie. Avec toujours les mêmes déceptions.

L’un des problèmes majeurs d’Al Hoceima est que les courroies de transmission, les corps d’intermédiation ont sauté. A cause d’une politique qui s’est esquissée depuis la fin des années dix de ce siècle et que la maitrise du « printemps arabe » au Maroc n’a fait qu’épanouir. J’espère qu’on aura l’occasion d’en débattre, une fois que la rivière aura retrouvé son lit et la vie son cours normal. Mais là, tout de suite, j’ai envie de tordre le cou à une assertion qui voudrait que face à la contestation « le Roi est nu » en raison précisément de l’affaiblissement des corps d’intermédiation censés agir comme le fusible qu’ils ne seraient plus. Rien n’est moins vrai pour ces organes qui sont plus des outils de régulation et d’accompagnement que des boucliers du monarque. Dans ce sens je défie quiconque de me donner l’exemple d’un roi du Maroc qui n’était pas en première ligne pour la gestion du pays, le maintien de l’ordre ou son rétablissement. A leur rythme, ils montent au créneau chaque fois que nécessaire. Autrement on serait plus dans un régime parlementaire que dans une monarchie constitutionnelle.      

 

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