Le HCP analyse la pauvreté des enfants au Maroc

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A l’occasion de la Journée Nationale de l’Enfant, célébrée le 25 mai de chaque année, le Haut Commissariat au Plan (HCP) publie une note de synthèse sur les principaux résultats de l’étude conduite sur la pauvreté multidimensionnelle des enfants 2001-2014, qui sera incessamment publiée dans les Cahiers du Plan n° 49

Une meilleure connaissance de la situation du bien-être des enfants au Maroc, des enjeux et défis qui s’y rapportent, contribue à mieux fonder les actions visant à briser le cercle vicieux de transmission intergénérationnelle de la vulnérabilité et de la pauvreté, à renforcer le caractère pro-pauvre des politiques publiques, à réduire les inégalités des chances, et à améliorer la performance et la compétitivité des ressources humaines à l’avenir.

Dans ce cadre, l’approche multidimensionnelle de la pauvreté permettrait de mieux apprécier la réalité des conditions de vie des enfants. Fondée sur l’identification des privations cumulées par enfant, cette approche a pour vocation de déceler les segments des enfants en situation de privations multiples, et qui devraient être ciblées en priorité par les politiques publiques.

Cette approche considère l'enfant comme l’unité d'observation plutôt que le ménage. Elle traite d’un large faisceau de facteurs dont le manque ou l’insuffisance est supposé constituer une privation pour l’enfant et comme telle, une source ou une manifestation de la pauvreté contribuant à sa reproduction sociale. Ces facteurs ou dimensions portent sur  l’éducation, la santé, l’accessibilité à l’eau, à l’électricité et à l’assainissement, les moyens de communication et les conditions d’occupation du logement. Tels sont les principaux objectifs retenus par l’agenda 2030 du développement durable.

L'indice composite

Basé sur la construction d’un indice composite de privation dans ces dimensions, le taux de pauvreté multidimensionnelle donne la proportion des enfants pauvres, cumulant un nombre de privations supérieur au seuil de pauvreté, fixé par l’approche d’Oxford à ‘‘au moins 30% des privations élémentaires auxquelles sont exposés les enfants dans les domaines susmentionnés’’. Il exprime le rapport du nombre des enfants pauvres au nombre total des enfants. 

Cette étude se base sur les données des enquêtes nationales sur la consommation et les dépenses des ménages (ENCDM) de 2001 et 2014, et l’enquête nationale sur les niveaux de vie des ménages (ENNVM) de 2007, réalisées par le HCP. Elles ont porté respectivement sur un échantillon de 14200, 16000 et 7100 ménages, représentatif de toutes les catégories sociales et les régions du pays.

Les résultats

Il ressort des résultats de l’étude que, entre 2001 et 2014, le niveau de privation moyen des enfants a baissé de plus de moitié au niveau national, passant de 0,295 à 0,128, soit une baisse de 6,2% par an. Cette amélioration a concerné les deux milieux de résidence : le niveau de privation moyen est passé de 0,115 à 0,052 en milieu urbain et de 0,47 à 0,224 en milieu rural.

Au niveau régional, le progrès le plus important en termes de recul de la privation des enfants, est enregistré dans les régions « Tanger-Tétouan-Al Hoceima » où l’indice composite de privation est passé de 0,31 en  2001 à  0,12 en 2014, « Marrakech-Safi »de 0,38 à 0,17, « Fès-Meknès »de 0,27 à 0,13 et « Béni Mellal-Khénifra »de 0,31 à 0,15.

En 2014, cinq régions restent marquées par un niveau de privation des enfants supérieur à la moyenne nationale sont : « Marrakech-Safi» (0,172), « Fès-Meknès » (0,153), « Béni Mellal-Khénifra » (0,15), « Darâa-Tafilalet » (0,15) et « L’oriental » (0,134). En revanche, avec un degré de privation de près de 0,10, les régions du Sud et « Casablanca-Settat »présentent les plus faibles niveaux de privation des enfants.

Dans ces conditions, la pauvreté multidimensionnelle des enfants a enregistré une forte tendance à la baisse. Sa prévalence est passée de 43,6% en 2001 à 24,1% en 2007 et à 11,0% en 2014. Le nombre d’enfants en situation de pauvreté est ainsi passé de 4,9 millions d’enfants en 2001 à 1,2 millions d’enfants en 2014, soit une réduction annuelle moyenne de 10,0% de l’effectif global des enfants pauvres à l’échelle nationale.

Par groupe d’âge, la pauvreté multidimensionnelle frappe principalement les enfants de 5 à 6 ans, avec un taux de pauvreté de 21,0%, au moment où les enfants de 7-14 ans sont les moins touchés par cette forme de pauvreté (7,3%).

La pauvreté multidimensionnelle des enfants demeure sur tout un phénomène rural. Sa prévalence est passée de 11,8% en 2001 à 6,1% en 2007 et à 2,4% en 2014 en milieu urbain, et respectivement de 74,6% à 46,9% et à 22,0% en milieu rural. De même, 88%des enfants pauvres résident en milieu rural au moment où les enfants ruraux représentent 48% de l’ensemble des enfants Marocains.

La sortie des enfants de la pauvreté se fait à des vitesses différentes d’une région à l’autre. Entre 2001 et 2014, la part des enfants multidimensionnellement pauvres est passée de 59,8% à 16,5% à « Marrakech-Safi », de 46,4% à 10,0% à « Tanger-Tétouan-Al Hoceima », et de 44,6% à 14,6% à « Béni Mellal-Khénifra ».

L’étude montre, par ailleurs, que la pauvreté éprouvée à l’enfance est une reproduction sociale de la pauvreté des adultes, et une conséquence des conditions de vie défavorables.

C’est ainsi que le nombre d’enfants dans le ménage différencie notoirement leur bien-être en 2014. Le taux de pauvreté chez les ménages à 6 enfants et plus (28,0%) est 4 fois plus élevé que celui des ménages à un seul enfant (6,5%).

 Le sexe du chef du ménage impacte différemment la situation des enfants à l’égard de la pauvreté. Le taux de pauvreté est de 11,2% chez les enfants des ménages dirigés par un homme contre 8,6% chez les enfants des ménages dirigés par une femme.

 Le niveau d’éducation du chef de ménage a un rôle central dans la détermination du niveau de pauvreté des enfants : l’incidence de la pauvreté des enfants passe de 0,5% pour les enfants des ménages dirigés par un chef de niveau scolaire supérieur à 16,4% pour les enfants des ménages dont le chef est sans niveau scolaire.

L’effet du niveau scolaire de la mère sur le bien-être des enfants est beaucoup plus prononcé que celui du père : les chances de se prémunir contre la privation sont deux fois plus élevées pour les enfants dont la mère a un niveau scolaire supérieur (22,5%) que pour ceux dont le père a le même niveau scolaire (10,3%).

Le risque de la pauvreté multidimensionnelle des enfants est fortement différencié par la catégorie socioprofessionnelle du chef de ménage. L’incidence de la pauvreté des enfants est plus nette parmi les enfants des ménages dirigés par des « exploitants agricoles » (25,4%), « ouvriers et manœuvres agricoles et de la pêche » (24,3%), «manœuvres non agricoles» (11,3%) et «artisans et ouvriers qualifiés» (8,9%). 

 

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