Les langues

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On s’attendait à un débat de fond sur le projet de loi-cadre relatif à la réforme de l’éducation formation autour de l’école que nous voulons pour  nos générations actuelles et futures et on a eu droit malheureusement à des polémiques stériles et marginales qui escamotent entièrement ce débat. Cette dérive, nous l’avions sentie venir  il y a plus d’un an dans un article publié en janvier 2018 en écrivant notamment : « l’essentiel y est : obligation de l’enseignement fondamental à partir du préscolaire, renforcement des langues étrangères aux côtés de nos deux langues nationales dans la perspective de maîtriser quatre langues au niveau de la classe terminale, révision des programmes en les débarrassant des scories rétrogrades et passéistes, valorisation des ressources humaines, restructuration de la recherche scientifique, mobilisation des moyens financiers additionnels, mise en place d’une gouvernance basée sur la transparence, la responsabilité  et la redevabilité ….C’est donc une opportunité historique, peut-être la dernière ?, qui nous est offerte pour enfin remédier aux maux qui taraudent notre système éducatif. A chacun de prendre ses responsabilités. Il ne faut surtout pas qu’on continue à perde notre temps à discuter sur le sexe des anges !... »

En focalisant la discussion autour de la langue d’enseignement, avec des arrières pensées conservatrices et passéistes, voire populistes et  hypocrites, on cherche délibérément à mettre les bâtons dans les roues de la réforme de notre système éducatif et à perpétuer, par conséquent, le système actuel  dont tout le monde déplore le caractère injuste, inéquitable et improductif. Le débat autour des langues n’a pas lieu d’être. Car la question est tranchée définitivement par la loi suprême  du pays. La constitution, dans son article 5, tout en reconnaissant l’arabe et l’amazigh comme langues officielles, stipule « l'apprentissage et la maîtrise des langues étrangères les plus utilisées dans le monde, en tant qu'outils de communication, d'intégration et d'interaction avec la société du savoir, et d'ouverture sur les différentes cultures et sur les civilisations contemporaines ». Le projet de loi-cadre qui a suscité autant de polémiques et de guéguerres ne dit pas autre chose ! Il ne fait que reprendre à la lettre une disposition constitutionnelle.

En effet, à l’heure de la mondialisation et du développement sans précédent des savoirs et connaissances, l’ouverture sur les langues étrangères  est plus que jamais un impératif pour tirer profit des acquis de la civilisation humaine et des résultats de la recherche scientifique. Il ne faut pas voir dans la langue plus qu’un outil de travail et un véhicule d’acquisition  et de transmission des connaissances. Même la langue nationale s’enrichit à partir des langues étrangères. Et le fait d’enseigner une matière scientifique ou plusieurs au cours du secondaire ne touche en aucune manière à notre identité comme  le prétendent d’aucuns. Au contraire, c’est un moyen de préparer l’apprenant à poursuivre ses études supérieures, que ce soit au Maroc ou à l’étranger, avec succès. A titre d’exemple, n’est-il pas utile pour un élève qui envisage de poursuivre des études de médecine d’étudier les SVT ou la chimie en français ou en anglais ? N’est-il pas raisonnable pour un futur  ingénieur de télécommunications d’étudier l’informatique ou les statistiques dans une langue autre que l’arabe ? etc… D’ailleurs, notre système a bien fonctionné selon ce schéma pendant des décennies et avec des résultats probants.

Ce faisant, on ne réinventera pas la roue.  Tous les pays qui se développent ou qui se sont développés procèdent de la même manière.  Avec une dose plus ou moins forte d’ouverture sur les langues étrangères. Pouvons-nous imaginer  un professeur de Chaire au Japon spécialiste de la civilisation arabe sans qu’il ne maitrise comme il se doit la langue et la culture arabes ? Tel est l’enjeu de l’utilisation des langues étrangères.

Soyons donc clairs et débattons à visage découvert sur l’avenir de notre école et sa place dans le projet de société qui convient à notre pays à l’heure actuelle. Sommes-nous pour une  école publique qui assure une réelle égalité des chances, qui garantit une formation de qualité, une école ouverte sur son environnement (local, national et international), compétitive et attractive, une école qui contribue à l’émancipation de l’esprit et au développement de la créativité, une école qui anticipe le futur pour préparer les enfants d’aujourd’hui à mieux le vivre en leur inculquant  les méthodologies scientifiques qui les aident à résoudre les problèmes qui se posent... ?

Telles sont les vraies questions qui se posent à nous aujourd’hui et auxquelles  le projet de loi-cadre apporte des réponses, ou tout au moins des esquisses de réponses. Par conséquent, le vrai débat doit porter sur le contenu de l’enseignement, les méthodes pédagogiques employées, les moyens à mettre en œuvre, le statut de l’enseignant et sa place dans la société, la gouvernance du système…

Se focaliser sur les questions linguistiques, somme toute dépassées, serait un moyen de noyer le poisson pour détourner l’opinion publique des vraies problématiques et de servir des desseins non avoués et non avouables ! A-t-on au moins envisagé de consulter les premiers intéressés que sont les élèves et leurs parents ? De grâce, ne ratons pas encore une fois le rendez-vous avec cette opportunité qui nous est offerte. Nous avons perdu suffisamment de temps et de moyens. Arrêtons les dégâts, c’est l’avenir de tout un peuple qui est en jeu.

 

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