Les saisies de cargaisons de l’OCP : Un acte de piraterie politique

5437685854_d630fceaff_b-

1007
Partager :

Philippe Delebecque, président de la chambre arbitrale maritime de Paris, a publié un article dans la nouvelle édition de la Gazette de la même chambre, dans lequel il se prononce sur les saisies de cargaisons de phosphate de l’OCP, au Panama et en Afrique du sud. Détails

Pour Philipe Delebecque, la décision de l’OCP de ne pas prendre part au procès est « difficile mais remarquable ». Il a souligné que la décision de la justice sud-africaine de saisir une cargaison de phosphates en provenance du Sahara visait le groupe OCP, non sans préciser que cette même justice avait autorisée l’arraisonnement du navire transportant la cargaison en question. Il estime donc qu’il s’agit d’une « piraterie politique ».

« L’issue de cette affaire nous dira s’il est désormais concevable, sur le plan juridique, que le commerce international (qui représente près de 90% du commerce mondial) puisse être pris en otage par une forme de piraterie politique, inédite et de surcroît virulente », souligne le président de la chambre arbitrale maritime de Paris.

Ce dernier a rappelé, dans son article, le début de cette affaire. Il rappelle, en effet, que le phosphate en question a été extrait du Sahara (défini comme un territoire non autonome par l’ONU). Il souligne également que c’est un groupe séparatiste qui a décidé de saisir les tribunaux en Afrique du Sud et au Panama, et ce après avoir observé les mouvements de chargement des navires de l’OCP. « En Afrique du Sud comme au Panama, les premières délibérations furent conduites “ex parte”, sans la participation de l’armateur. C’est ainsi que les deux vraquiers furent arraisonnés », écrit-il.

Le 5 mai dernier, la cour maritime du Panama réaffirme le principe selon lequel les juridictions nationales ne sont pas une enceinte de règlement des affaires diplomatiques et politiques, telles que celles portant sur la propriété d’une cargaison de phosphates extraits du Sahara, comme le rappelle Philipe Delebecque. Le tribunal indiquait aussi que les requérants n’avaient aucune preuve du droit de propriété qu’ils voulaient exercer sur cette cargaison. Là encore Philipe Delebecque estime que c’est une décision « fondée et raisonnable ».

Par ailleurs, quelques jours après la délibération de la cour du Panama, le tribunal sud-africain s’estimait compétent et décidait à son tour de statuer sur l’affaire. L’OCP, lui, décidait de ne pas prendre part au procès et déclare tout haut ce qu’il pense de cette affaire.

L’office indiquait : « en décidant de renvoyer l’affaire du navire Cherry Blossom au fond, la cour sud-africaine rend une décision éminemment politique et commet un grave abus de pouvoir : non seulement elle s’arroge une compétence à statuer qui contrevient aux principes élémentaires du droit international, mais de surcroit, sa décision constitue une ingérence politique dans le processus mené  sous l’égide du conseil de sécurité des Nations Unies. OCP et sa filiale Phosboucraa dénient donc à la cour sud-africaine toute légitimité pour se prononcer sur le fond d’une affaire suivie au plus haut niveau international ».

Philipe Delebecque a fait savoir que le droit de la saisie des navires, national ou international, « subordonne l’immobilisation d’un navire à deux conditions » : le demandeur doit produire une requête maritime et établir que le bien saisi appartient à son débiteur. 

Pour lui, si immobiliser un navire est une chose, saisir sa cargaison en est une toute autre. Autrement dit, pour saisir une cargaison, il n’est pas possible de saisir le navire qui la transporte. « Seul le créancier de l’armateur qui fait état d’une créance maritime est habilité à saisir le navire. S’agissant de la cargaison, le créancier de son propriétaire pourrait la saisir, s’il justifiait précisément d’une créance contre ce propriétaire. Le propriétaire de la cargaison elle-même pourrait la saisir entre les mains d’un tiers, en exerçant une saisie revendication, mais encore faudrait-il qu’il justifie de son droit de propriété », explique Delebecque.

Et ce dernier d’affirmer que dans le cas présent, la cargaison saisie appartient bel et bien au groupe OCP ou à ses clients et non au mouvement séparatiste armé du Sahara.

« L’industrie maritime dépend de normes cohérentes et respectées dans les nombreuses zones qu’elle irrigue. Les pirates politiques d’aujourd'hui, quant à eux, préfèrent les charges fallacieuses au feu des canons de leurs ancêtres, bien qu’il s’agisse toujours de piller les mers et de s’approprier le bien d’autrui », souligne-t-il avant de conclure : « aucune nation vivant des fruits du commerce international ne peut accepter un seul instant de leur laisser une chance d’imposer leur logique ».