On ne guérit pas de l'espoir

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La lucidité c'est de crier haut et fort qu'un Etat n'est pas fort grâce aux performances de son appareil sécuritaire. Un Etat n'est fort que par la protection et les opportunités qu'il offre à ses citoyens

Après une longue hibernation, je reprends le stylo. J'avais l'impression de ne plus avoir de choses à dire, que ma parole était inutile. Mais ce n'est pas la vérité, on peut toujours et encore apporter des issues à ce blocage marécageux, angoissant que nous vivons. C'est René Char qui écrivait "la lucidité est la blessure la plus proche du soleil". Mais le fait d'être lucide, même quand on n’est pas suivi, ne peut justifier l'abandon. Je n'abandonne pas.

La lucidité c'est de dire, le Roi vient de le rappeler, que le modèle de développement actuel est caduc. Et ce n'est pas McKinsey qui va prendre quelques milliards pour nous pondre un nouveau modèle. Cela ne peut être que le produit d'une interaction entre les forces locales, régionales, et l'État ; le sujet d'un vrai débat national autour de l'impérieuse nécessité de l'équité régionale. Celle-ci est la clé du développement, parce qu'elle nécessite l'extension du marché national, la valorisation des ressources naturelles, le rééquilibrage des maillages de l'aménagement territorial. Et surtout qu'elle diminue la relégation sociale.

La Lucidité c'est de crier haut et fort qu'un Etat n'est pas fort grâce aux performances de son appareil sécuritaire. Un Etat n'est fort que par la protection et les opportunités qu'il offre à ses citoyens. Cela a un nom : les services publics, une santé publique en état de marche, une école publique qui offre l'égalité des chances, sont les plus grands garants du respect de l'État et la cohésion nationale.

Bien évidemment que la problématique politique demeure. Une démocratie même en construction, dépend de la crédibilité de ses institutions auprès des citoyens. Elle est nulle aujourd'hui.

Mais on ne guérit pas de l'espoir. Il est trop facile de faire ce constat et de s'en laver les mains. Nous devons collectivement répondre à des questions dont personne ne conteste la pertinence :

- Comment faire pour sortir des millions de marocains de la précarité ? Je laisse à Bassima Hakkaoui la responsabilité de ses déclarations sur le seuil de pauvreté. Des Marocains vivent dans l'exclusion, reproduisent l'exclusion puisque l’école ne fonctionne pas, que faire ?

- Comment sortir de la logique comptable concernant les services publics et arrêter de foncer dans le mur en klaxonnant ? Dans un pays où des millions de gens sont dans la précarité absolue, les solutions libérales sont suicidaires.

Je suis convaincu que ces débats là, menés à fond, dégageront de nouvelles élites, capables de régénérer la vie politique et de remettre la construction démocratique sur les rails. Nous n'avons d'autres choix que d'y croire. Parce qu'une société immobile, alors qu'elle englobe autant d'injustice, n'est pas viable à terme.

 

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