Rentrée scolaire : Jadis on demandait aux élèves du papier émeri, aujourd’hui du papier toilette

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Librairies envahies par parents et tuteurs stressés. Cohue devant des comptoirs qui offrent une fourniture pour ce qui est supposé être du savoir. Cela dépend des manuels. Images désormais presque séculaires qui reviennent chaque année avec les mêmes espoirs et les mêmes récriminations. Lieux incontournables pour se procurer les manuels et autres fournitures scolaires dont les enfants ont besoin, chacun selon son niveau et son établissement, cet exercice, s'il est habituel, les met en permanence face au dilemme des dépenses exagérées et des listes "interminables" de fournitures scolaires plus que demandées, exigées.

Les rentrées passent et se ressemblent. En plus chères.

La même litanie. Outre l’aspect pécuniaire qui affecte considérablement les budgets des familles, surtout que (encore une fois) la rentrée scolaire coïncide avec les fêtes religieuses et les vacances d’été, comme s’il n’était pas dans l’’ordre des choses que la rentrée vienne après les vacances, les parents gémissent contre le du poids du cartable et les scolioses qui pourraient affecter leurs chérubins. Et leur quotidien.

La quantité excessive des fournitures scolaires on n’en a que ça à la bouche. Les mêmes refrains sur l'utilité de tous ces "lots" exigés et s'ils sont réellement utilisés durant l'année scolaire, tout en se plaignant que le secteur échappe au contrôle et à la règlementation. 

Un mois et ça passera, et les soucis d’aujourd’hui seront déclassée par d’autres tracas. Que reste-il ? Le ramadan c’est fait, l’aïd sghir plié et classé, celui du mouton c’est dans une année, qu’est-ce qui reste et nous attend ? Les vacances d’hiver, l’assurance de la voiture, sa vignette et le réveillon pour les impies sous le regard désapprobateur, désapprobateur c’est gentil ?, inquisiteur des islamistes…

A chaque jour suffit sa peine. Nombreux, surtout ceux dont les enfants poursuivent leurs études dans des écoles privées, se disent, subitement verts, consternés par les grandes quantités de papier consommées au cours de l'année, malgré la tendance mondiale à l’économie du papier et à son recyclage dans un souci de réduction des déchets et de protection de l'environnement. 

Mohamed, et les Mohamed sont légion, est l'un de ces parents qui fulminent contre les kilos de fournitures scolaires qu'ils se voient obligés d'acheter chaque année. A croire qu’ils établissent les programmes sur pont bascule pour pesage de poids lourd. Il assure que ses enfants n'ont pas besoin de tous ces cahiers dont la grande partie s'avère inutile à la fin de l'année. "Ils n'utilisent parfois que 20 pages d'un cahier de 100 feuilles". Les 90 autres, c’est pour dépanner au cas où le papier hygiénique viendrait à manquer. Ou pour les doux billets de l’instit à l’instite de la classe d’à coté, que l’élève préféré du premier portera fièrement sous le regard envieux de ses camarades à la seconde. 

A quoi sert un stylo ?

En plus des manuels et des cahiers, l’un des Mohammed s'interroge sur la fonction de stylos, crayons et feutres de toutes formes et couleurs, de plusieurs tubes de colle et de peinture, de portes-feuilles et d'autres fournitures qu'il juge "complètement inutiles". Inutiles ? Pas tout-à-fait. C’est pour dénicher, des fois que, dans la multitude de nos « têtes brunes » se trouveraient des Eugène Delacroix en herbe ou des Andy Warhol en verve pour la peinture aussi bien que pour la musique ou le cinéma. C’est que nos écoles manquent cruellement de Pop Art. Ou d’art tout court.

Un troisième Mohamed raconte avoir à maintes reprises évoqué le sujet avec les responsables de l'école privée où sont inscrits ses enfants, mais ceux-ci l'ont à chaque fois retoqué en affirmant que cette question est du ressort des enseignants qui, selon eux, "sont seuls habilités à décider des besoins des enfants en la matière". Et le conseil pédagogique censé encadrer les élèves et le corps enseignants, il sert à quoi ? Probablement d’appoint à la comptabilité quand les calculatrices tombent en panne sous le poids des frais dont il faut ajuster l’addition pour mieux les soustraire au regard vorace des vautours des Impôts. C’est Mohamed qui affirme, pas l’auteur de cet article.

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Khadija l’imperturbable

Khadija, et les Khadija, elles aussi, sont nombreuses, mère de deux enfants inscrits en deuxième et sixième années du primaire dans un établissement privé, s'étonne de l’absence totale de contrôle par le ministère de tutelle, qui livre sans défense les familles à des établissements scolaires mal-gérés et fournituvores.

Pire, non "pis, de nombreuses écoles procèdent à l'achat des manuels et des programmes qu'elles nous revendent à des prix avec marges", assène l’autre Khadija, plus jeune encore et qui n’a pas encore compris que l’enseignement est un commerce comme un autre. Sidérée, elle s’étonne encore que la liste des fournitures comporte du papier toilette et des essuies-tout ! Derrière elle, un sexagénaire, qui de ce fait en a vu d’autres, lui lance : De mon temps, on nous demandait du papier émeri pour essuyer les tables en les abrasant. C’est tout de même plus doux le papier toilette. Les yeux brillant de nostalgie il ajoute : Il est vrai que ’enseignement était gratuit. Et de meilleure qualité.

Mais il en faut un peu plus pour déstabiliser la jeune Khadija qui vocifère : "Même les programmes scolaires sont quasi-modifiés chaque année, privant les cadets de profiter des ouvrages des ainés’’, s'insurge-t-elle.

Interrogé, un responsable pédagogique d'une école privée de Rabat, lunettes  pas chères mais qu’il a choisies cerclées pour faire austère et sérieux, visage rond ridé comme pour rappeler qu’il sort d’un parchemin scolaire découvert dans la sépulture de Toutankhamon, explique doctement que les fournitures demandées sont nécessaires au succès du processus éducatif, assurant que le choix des manuels et des fournitures "de qualité" malgré leur coût élevé revient à mettre en valeur les dons des enfants. Sur le dos des parents. Mais on ne demande qu’à voir ces dons gâtés et capricieux, sauf que pour l’instant on n’a vu que Rachid Yazmi, le génial inventeur de la batterie lithium rechargeable. En dehors de lui, on n’a pas beaucoup de raisons de croire que la NASA est peuplée de génies marocains formés par le privé éponyme. D’ailleurs, pas plus que les autres enfants de sa génération, Rachid Yazami ne savait certainement pas que l’enseignement payant pouvait exister…

Insensible à ces considérations, le conseiller pédagogique poursuit : L’établissement de la liste des fournitures scolaires se fait en concertation avec les instituteurs, qui identifient les outils nécessaires pour les aider à mener à bien leur tâche pédagogique et exigent parfois la marque à acheter "afin que tous les élèves disposent des mêmes outils de travail". Les parents entourant le conseiller pédagogique ne se rendant même compte que le conseiller pédagogique qu’il leur expliquait par-là la pédagogie d’inculquer aux élèves le profond concept de l’égalitarisme, affichent une moue sceptique. Si ça vous chante, vous pouvez enlever le C à sceptique. L’égalitarisme dont il parle ne résiste pas à la sortie des classes . La diversité des voitures qui attendent, de la Dacia à la Range Rover, avec ou sans chauffeur, efface d’un coup d’éponge le tableau idyllique de la marque uniforme des crayons col Mao. M’ssieu, m’ssieu, un besoin pressant.

 

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