Algérie : une tragédie surtout européenne ! Par Abdelahad Idrissi Kaitouni

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L’Europe redoute que la chute de la junte militaire ne soit le prélude à une situation quasi-apocalyptique. La déferlante migratoire en vue, risquerait d’être incomparablement plus importante que celle venue de Syrie en 2015

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Le Maroc a puisé dans ses ressources historiques les armes pour faire face à l’adversité algérienne. Ce n’est malheureusement pas le cas de l’Europe ! Terrorisée par l’imminence de l’implosion du pouvoir algérien, le vieille Europe bricole des solutions et va, c’est le cas de l’Allemagne, jusqu’à inciter au freinage du développement du Maroc. Abdelahad Idrissi Kaitouni revient sur le dilemme que l’Europe s’est imposée et analyse le fourvoiement européen préconisant la juste voie : stopper la fuite avant. 

Le Scénario catastrophe

Pour l’écrasante majorité de l’opinion nationale et internationale l’Algérie ne représente qu’un désagrément minime pour son voisin. Un petit caillou dans la chaussure qui n’empêche pas le Maroc de poursuivre son petit bonhomme de chemin. Mais en fait, notre pays traîne un lourd, très lourd handicap qui a perturbé durablement notre développement.

Cependant en six décennies nous avons fini par dompter la bête et réussi à vivre avec. Cet handicap s’est transformé en véritable atout, devenu à la longue un aiguillon, un argument pour aller de l’avant. Un peu à l’image de ces infirmes qui se surpassent au point que plus personne ne remarque leur infirmité.

Le Maroc a puisé dans ses ressources historiques les armes pour faire face à cette adversité. Ce n’est malheureusement pas le cas de l’Europe ! Non que le Vieux Continent manque de profondeurs historiques, mais tout simplement parce qu’il n’arrive pas à se départir de ses obsessions coloniales, aggravées par un racisme devenu endémique.

Aujourd’hui la Vieille Europe est terrorisée par l’imminence de l’implosion du pouvoir algérien. Elle redoute que la chute de la junte militaire ne soit le prélude à une situation quasi-apocalyptique. La déferlante migratoire en vue, risquerait d’être incomparablement plus importante que celle venue de Syrie en 2015. Et ce n’est pas la Méditerranée, ce Lac européen, qui découragerait les candidats à l’immigration. On s’attend à ce que cette mer soit infestée de boats-people que seule la mort arrêtera à défaut des rivages européens.

C’est moins les incidences économiques de cette immigration massive qui inquiète l’Europe, que les conséquences démographiques, et partant les bouleversements cultuels et culturels qui en résulteraient. Sur le plan économique, on a vu avec quelle maestria l’Allemagne a réussi à absorber les 1,8 millions de réfugiés syriens. Une opportunité unique que l’Allemagne a su saisir pour doter son économie d’une main-d’œuvre abondante, bon marché, corvéable à merci et, qui plus est, bien formée. C’était aussi une chance de pouvoir arrêter la dégradation du rapport entre actifs cotisants dans les caisses de retraites, et ceux qui ne le sont plus.

En France, tous les calculs concordent sur le fait que l’immigration rapporte plus qu’elle ne coûte. Il n’y a de divergences que sur le montant de l’excédent. Selon les méthodes de calcul retenues, le solde oscillerait entre 15 milliards d’Euros au minimum et pourrait atteindre les 50 à 60 milliards. Ce n’est donc pas pour des raisons économiques que les Français se dressent unanimement contre l’immigration.

Avec un taux de fécondité inférieur à 1,6 l’Espagne et l’Italie vivent très mal ce dépeuplement, et le déséquilibre démographique qui en résulte met en péril leurs caisses de retraites. Aucun système de retraites par répartition ne pourrait survivre à une réduction drastique du nombre de cotisants. L’immigration apparaît de ce fait, plus que salutaire !

Jouer la technologie, reculer l’âge de la retraite et tous les autres subterfuges ne sont que des palliatifs face à une démographie têtue.

La peur panique de l’immigration ne résulte pas d’un quelconque risque sur le développement et le bien-être des Européens, mais des bouleversements démographiques qui immanquablement auraient des conséquences notables sur leur identité. On ne saurait dire si l’hostilité quasi unanime de l’Arabe et du Musulman sont une simple réaction d’auto-défense, ou l’expression d’un racisme qui sommeille dans chaque Européen depuis les Croisades.

Comment l’Europe continue à se fourvoyer dans ce bourbier

Face à ces sombres perspectives, l’Europe semble n’avoir eu d’autres choix que de manifester une bienveillance coupable envers les généraux algériens. Pour défendre cette attitude complètement irresponsable, un ami européen est allé jusqu’à me dire que la politique de la «main tendue» du Roi Mohamed VI ne diffère en rien de la voie de la conciliation choisie par le Vieux Continent. Pour lui, le Monarque qui est un parfait champion de la «réal» politique, agit dans le même esprit que celui que nous dénions à l’Europe.

J’ai répondu que le Maroc n’a rien à se reprocher et sa politique de la main tendue obéit prioritairement à des impératifs géographiques, historiques, culturelles et, pourquoi pas éthiques. Ce n’est pas le cas de l’Europe qui peine à se tirer du bourbier colonial. Les anciennes dépendances, même si aujourd’hui, elles ne sont plus en administration directe, doivent cependant continuer à rapporter, à produire de confortables profits pour les métropoles.

Dès le début de son indépendance, l’Algérie est apparue comme un partenaire si peu commode, pour ne pas dire sans aucune fiabilité. Pourtant l’Europe, aveuglée par l’appât du gain, a continué à montrer de la complaisance qui frisait parfois la compromission avec un régime qui ne lui vouait que du mépris. Le paradoxe c’est que, plus on se rapproche de l’implosion du système algérien, plus l’Europe semble manquer de clairvoyance au point où chacun des pays, indépendamment des autres, emprunte des voies qu’ils savent à l’avance, sans issues.

L’Allemagne, par exemple, aurait adopté une doctrine d’une absurdité sans nom. Elle consiste à stigmatiser le Maroc du seul fait qu’il se développe plus rapidement que ses voisins. Est-ce là une manière de satisfaire l’Algérie en faisant en sorte de raboter le Maroc pour qu’il n’aille pas mieux ? Depuis quand commence-t-on à sanctionner le premier de la classe ? Dans ce cas l’Allemagne devrait subir des sanctions analogues du fait qu’elle est le premier de la classe Europe.

Une telle préconisation est injuste pour le Maroc, et surtout elle est méprisante pour les pays de la région puisqu’on pousse à un nivellement par le bas. À moins que l’affaiblissement généralisé de ces pays ne s’inscrive dans l’esprit colonial, toujours en vigueur !

Le jeu de la France est encore plus pernicieux, surtout avec Macron. Malgré toutes les concessions, rien n’y fait, l’Algérie demande toujours plus, incapable qu’elle est de savoir ou de pouvoir tirer profit de ce qu’on lui concède.

Ainsi la France a-t-elle encouragé la modification de la constitution algérienne pour autoriser l’armée à opérer à l’extérieur de ses frontières. Macron imagine qu’en prenant les Algériens comme supplétifs au Sahel, il va pouvoir mettre fin à la désastreuse opération Barkhane. En refilant le bébé à la junte militaire, il estime que c’est le meilleur moyen d’assouvir, un tant soit peu, la volonté de puissance des généraux algériens dans leurs rêves de jouer les premiers rôles dans la région, en somme de devenir le gendarme incontournable de tout le Sahel.

Macron semble ignorer qu’il met les doigts dans un terrible engrenage, car l’appétit des généraux ne sera jamais assouvi. Les preuves ? N’a-t-il pas été amené à couvrir le coup d’état de Guinée contre Alpha Condé conduit par un militaire très proche de la France ? Et cela juste pour aider l’Algérie à reconfigurer des régimes africains pour qu’ils soient à sa dévotion.

N’est-il pas en train de fermer les yeux sur la partition en cours de la Mauritanie, juste pour offrir à l’Algérie son sacre avec le débouché tant désiré sur l’Atlantique. Ou s’arrêteront les compromissions de Macron avec les généraux algériens ? Des compromissions portées à bras le corps par les médias français, avec à leur tête le journal Le Monde qui, pour un oui ou pour un non, se déchaînent avec férocité contre le Maroc, tout en passant sous silence la plupart des exactions commises par les caporaux du palais de La Mouradia.

Échappatoire : arrêter la fuite en avant ! 

L’Europe, craignant qu’une politique de fermeté ne précipite l’implosion du régime algérien, semble se résigner aux demi-mesures, et souvent aux pis-aller. Ce n’est pas en allant de concessions en concessions que la junte militaire se montrera moins vorace. Elle connaît la fascination que le pétrole et le gaz exercent, d’où leur frénétique surenchère.

L’Europe doit accepter l’inéluctabilité de l’implosion. Elle doit faire en sorte qu’elle puisse atténuer l’effet dévastateur de cette implosion. Malgré l’arrivée de l’extrême droite et des populistes au pouvoir dans certains pays, Frontex, la police européenne des frontières, n’ira jamais jusqu’à couler les embarcations pour arrêter la vague migratoire. L’Europe ne survivra pas à un deuxième holocauste ? Impensable, totalement impensable !

Mais plus elle tarde à mettre fin à cette fuite en avant, plus l’épilogue sera douloureux. L’opération chirurgicale, bien que tardive, s’impose aujourd’hui avant demain. Il en coûtera toujours moins que de soigner les métastases que le cancer algérien est entrain de répandre tous azimuts.

Sans oublier que pour mieux se défendre, l’Europe doit prioritairement penser à la consolidation des pays limitrophes qui constituent de véritables amortisseurs susceptibles d’absorber beaucoup de chocs. Le Maroc, dont le savoir-faire en matière d’immigration est connu et reconnu, pourrait canaliser certains flux, et pourquoi pas attirer certaines catégories dont son économie, en pleine croissance, a grandement besoin.

Si l’Algérie est un grave problème pour l’Europe, il n’est pas exclu qu’une partie de la solution à ce problème passe par un Maroc dynamique et prospère ! Il est grand temps que le Vieux Continent change de lunettes et poser un regard moins cupide sur le Maghreb. Lui qui est chargé d’Histoire ne devrait-il pas regarder davantage vers le Maroc, un pays tout aussi pétri d’Histoire ?

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