Corée du Sud: l'interdiction de la viande de chien déroute restaurants et clients

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Une affiche publicitaire montrant des plats à base de viande de chien à Daegu, le 10 janvier 2024. Le Parlement sud-coréen a adopté le 9 janvier un projet de loi interdisant l'élevage, l'abattage et la vente de chiens pour leur viande, une pratique traditionnelle que les militants ont qualifiée d'embarrassante pour le pays. (Photo Jung Yeon-je / AFP)

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Lorsque Choi Tae-yeon a ouvert son restaurant il y a vingt ans dans la ville sud-coréenne de Daegu, elle était assurée du succès avec sa carte proposant de la viande de chien. Mais au lendemain du vote d'une loi interdisant sa vente à des fins alimentaires, elle craint de devoir fermer son établissement.

Mardi, le parlement sud-coréen a voté une loi interdisant dans un délai de trois ans l'élevage, la vente et l'abattage de chiens à des fins de consommation. Les infractions à la loi seront passibles d'une peine pouvant aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement et d'une amende de 30 millions de wons (20.800 euros).

Niché dans une ruelle du marché de Chilseong dans la ville de Daegu, dans le sud du pays, le restaurant de Choi Tae-yeon propose des plats traditionnels sud-coréens, notamment de la viande de chien cuite à la vapeur ou dans du bouillon.

La viande de chien fait depuis longtemps partie de la cuisine sud-coréenne mais sa consommation a fortement chuté au cours des dernières années, les jeunes urbains du pays étant de plus en plus nombreux à apprécier les chiens comme animaux de compagnie.

"Les choses ont changé d'une manière radicale", a confié mercredi à l'AFP Mme Choi dans son restaurant.

"Avant, quand les affaires marchaient bien, les commerçants pouvaient vendre jusqu'à 30, 40 chiens par jour", dit-elle. "A présent, nous vendons un ou deux chiens en moyenne".

La consommation de viande de chien est devenue un véritable tabou chez les jeunes urbains, et les pressions des défenseurs des droits des animaux pour interdire cette pratique se sont intensifiées.

Mme Choi se dit mécontente de la décision d'interdire la viande de chien, tout en reconnaissant qu'elle n'a pas le choix et qu'elle doit l'accepter, même si son restaurant représente l'affaire de sa vie, qu'elle comptait transmettre à son fils.

"Il est plus facile à présent de gagner sa vie qu'autrefois, et de nombreuses personnes ont appris à aimer les animaux", ajoute-t-elle.

En décembre, la presse a révélé que les ventes de chariots pour transporter chiens ou chats avaient dépassé pour la première fois en 2023 celles de poussettes pour enfants, des chiffres mettant en évidence la crise démographique en Corée du Sud, l'un des pays ayant le taux de natalité le plus bas, et l'engouement croissant des Sud-Coréens pour les animaux de compagnie.

Or les jeunes, "qui ont pour la plupart vécu sans rien connaître des difficultés de la vie, adorent les chiens", constate la  restauratrice.

Mme Choi a tout essayé pour gagner sa vie, de la street food à la vente de nouilles sur les marchés, avant d'ouvrir son restaurant, et de rencontrer le succès.

"C'est très déconcertant que celà se termine ainsi", avoue-t-elle, les larmes aux yeux.

Changement de mentalité chez les consommateurs 

Avec le changement des mentalités au cours des dernières années, selon Mme Choi, les vendeurs de viande de chien sur les marchés ont fait l'objet d'un harcèlement constant de la part des militants de la cause animale, qui ont organisé des manifestations devant les restaurants, les vouant aux gémonies.

"Ils ne nous traitaient pas, nous autres qui vendions du bosintang (potage coréen avec de la viande de chien) comme des êtres humains", se plaint-elle.

Des années de militantisme en faveur de la cause animale ont abouti à une baisse de nombre des consommateurs, constate la restauratrice, qui songe à se reconvertir dans la soupe de côtes de porc.

La ruelle, très animée auparavant avec ses restaurants proposant des spécialités de viande de chien, était vide mercredi.

Cependant, Mme Choi assure avoir vu plus de clients après le vote de la loi que la moyenne quotidienne au cours des derniers mois.

Dans un autre restaurant spécialisé dans la viande de chien, un client âgé, se présentant sous le seul nom de Jang, déclare être venu car sachant qu'il ne pourrait plus en manger d'ici trois ans.

"J'aime bien avoir de la viande de chien, car quand je bois, je n'ai pas la gueule de bois le lendemain", affirme ce client.

Un septuagénaire, se présentant sous le nom de Choi, assure pouvoir se passer de viande de chien à l'avenir, mais se déclare opposé à la loi.

"Les poulets, les cochons, les vaches sont tous des animaux vivants, je suis opposé à la seule interdiction de viande de chien", assène ce client. (AFP)

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