Focus à Rabat sur protection des données personnelles et bonne gouvernance

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‘’L’utilisation croissante des supports numériques, d'Internet et des réseaux sociaux multiplie les risques qui menacent la vie privée’’ (Moulay El Hassan Daki, président du Ministère public)

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Rabat - Un panel d'experts s'est penché, jeudi à Rabat, sur le système juridique de protection des données à caractère personnel et son lien avec la bonne gouvernance. 

Une journée d'étude organisée par la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP), le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) et la Présidence du ministère Public et l'Institution du Médiateur du Royaume.

Le souci d’une mise en œuvre optimale des dispositions juridiques 

L’évolution des phénomènes criminels, aggravée par le développement technologique rapide, exige une coordination des efforts entre les différents acteurs, afin de parvenir à une complémentarité des rôles et de consolider la gouvernance dans le domaine de la protection des données à caractère personnel, a affirmé Moulay El Hassan Daki, procureur général du Roi près la Cour de Cassation, président du Ministère public, lors de l'ouverture d'une journée d'étude.

Ce sujet revêt une grande importance au regard de la dimension des droits de l'homme qu'il incarne, et des défis liés à la protection des données personnelles, notamment face à l'émergence de multiples formes de pratiques portant atteinte à la vie privée des individus, a souligné M. Daki.

Il a rappelé que la Maroc consacre la "dimension protectrice" du droit à la vie privée à travers l'article 24 de la Constitution de 2011 qui édicte que : "Toute personne a droit à la protection de sa vie privée (…) Les communications privées, sous quelque forme que ce soit, sont secrètes. Seule la justice peut autoriser, dans les conditions et selon les formes prévues par la loi, l'accès à leur contenu, leur divulgation totale ou partielle ou leur invocation à la charge de quiconque".

Malgré les textes constitutionnels et juridiques garantissant le droit à la protection de la vie privée, l'essor technologique et les développements qui en résultent dans les techniques de traitement automatisé des données personnelles des individus, ainsi que l'émergence de phénomènes criminels dans l'espace virtuel constituent une menace à la vie privée, a averti M. Daki, relevant dans ce sens que l'utilisation croissante des supports numériques, d'Internet et des réseaux sociaux multiplie les risques qui menacent la vie privée.

Dans ce cadre, le président du Ministère public a indiqué que la loi n° 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel édicte des dispositions relatives aux obligations du responsable du traitement des données personnelles et aux droits des personnes concernées tout en régissant la collecte, le stockage et l'utilisation des données personnelles, notant que ce texte contient aussi des sanctions administratives et pénales en cas de violation.

Il a également abordé les lois relatives à la protection des transactions par voie numérique, citant la loi n° 07-03 complétant le code pénal en ce qui concerne les infractions relatives aux systèmes de traitement automatisé des données, la loi n° 53-05 relative à l'échange électronique de données juridiques qui fixe le régime applicable aux données juridiques échangées par voie électronique, ainsi que la loi n° 31-08 édictant des mesures de protection du consommateur.

Par ailleurs, M. Daki a indiqué que le législateur a confié au Ministère public, en vertu de la loi, un certain nombre de compétences liées à la protection de la vie privée des personnes, ajoutant que le Ministère public, compte tenu de son rôle dans la mise en œuvre de la politique pénale, a fait de la question de la protection de la vie privée des individus l'une de ses principales priorités.

Il a souligné que le Ministère public a adopté une série de mesures et programmes visant à lui permettre d’assumer les missions qui lui incombent dans ce domaine, aussi bien au niveau des services qu’il offre au profit des usagers que de celui du renforcement des capacités de ses magistrats auprès des tribunaux dans les domaines liés à la protection des données à caractère personnel.

M. Daki a ajouté que le Ministère public a veillé, sur le plan de la gestion des applications électroniques servant à assurer des services au profit des usagers, à adopter les différentes procédures en vigueur pour obtenir les outils et les autorisations stipulés par la loi 09.08 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel.

Evoquant les procédures illustrant le souci du Ministère public d'assurer la mise en œuvre optimale des dispositions juridiques dans ce domaine, M. Daki a affirmé que le Ministère public a obtenu en 2019 une autorisation de la part de la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP) pour traiter les données personnelles obtenues auprès de personnes qui avertissent sur des crimes de corruption au niveau des centres d'appels destinés à cet effet.

Il a relevé que le Ministère public a obtenu également, au cours de l'année 2020, l'autorisation préalable de ladite commission pour traiter les demandes d’accès à l'information, dans le cadre de la mise en œuvre de la loi 31.13, ajoutant que cette institution a eu droit au feu vert de cette même commission pour la mise en place d'une plateforme électronique dédiée à la réception des plaintes des femmes victimes de violence, ainsi que pour traiter les informations personnelles des ressources humaines travaillant à la présidence du Ministère public.

Sur le plan de l'appui aux capacités des magistrats du Parquet en matière de protection des données personnelles, M. Daki a indiqué que la présidence du Ministère public a pris l'initiative de programmer une série d'ateliers régionaux à leur profit et au profit des officiers de la police judiciaire, le but étant de veiller à la bonne application des dispositions de la loi 09.08.

Il a ajouté que la présidence du Ministère public a veillé également à la création d’un réseau de magistrats du Parquet spécialisés dans le domaine de la protection des données à caractère personnel, au niveau de toutes les juridictions du Royaume, en vue de créer une spécialisation dans ce type d'affaires et y accumuler l’expertise nécessaire et que cela se répercute positivement sur le niveau de leurs performances professionnelles en la matière.

Dans le cadre du renforcement de la coopération et de la coordination entre le Parquet et les organes concernés par l'application de la loi 09.08, M. Daki a souligné que le ministère Public a signé, le 17 juillet 2019, une convention de coopération et de partenariat avec la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel, qui vise à coordonner les efforts et à partager les expériences.

Un travail a été fait avec cette commission pour l’élaboration d’un modèle de rapport pour contrôler les violations des dispositions de la loi 09.08 et ce, afin d'éviter toute irrégularité formelle pouvant affecter les procédures judiciaires, a-t-il noté.

M. Daki a souligné que cette rencontre, qui se tient 11 ans après l'adoption de la loi 09.08, sera l'occasion d'évaluer, de passer en revue et d'étudier les différents problèmes pratiques qui entravent la mise en œuvre optimale de ce texte de loi, ainsi que de proposer des solutions appropriées pour les surmonter.

Il s’agit également, a-t-il poursuivi, d’une occasion de s’arrêter sur le niveau de coordination et de coopération entre les autorités, les institutions et les instances concernés par la mise en œuvre de cette loi afin de les consolider et de dépasser les différentes entraves pouvant surgir.

Le rôle et la fonction du magistrat

Les données à caractère personnel revêtent une importance primordiale dans la gestion des mesures et procédures judiciaires, et s'inscrivent en droite ligne du rôle dévolu par la Constitution au magistrat en matière de protection des droits et libertés, a affirmé, jeudi à Rabat, le premier président de la Cour de Cassation, président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), Mohamed Abdennabaoui.

Le grand magistrat a estimé que cette rencontre constitue pour le CSPJ et ses partenaires une occasion pour examiner de manière précise la loi sur la protection des données, ainsi que pour "élaborer des visions cohérentes pour garantir les services judiciaires tout en protégeant les données personnelles".

Le Royaume accorde un grand intérêt à la protection de la vie privée des individus et des droits y afférant, devenant le premier pays arabe, africain et musulman à être accrédité auprès de la Conférence internationale des commissaires à la protection des données et de la vie privée, et ce lors de la 33éme session tenue à Mexico city en Novembre 2011, a dit M. Abdennabaoui.

Il a aussi rappelé que le Maroc a rejoint le 28 mai 2019 la Convention du Conseil de l’Europe n°108, en plus d’adopter cette année la loi 53.21, portant approbation du protocole d’amendement à cette convention, fait à Strasbourg le 10 octobre 2018.

Le CSPJ prend part, aux côtés de la Présidence du Ministère public, du Médiateur du Royaume et de la CNDP à cette action de coordination en vue d’une collaboration fructueuse afin de consacrer la bonne gouvernance du service public et assurer une protection suffisante aux données personnelles, a-t-il noté.

M. Abdennabaoui a également mis en exergue les Hautes orientations royales en lien avec ce sujet, contenues dans les discours royaux, notamment le discours royal du 20 août 2019 qui a tracé les priorités pour la Commission spéciale sur le modèle de développement.

La bonne gouvernance des services publics constitue l’une des indicateurs adoptés par les pays développés en tant que composante essentielle de l’Etat de droit et des institutions, et traduit dans sa mise en œuvre la preuve du niveau de démocratie atteint par les sociétés, a-t-il estimé.

Et d’ajouter que le CSPJ a consacré, dans son plan stratégique 2021-2026, un axe principal à l’amélioration de l’efficacité du système de la Justice, dans le but de promouvoir la qualité des services judiciaires, notamment à travers le traitement des procès et l’exécution des sentences dans un délai raisonnable, l’élimination des affaires non jugées définitivement, le renforcement de la confiance des justiciables en la Justice et la réalisation de la sécurité judiciaire à travers la publication de la jurisprudence judiciaire.

Il s’agit aussi d’œuvrer pour l’amélioration des décisions de justice, dans le soucis de promouvoir une relation entre le citoyen et le CSPJ basée sur l’écoute et le respect mutuels, et qui s’appuie sur une gouvernance du service public et une application des mesures nécessaires pour la protection des données à caractère personnel.

En vue de mettre en oeuvre ces orientations stratégiques, le CSPJ a mené plusieurs initiatives, dont l’émission de circulaires relatives aux moyens de garantir l’efficience judiciaire et d’améliorer les conditions d’accueil des plaignants, en sus de la publication sur son site électronique de plus de 8.000 arrêts de la Cour de Cassation, avec un accès public et gratuit.

Ces efforts vise à contribuer à la réalisation de la sécurité judiciaire et à l’amélioration des services judiciaires, ce qui constitue l’essence même de la gouvernance du service public judiciaire, a dit M. Abdennabaoui.

Le service public, notamment judiciaire, traite chaque jour une quantité énorme de données personnelles, ayant un lien direct avec la vie privée des citoyens, soit le droit le plus important protégé par la Constitution et la loi, a-t-il fait remarquer, ajoutant que de ce fait, la préservation du caractère secret de ces données et leur traitement de manière précise et adéquate constituent des règles essentielles pour la gouvernance du service public, sans oublier l’impératif de veiller à une mise en oeuvre stricte des dispositions légales dans ce domaine.

La protection des données une affaire de tous

Rabat, 10/11/2022 (MAP) – La question de la bonne gouvernance et de la protection des données à caractère personnel "est une affaire à laquelle nous devons tous contribuer", a affirmé, jeudi à Rabat, le Médiateur du Royaume du Maroc, Mohamed Benalilou.

Lors de la séance d'ouverture, M. Benalilou a relevé que cette rencontre incarne concrètement les valeurs de la coordination institutionnelle comme "la soudure reliant les fonctions des différentes institutions qui travaillent au service du citoyen, et qui dégage les zones d'ombre et les situations embarrassantes qu’elles peuvent induire, dont le tribut est payé souvent par le citoyen".

"La diversité de nos backgrounds professionnels et fonctionnels fait de cette rencontre l'occasion idoine d'assurer l'interopérabilité tant souhaitée, pour une gouvernance multidimensionnelle des services publics qui transcende les limites terminologiques et conceptuelles, vers une compréhension commune des domaines, mécanismes et limites d'intervention", a-t-il souligné.

Le concept d'indépendance organisationnelle ne devrait jamais écarter la possibilité d'investir davantage dans les liens reliant les fonctions de toutes les autres institutions constitutionnelles et nationales concernées par la question de la gouvernance, a relevé M. Benalilou.

Dans ce contexte, il a estimé qu'il était nécessaire de travailler collectivement pour gagner la confiance des citoyens, d'autant plus qu'il existe de réels défis en matière de services publics, dus à plusieurs facteurs, dont "la divergence des procédures des instances ou des des groupes concernés, ce qui conduit à des représentations sociales inattendues, voie non désirées.

Cette journée d’études constitue une expression manifeste d'un changement clair d'attitude par rapport à la gouvernance des services publics et son rapport avec le développement durable, a-t-il poursuivi, souhaitant qu’elle constitue "une occasion d'établir une réflexion commune autour des différentes intersections possibles dans le performance de nos institutions"

Cette rencontre, à laquelle ont pris part des experts, des représentants du ministère de la Justice et des différentes instances et institutions constitutionnelles et des acteurs de la société civile, s’inscrit dans le cadre de la coopération entre le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, la Présidence du ministère public, l’Institution du Médiateur du Royaume et la CNDP en vue de consacrer la gouvernance et la protection des données à caractère personnel selon une vision unifiée.

Les participants à la réunion se sont concentrés sur l'étude d'un certain nombre de sujets liés à la protection des données personnelles, à travers deux axes : Les données en relation avec l'approche de la gouvernance et le renforcement de la protection de ces données.

Le président du tribunal administratif de Casablanca, Abdelmajid Chafiq, a abordé les aspects de gouvernance dans l'application de la loi relative à la protection des personnes physiques, en particulier ce qui a trait données à caractère personnel.

Placée sous le thème "Coordination institutionnelle : vers une conception commune de la consécration de la bonne gouvernance et de la protection des données à caractère personnel", cette session a été marquée par un exposé du président de l'unité des affaires de presse et de publication relevant du ministère Public, Hassan Farhane, qui s'est attardé sur le rôle du ministère public dans la protection des données à caractère personnel.

Le secrétaire général de l'Institution du Médiateur du Royaume, Mohammed Lididi, a mis l'accent sur les mécanismes juridiques dont dispose l'Institution du médiateur du Royaume pour consacrer la bonne gouvernance.

Pour sa part, la responsable du Data Trust au sein de la CNDP, Firdouas Methqal, a passé en revu le référentiel national et international en matière de protection des données à caractère personnel.

Cette journée d'étude, qui a connu la participation d'un représentant du ministère de la Justice, d'experts et magistrats, de représentants de diverses instances et institutions constitutionnelles et d'acteurs de la société civile, vise à promouvoir la bonne gouvernance et à protéger les données à caractère personnel à travers une vision commune.

 

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