L’Economie mondiale vue par l’OMC (la reprise du commerce dépasse les attentes) et le FMI (la reprise à deux vitesses)

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« Les prévisions actuelles sont proches du scénario optimiste figurant dans les dernières prévisions commerciales, mais les risques du scénario pessimiste prédominent désormais » (OMC)

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Le commerce mondial de marchandises a repris de l'élan et dépassé son pic d'avant la pandémie malgré des problèmes d'approvisionnement, a indiqué lundi l'OMC, mais la vigueur du rebond dépend de l'accès aux vaccins anti-Covid.

Selon les nouvelles estimations de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le volume du commerce mondial des marchandises devrait croître de 10,8% en 2021 et de 4,7% e en 2022. En mars, l'OMC tablait respectivement sur une hausse de 8% et de 4%.

"On pouvait s'attendre à un rebond substantiel compte tenu de l'ampleur du marasme commercial qui a accompagné le début de la pandémie de Covid-19 en 2020, lorsque le volume du commerce mondial de marchandises s'est contracté de 5,3%", a déclaré la directrice générale de l'OMC, Ngozi Okonjo-Iweala, en conférence de presse.

Cette croissance devrait, selon les économistes de l'OMC, se modérer à mesure que le commerce des marchandises retournera à la tendance de long terme qui était la sienne avant la pandémie. 

"Des problèmes du côté de l'offre comme la pénurie de semi-conducteurs et le retard accumulé dans les ports pourraient tendre les chaînes d'approvisionnement et peser sur les échanges dans certains secteurs, mais ne devraient pas avoir d'incidence majeure sur les agrégats mondiaux", ont-ils estimé par ailleurs.

En résumé, indique l'OMC, les prévisions actuelles sont proches du scénario optimiste figurant dans les dernières prévisions commerciales, mais les risques du scénario pessimiste prédominent désormais, en raison notamment des tensions des chaînes d'approvisionnement mondiales et d'une possible résurgence du Covid. Des pics d'inflation sont également à envisager, selon les économistes de l'OMC. 

Outre ces risques, Mme Okonjo-Iweala s'inquiète en particulier d'une forte divergence de la croissance du commerce d'une région à l'autre. En particulier, le Moyen-Orient, l'Amérique du Sud et l'Afrique semblent s'orienter vers la reprise la plus faible du côté des exportations.

"Les chiffres du commerce sont la dernière preuve en date que l'accès inéquitable aux vaccins exacerbe les divergences économiques entre les régions", a martelé Mme Okonjo-Iweala.

Appel à l'unité

Plus de 6 milliards de doses de vaccins anti-Covid ont été produites et administrées dans le monde, mais à ce jour, a-t-elle déploré, seulement 1,4% des habitants des pays à faible revenu ont été entièrement vaccinés contre 58% dans les pays riches.

A l'approche de la douzième Conférence ministérielle de l'OMC (30 novembre au 3 décembre), elle a appelé les membres de l'organisation à "faire preuve d'unité et s'accorder sur une réponse forte de l'OMC à la pandémie qui jetterait les bases d'une production plus rapide des vaccins et d'une répartition plus équitable". 

"C'est une nécessité pour maintenir la reprise économique mondiale. La politique de vaccination constitue bien une politique économique – et aussi commerciale – critique", a-t-elle ajouté.

Sur proposition de l'Inde et de l'Afrique du Sud, l'OMC débat âprement depuis 2020 d'une exemption des droits de propriété intellectuelle sur les vaccins et autres traitements anti-Covid, pour les rendre plus accessibles.

Ce principe, soutenu par l'Organisation mondiale de la santé et des ONG, est combattu par les géants pharmaceutiques et certains pays européens, qui soulignent que des accords de production entre entreprises sont possibles et se multiplient, y compris en Afrique.

La patronne de l'OMC a reconnu lundi que "c'est un sujet difficile", mais ajouté: "nous espérons pouvoir parvenir à un compromis raisonnable sur la question de la propriété intellectuelle".

"Nous espérons qu'il y aura une solution pragmatique qui sera acceptable pour les deux parties".

Elle a souligné que les membres de l'OMC travaillaient de manière "acharnée" pour parvenir, en vue de la ministérielle, à des avancées ou des accords dans plusieurs domaines, notamment celui des subventions favorisant la surpêche, un sujet sur lequel les pays discutent depuis plus de 20 ans.

FMI : Reprise "en cours", mais les répercussions pourraient durer des années

Dans son rapport annuel publié lundi à Washington, le Fonds monétaire international (FMI) indique qu’une "reprise est en cours" à des degrés différents selon les pays, mais les répercussions économiques de la pandémie de Covid-19 "pourraient se faire sentir pendant des années" notamment pour les pays en développement.

"Près de la moitié des pays émergents et des pays en développement ainsi que certains pays à revenu intermédiaire risquent désormais de prendre encore plus de retard sur les autres, ce qui réduirait à néant une grande partie des progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de développement durable définis par l’Organisation des Nations Unies”, ajoute le FMI.

Au sein des pays, les inégalités se creusent également, les employés les moins qualifiés, les jeunes, les femmes et les travailleurs de l’économie informelle subissant “des pertes de revenus disproportionnées”.

Au niveau mondial, la reprise est à deux vitesses, prévient la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, qui note que “les situations économiques divergent dangereusement d’un pays à l’autre”, en raison de différences flagrantes sur le plan de l’accès aux vaccins et de la marge de manœuvre dont disposent les pouvoirs publics.

"Alors qu’un rebond est observé dans les pays avancés, la crise s’aggrave dans de nombreux pays émergents et pays en développement", a-t-elle écrit dans une préface au rapport.

Une condition : l’accès aux vaccins

Pour pérenniser la reprise, "il faudra que les pouvoirs publics poursuivent leur action, notamment pour garantir et élargir l’accès aux vaccins et pour maintenir en place des dispositifs d’aide économique et un appui ciblé adaptés au stade de la pandémie, à la vigueur de la reprise économique et aux caractéristiques structurelles des pays" recommande l’institution financière.

Et de plaider aussi en faveur d’une coopération multilatérale pour veiller à ce que tous les pays aient un accès équitable aux vaccins et que ceux en difficulté financière puissent obtenir les liquidités internationales dont ils ont besoin.

“À mesure que la reprise se confirme, il convient d’intensifier les réformes économiques ainsi que les investissements publics dans le capital humain et les infrastructures écologiques et numériques afin de favoriser la réaffectation des ressources et de réduire autant que possible les séquelles à long terme”, insiste encore le FMI.

La directrice générale du FMI rappelle que le montant total des prêts accordés par le FMI à 86 pays depuis le début de la pandémie s’élevait à 110 milliards de dollars, ce qui constitue un record.

Elle a en outre évoqué la nouvelle allocation de droits de tirage spéciaux (DTS) d’un montant de 650 milliards de dollars, la plus élevée de l’histoire du FMI, ce qui permettra d’accroître considérablement les réserves et les liquidités des pays membres.

"La tâche la plus urgente reste de vacciner la population mondiale le plus rapidement possible”, a-t-elle insisté pour mettre fin à la pandémie et assurer partout une reprise durable.

Une deuxième priorité immédiate consiste, selon elle, à aider les pays à faire face au fardeau de plus en plus lourd de leur dette publique.

“Nous devons mettre en place des mesures qui confortent la reprise à court terme, mais aussi des politiques porteuses de changements qui nous permettent de jeter les bases d’une économie mondiale plus respectueuse de l’environnement, plus numérique et plus inclusive”, a-t-elle conclu.

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