Proust: cinq choses pour briller aux dîners en ville sans l'avoir lu

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Tous ceux qui n’ont pas lu Proust connaissent de lui sa madeleine

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Habitué des salons mondains, Marcel Proust, décédé il y a cent ans, a laissé une œuvre complexe dont il n'est pas forcément aisé de discuter en société. Voici cinq anecdotes pour briller sans l'avoir lu.

"Du côté de chez Swann" refusé par Gallimard 

En 1909, Proust se lance dans l'œuvre de sa vie, un roman où le héros découvre au gré de ses souvenirs l'importance vitale de l'art.

D'un volume en 1909, le roman passe à deux en 1912, à trois en 1913... "A la recherche du temps perdu" en comptera finalement sept. Les trois derniers seront publiés après sa mort, à 51 ans en 1922.

Après avoir essuyé trois refus d'éditeurs, Proust est contraint de publier à compte d'auteur chez Grasset en 1913. André Gide, figure de la NRF (Nouvelle revue Française, futur Gallimard) est un de ceux qui l'ont éconduit.

"Le refus de ce livre restera la plus grave erreur de la NRF et (...) l'un des regrets, des remords, les plus cuisants de ma vie", écrit-il à Proust.

Gide va multiplier les tentatives pour le reconquérir. Gaston Gallimard y parvient en 1916 et publie "A l'ombre des jeunes filles en fleurs" en 1918.

"Ah?": Quand Proust apprend qu'il a le Goncourt 

Le 10 décembre 1919, le jury Goncourt décerne son prix à Proust, une victoire arrachée par six voix sur dix.

Gaston Gallimard file chez Proust, près des Champs Elysées, raconte le biographe Thierry Laget dans "Proust, prix Goncourt, une émeute littéraire". Il réveille l'écrivain en pleine sieste.

"Ah?", réagit-il platement. C'est la phrase la plus brève de son existence! L'écrivain, qui s'est pourtant battu pour l'obtenir, ne veut voir personne.

Cette distinction déclenche une vive polémique: toute la gauche se range derrière son concurrent malheureux Roland Dorgelès et son récit de guerre, "Les Croix de bois". Elle conspue "les petites coliques d'enfant" de "Marcel Proutt", un embusqué jugé trop vieux, trop riche (les 5.000 francs du prix seraient plus utiles à un autre) et trop mondain.

30 mots par phrase 

"Longtemps, je me suis couché de bonne heure...", l'incipit le plus célèbre de la littérature française a découragé plus d'un lecteur. Avec ses phrases infinies - 30 mots en moyenne par phrase, deux fois plus que les autres écrivains -, son abondance de tirets et de parenthèses, Proust a inventé une nouvelle musique littéraire.

Eclaté, le texte est parcouru de dialogues comme s'il était fait pour être lu à voix haute.

Que le lecteur se rassure : si la phrase de Proust est complexe, son lexique est simple. La singularité de son style réside aussi dans ses métaphores, témoins de la finesse de son monde intérieur.

La biscotte de Proust 

Les carnets de Proust ont révélé qu'il avait d'abord imaginé la fameuse scène de la madeleine avec une tranche de pain grillé puis une biscotte.

Elle apparaît au tout début de "La Recherche": Marcel, narrateur maussade, boit une cuillerée de thé dans laquelle il a laissé "s'amollir un morceau de madeleine".

"A l'instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis (...) D'où avait pu venir cette puissante joie ?"

Marcel revit un souvenir heureux d’enfance : "Ce goût, c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (...) ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans une infusion de thé ou de tilleul".

C'est l'une des clés de "La Recherche": le passé peut être reconquis par l'entremise de l'écriture, éternelle source de félicité.

Son père, théoricien du confinement 

Son père, neurologue et hygiéniste, est l'un des grands penseurs de la distanciation sociale et du confinement.

Membre de l'Académie de médecine, il préconisait aussi le lavage fréquent des mains et du visage.

Père assez terrifiant, Adrien Proust écrase son fils souffreteux. Il apparaît dans "Un amour de Swann" comme le docteur Cottard.

A partir de 1906, Proust, mondain le soir, vit reclus la journée chez lui, "suspendu entre caféine, aspirine, asthme, angine de poitrine et somme toute six jours sur sept entre la vie et la mort".

"Ce sont les méthodes de sa mère qu'il emploie (...), alors que son père lui disait de faire de l'exercice, de sortir, d'ouvrir la fenêtre", note le spécialiste Jean-Yves Tadié. (AFP)

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