Sous prétexte de donner des gages à ses courants racistes, Paris durcit l’octroi des visas pour le Maroc, l'Algérie et la Tunisie

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"C'est une répression de notre liberté de voyage et de mouvement": à Rabat, la décision de la France de durcir les conditions d'obtention de visas à l'égard des Marocains fait réagir. (Crédit photo AFP)

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La France restreint les visas pour les ressortissants du Maghreb en annonçant mardi la réduction du nombre de visas accordés. Elle donnerait ainsi des gages à la droite et l'extrême droite sur l'immigration à moins de sept mois de la présidentielle, en plein regain de nervosité des relations avec ces pays. C’est sans doute un calcul électoral qui a bon dos pour passer la pilule d’une politique de l’Etat sélective qui ne rechigne pas à vider la région de ses cadres (médecins, ingénieurs, chercheurs scientifiques..) et rejette ce qu’elle considère comme le bas de gamme de la migration 

L'octroi de visas sera durci d'ici quelques semaines pour les ressortissants du Maroc, de l'Algérie et de la Tunisie, pays qui "refusent" de délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires au retour des immigrés refoulés de France, prétexte le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal sur Europe 1.

"C'est une décision drastique, c'est une décision inédite, mais c'est une décision rendue nécessaire par le fait que ces pays n'acceptent pas de reprendre des ressortissants que nous ne souhaitons pas et ne pouvons pas garder en France", a-t-il justifié. Il a ainsi confirmé une information de la radio qui évoquait une baisse à venir de 50% du nombre de visas délivrés pour les ressortissants du Maroc et de l'Algérie et de 33% pour ceux de Tunisie.

Référendum sur l'immigration 

Selon les chiffres du ministère de l'Intérieur communiqués mardi à l'AFP, l'Algérie a délivré entre janvier et juillet 2021 un total de 31 laissez-passer consulaires pour 7.731 obligations de quitter la France (OQTF) prononcées, et 22 expulsions réalisées, soit un taux d'exécution de 0,2%. Ce taux est de 2,4% pour les OQTF concernant les ressortissants marocains, et de 4% pour les Tunisiens. 

Emmanuel Macron, qui avait promis au début de son quinquennat un taux d'exécution des reconduites à la frontière de 100% tous pays confondus, avait réclamé en juin à son gouvernement des mesures "opérationnelles très rapidement". 

Paris a choisi son moment, l'annonce intervient en effet au jour de la présentation prévue mardi après-midi par la candidate du RN à la présidentielle Marine Le Pen de son projet de référendum sur l'immigration.

Sous l’impulsion d’un Eric Zemmour surmédiatisé, la pré-campagne a donné la part belle ces derniers mois à ce thème. L'arrivée sur le devant de la scène du polémiste Eric Zemmour, qui entretient le suspense sur une possible candidature et ressasse le thème du "grand remplacement" par les musulmans, a encore focalisé le débat politique sur ces sujets, laissant peu de marge aux opposants à la politique migratoire de la France.

Alors que la gauche observe un silence complice, à droite, le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau a salué la mesure, tout en relevant que l'approche de l'échéance de la présidentielle n'y est peut-être pas pour rien. 

"On jugera le résultat" de la décision sur les visas, a réagi le président par intérim du RN Jordan Bardella.

Dans les rangs associatifs, Laurent Delbos, un spécialiste des questions migratoires pour Forum réfugiés-Cosi, parle de "chantage" de la France: "les Etats peuvent décider qui entre sur leur territoire", rappelle-t-il. 

Sur le plan international, l'annonce intervient dans un contexte diplomatique qui s'est tendu ces derniers mois.

Les relations entre Paris et Rabat sont parasitées par la volonté de la France de « faire rentrer dans les rangs » un Maroc en quête de développement et de coopération Sud-Sud.  

Les relations avec l'Algérie empêtrée dans une crise politique et économique inextricable restent, elles, compliquées seulement par la question mémorielle.  

Le président algérien Albdemadjid Tebboune a de nouveau réclamé en juin une reconnaissance des faits survenus pendant la colonisation de l'Algérie par la France (1830-1962), alors qu'Emmanuel Macron a engagé ces derniers mois une série d'actes symboliques, dont, début septembre, sa demande de "pardon" aux harkis au nom de la France.

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