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Le peuple élu : 1/3 – Un peuple de droit divin – Par Naïm Kamal
Ni occupation ni poussée chronique des colonies, ni murs de séparation ni politique d’apartheid, ni siège de Gaza ni absorption continue de terres palestiniennes, Hamas serait sorti de nulle part. Dès lorst que la Palestine est une terre sans peuple, réservée il y a deux mille ans par le Tout Puissant à un peuple sans terre…
Par Naïm Kamal
Depuis sept mois, et sauf à de très rares exceptions, heure après heure, jour après jour, il n’y a pas une dépêche ou un article dans les médias occidentaux, qui ne comporte pas une litanie ramenant la guerre au 7 octobre aux « commandos du Hamas […qui ] ont mené une attaque inédite contre Israël », réduisant dans le même temps la massive campagne militaire israélienne à de simples « représailles ».
Peu regardants, ces médias, leurs commanditaires et la bienpensence régnante refusent de voir ce que cette litanie a de goebbelsien. Joseph Goebbels, théoricien et maitre d’œuvre la propagande nazie, a conçu, l’aurait-on oublié, la répétition constante et le matraquage d'un message comme moyen imparable de convaincre le public de sa véracité, même s'il était faux ou exagéré, pour l’enraciner dans l'esprit de ses auditeurs à en devenir truisme.
Les animaux humains
L’idée centrale de la propagande israélienne, plus généralement sioniste, est que le gentil Israël est en Palestine depuis l’aube des temps. Que tout était bien dans meilleur des Eden avant l’attaque des combattants palestiniens. Avant ? Ni occupation ni poussée chronique des colonies. Ni murs de séparation ni politique d’apartheid. Ni siège de Gaza ni absorption continue de terres palestiniennes. Pas plus qu’il n’y avait d’Oslo ou des mains de l’extrême droite juive pour tuer le processus d’Oslo en assassinant Yitzhak Rabbin au milieu d’un meeting pour la paix. Rien !
Rien et Hamas serait sorti de nulle part. Dès lors que la Palestine est une terre sans peuple, réservée il y a deux mille ans par le Tout Puissant à un peuple sans terre, pourquoi pas ?
Rien encore, avant que des hordes d’animaux humains sortent sans ultimatum de leurs tanières boire du sang d’enfants, massacrer de joyeuses fêtes de mariage, violer des épouses sous les yeux de leurs maris, trucider de jeunes filles dansant au festival de musique de Réïm, passer à la tronçonneuse la douceur de vivre faite Israël. A la fois incarnation et expression de la bestialité dans toute sa laideur. La suite n’est que conséquence et légitime défense.
Ce qui explique en partie pourquoi le lendemain de cette attaque, tout ce que le monde compte de responsables et de médias sionistes et pro-israéliens s’est abattu sur le patron de l’ONU dans une avalanche inédite de critiques et d’injures. La moindre des insultes a été l’accusation-muselière d’antisémitisme. Le crime d’Antonio Guterres, secrétaire général des Nations Unies, a été d’oser déclarer que cette attaque n’était pas « sans antécédents » en allusion à 75 ans d’occupation, d’humiliations, de déshumanisation, de tueries et de 16 ans de blocus de Gaza.
Il aura ainsi fallu 200 jours de bombardements sans répit, soutenus par un flux tendu de livraisons d’armes et de munitions américaines et plus généralement occidentales, de plus de 35.000 tués dont plus de deux-tiers d’enfants et de femmes, la destruction indiscriminée de la bande de Gaza, l’élimination d’environ 130 journalistes, témoins gênants, pour que l’on assiste à un balbutiement de réveil des consciences qu’on tente d’étouffer dans l’œuf au mépris de tout ce qu’ils nous ont seriné sur les droits de l’homme et la liberté d’expression.
Un concept génocidaire
En dépit de l’ampleur du carnage et de l’énormité des dérapages langagiers des responsables israéliens qui en disent long sur leur état d’esprit et trahissent leurs véritables intentions génocidaires, les capitales influentes du monde persistent à refuser de parler de nettoyage ethnique et de guerre d’extermination. Répugnent jusqu’à leur imposer un cessez-le-feu. Alors même que l’idée du génocide s’exprimait dans le discours sioniste bien avant qu’il ne soit mis en chantier.
Le concept, « un peuple sans terre pour une terre sans peuple », largement déployé par le mouvement sioniste bien avant sa fondation officielle en 1897, pour justifier l’occupation de la Palestine, comportait déjà en lui les germes de la négation en marche d’une population arabe autochtone et d’un génocide à venir en concevant à l’époque ce territoire sans aucune vie dessus. Ne leur restait plus qu’à rendre effective cette mystification. Serait-il alors exagéré de penser que c’est qui se passe sur ce territoire depuis 1948, passé actuellement à la vitesse supérieure, est une mise en œuvre de ce concept qui se retrouve en corollaire de la notion, ségrégationniste et exclusive dans son essence, du «peuple élu » destiné par la décision souveraine d’une puissance immanente à une « terre promise ».
Peu d’entre nous ignorait les réalités brièvement rappelées dans cet article et on savait qu’Israël faisait tout pour passer pour un peuple de droit divin. Pourtant beaucoup d’entre nous ont opté pour le ‘’réalisme’’ et le ‘’pragmatisme’’. Volontiers ils ont voulu croire à un possible vivre-ensemble avec le fait accompli israélien, comptant sur ceux qui, en Israël, et ailleurs, peuvent se révéler comme des Justes et dont certains commencent à peine à se manifester pour appeler timidement à la création d’un Etat palestinien*.
Dire ainsi que ceux qui ont adhéré au processus dit de normalisation avec l’Etat hébreux sont dépités est un faible mot. Une consolation toutefois : l’adhésion sans conditions au principe de la coexistence et de dialogue des cultures a eu au moins le mérite de montrer qu’Israël dans sa globalité n’est pas intéressé par la vie en paix avec son voisinage. Et la guerre d’extermination en cours, outre qu’elle amis dans la plus grande gêne les partisans de la normalisation, a fait remonter à la surface les ressorts et les moyens d’une greffe qui ne veut pas prendre, parce que la supposée menace qui planerait sur son existence lui sert de rente dont elle tire sa puissance et les libertés qu’elle prend avec le droit internationale.
Ce faisant Israël ne saisit pas que ce faisant, il a rendu à sa banalité le peuple israélien qui se voulait particulier et se vendait comme tel. Une banalité toute humaine, prédatrice, revers de l’humanité dont ce qu’elle a de hideux, qui use de la violence sans retenue comme outil de l’occupation et de l'expansion, souvent justifiée par des idéologies prétendument civilisatrices, mais intrinsèquement suprématistes dans leur vécu, dans leur comportement et dans leur expression. Et ce n’est pas là une assertion, il suffit d’ailleurs d’écouter parler les membres du cabinet de guerre israélien pour s’en convaincre**.
Demain : 2/3 - Au nom de la Shoah
*Nombre d’intellectuels juifs et d’anciens responsables israéliens ont produit des textes pour favoriser la paix et faire la solution de deux Etats. Ils sont restés inaudibles et peu relayés par les grands médias qui font plutôt de la place aux va-t-en-guerre
** L’ancien président français Charles de Gaulle qualifiait les Juifs d'Israël de "peuple dominateur et sûr de lui", fort probablement pour éviter de parler d’arrogance et de suffisance. C’était le 27 novembre 1967, lors d'une conférence de presse à l’Élysée.