Cinéma, mon amour ! de Driss Chouika - LES FRERES DARDENNE, LE CINEMA SOCIAL PAR EXCELLENCE

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Rosetta - “On ne part pas de la métaphore en se disant qu’on va chercher quelque chose qui va l’exprimer... On part toujours de la réalité“ (Jean-Pierre Dardenne)

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Chronique ''Cinéma, mon amour !'' de Driss Chouika - CES MALEDICTIONS QUI  CONTINUENT A SAINGNER A BLANC LE CINEMA NATIONAL !

« Ce qui importe pour un film, c’est d’arriver à reconstruire de l’expérience humaine. Un choc, vu l’absence de cette expérience dans notre présent ». Luc Dardenne. 

Après leur troisième long métrage, bien prometteur, “La promesse“, présenté en 1996 à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes, leur cinéma bien original atteint vite un niveau international d’une grande envergure en rejoignant le club restreint des doubles lauréats de la prestigieuse Palme d’Or du Festival de Cannes, d’abord pour “Rosetta“ en 1999 (une jeune femme, vivant dans une roulotte avec sa mère alcoolique, qui perd son emploi, mène une lutte acharnée pour trouver une vie normale...), puis pour “L’enfant“ en 2005 (un couple de jeunes dans une extrême précarité, vivotant de l’aide sociale de la femme et les petits larcins de l’homme qui vend leur enfant nouveau-né pour gagner de l’argent...).

Les frères Dardenne ont constitué l’un des duos cinématographiques les plus unis et les plus fidèles à une ligne éditoriale bien précise, alliant leur engagement social à des choix esthétiques et thématiques bien définis. Ils ont ainsi pu élaborer une œuvre indépendante - dont ils sont à la fois producteurs, auteurs et réalisateurs - cohérente et exigeante. Ils sont aujourd’hui reconnus comme des créateurs uniques d’une esthétique et une narration cinématographique originales, basées sur un style concret et pratique, sobre et épuré. Leur caméra, toujours à l’épaule ou au poing, suit au plus près les visages tendus et les corps fébriles de personnages en lutte face aux difficiles conditions de la vie. Leurs personnages, campés en général par des acteurs non professionnels, sont filmés en longs plans-séquences, ou en une suite de captations de gestes et d’actions/réactions nerveuses et irritées, entrecoupées de silences et regards expressifs.

C’est ainsi qu’ils ont fini par être considérés, à la fois par les critiques et le public cinéphile, comme les plus éminents et authentiques représentants du cinéma social en Europe. Les aspects sociaux de la vie moderne de petites gens en perdition, croulant sous le poids écrasant de dures conditions de vie, sont au centre de leurs préoccupations : chômage, précarité, relations sociales difficiles... 

“Les frères”, comme les appellent leurs amis et collaborateurs, traitent surtout des conséquences désastreuses des crises socio-économiques et les difficultés de survie que cela pose aux personnes humbles et fragiles.

Ratant de peu une troisième Palme d’Or en 2014 pour “Deux jours, une nuit“ (Avec Marion Cotillard dans le rôle d’une mère-courage, une ouvrière revenue d’une dépression qui se bat pour conserver son emploi), ils remportent le Grand Prix en 2011 pour “le gamin au vélo“ (qui raconte la difficulté pour un jeune garçon de 12 ans, sans famille, de choisir une mère d'adoption), puis le Prix de la meilleure mise en scène en 2019 pour “Le jeune Ahmed“ (En Belgique, l’adolescent Ahmed est ballotté entre les idéaux de pureté prônés par son Imam et les appels de la vie).

UN CINÉMA SOCIAL À DIMENSION UNIVERSELLE

Le cinéma des frères Dardenne est ainsi bien ancré dans la plus pure lignée du cinéma social, à l’instar de celui de Ken Loach, traitant de thèmes sociaux puisés dans le vécu quotidien de personnages en situation précaires. Jean-Pierre Dardenne explicite clairement leur démarche cinématographique : “On ne part pas de la métaphore en se disant qu’on va chercher quelque chose qui va l’exprimer... On part toujours de la réalité“. Il s’agit, en général, de récits denses et déchirants, avec une écriture sobre et sèche, filmés dans un style documentaire.

C’est un cinéma social, puisant ses sources dans les conditions sociales belges, mais à dimension universelle. Un cinéma social tirant sa pertinence de l’état rugueux, brut, dur et imprévisible des réalités vécues. Un cinéma se passant dans des milieux où l’air est difficilement respirable, un monde en perdition où les valeurs et relations familiales, et humaines en général, sont progressivement disloquées et déglinguées ; le monde de la précarité, de la misère et des demandeurs d’emploi/chômeurs.

“Les frères“ sont également demeurés très attachés aux multiples dégâts causés par la crise économique et la dure et éprouvante survie des petites gens évoluant dans des situations de grande fragilité.

Leur style cinématographique naturiste et documentaire, dans sa forme et son contenu, est également bien ancré dans les plus pures traditions humanistes. Leur cinéma est un hymne ouvert aux valeurs humaines qui sacralisent le droit égal de tous à une vie décente et honorable. C’est un cinéma pur et exigeant envers la terrible brutalité du monde de la misère et de la précarité sociale, à la recherche inlassable d’un monde plus humain et plus vivable.

FILMOGRAPHIE (LM)

« Falsch » (1987) ; « Je pense à vous » (1992) ; « La promesse » (1996) ; « Rosetta » (1999) ; « Le fils » (2002) ; « L’enfant » (2005) ; « Le silence de Lorna » (2008) ; « Le gamin au vélo » (2011) ; « Deux jours, une nuit » (2014) ; « La fille inconnue » (2016) ; « Le jeune Ahmed » (2019) ; « Tori et Lokita » (2022).

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