Cinéma, mon amour ! de Driss Chouika - LES SALLES DE CINÉMA RESTESONT-ELLES ENCORE LES TEMPLES DE LA CINÉPHILIE ?

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Le Maroc est passé en quelques années d’un parc de 250 salles de cinéma à une trentaine de salles et complexes, avec 70 écrans environ ! Et comble de la décrépitude, nous avons dégringolé de 45.000. 000 tickets vendus par an à juste un peu plus d’un million

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Cinéma, mon amour !'' de Driss Chouika - LE CINÉMA UNDERGROUND : QUAND  L'AMÉRIQUE FAISAIT SON CINÉMA EXPÉRIMENTAL

« Il faut lever les yeux dans la salle de cinéma, on les baisse devant la télévision ». Jean-Luc Godard. 

Le cinéma a bien connu son âge d’or dans notre pays et les salles de cinéma avec. Elles ont bien été les temples des cinéphiles et de la cinéphilie et ont fleuri dans un milieu hautement favorable. Godard rehaussait bien leur statut en affirmait qu’« Il faut lever les yeux dans la salle de ciné

ma, on les baisse devant la télévision ». Les choses ont commencé à changer depuis, et Martin Scorsese “himself“ a fini par constater avec amertume que : « Depuis les années 1980, on ne regarde plus que les chiffres. (…) Le cinéma est dévalué, déconsidéré, amoindri de toutes parts, non pas tant sa part commerciale qu’artistique ».

Si en Occident l’état du cinéma évolue lentement vers de nouvelles formes de distribution et de diffusion, tout en gardant en moyenne son public, les choses ont évolué d’une manière bien brusque chez nous. Nous sommes passés en quelques années d’un parc de 250 salles de cinéma à une trentaine de salles et complexes, avec 70 écrans environ ! Et comble de la décrépitude, nous avons dégringolé de 45.000. 000 tickets vendus par an à juste un peu plus d’un million ! Quant aux ciné-clubs, qui avaient fleuri dans un terrain favorable à la cinéphilie et ses temples, atteignant le nombre de 84 à travers le pays, regroupant pas moins de 45.000 adhérents, ils ont fini par être réduits à une peau de chagrin, se comptant sur les doigts de deux mains, avec une activité bien occasionnelle !

Comment en sommes-nous arrivés en peu de temps à un état de délabrement aussi avancé ? La Chambre Nationale des Producteurs de Films (CNPF) avait présenté en 2017, à la direction du CCM et au Ministre de la Culture et de la Communication de l’époque, une étude sous forme d’un “Mémorandum : pour une structuration de notre cinématographie conforme aux aspirations du Royaume et aux attentes de ses populations“. Ce Mémorandum avait été remis également au Chef du Gouvernement lors de l’audience qu’il avait accordé au bureau exécutif de la CNPF le 02 janvier 2020. Il a finalement été présenté et remis à Mr le Ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication le 21 décembre 2021. Depuis, nous attendons toujours dans quelle mesure il va être tenu compte de ses propositions rationnelles susceptibles de redynamiser ce secteur en continuelle détérioration.

L’une de ses propositions, concernant justement les salles de cinéma, préconise l’élaboration d’une nouvelle conception de ces lieux de spectacles en précisant que « Ceci exige, évidemment, de mettre fin à la fermeture des salles de cinéma, de réhabiliter celles qui ont pour le moment cessé de fonctionner et d’en créer de nouvelles et ce, afin que tous les habitants aient tous le même accès au spectacle cinématographique. Dans cette optique, concernant les agglomérations dépourvues actuellement de salles de cinéma, nous suggérons l’élaboration d’un cadre économique favorable à l’investissement dans ce domaine. Cela pourrait prendre la forme d’un financement commun réunissant les régions concernées et des investisseurs privés dans le but d’édifier des salles multifonctionnelles pouvant servir en même temps de lieux de projection de films, de représentations théâtrales, de concerts musicaux ou de conférences, activités censées correspondre aux attentes et aux besoins des populations concernées ». Par ailleurs, le projet annoncé récemment par Mr le Ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication prévoit la création de 150 salles polyvalentes de spectacles, annoncée initialement pour la fin de 2022, puis recalée à 2024 pour des imprévus de livraison des équipements nécessaires. Espérons que ce projet finira par prendre forme.

Dans ce domaine, notre retard s’accumule par rapport au reste du monde. Avec plus de 70.000 écrans de cinéma, la Chine occupe la première place dans le monde. Elle est suivie des Etats-Unis par 41.000 écrans, puis vient l’Inde avec 9.500 écrans et la France avec 6.100 écrans dont 2.400 répartis en 1.130 salles d’Art et d’Essai, organisées au sein de l’Association Française des Cinémas d’Art et d’Essai (AFCAE), reconnue par le Ministère de la Culture depuis 1959.

Si les salles de cinéma conservent leur attrait en Occident et les pays à forte tradition cinématographique, des changements progressifs font évoluer les habitudes de distribution, de commercialisation et de consommation des films. Des écrans LED aux expériences de projection immersive, en passant par les nouveaux écrans “nouvelle génération“ aux multiples fonctionnalités, les innovations technologiques évoluent à grands pas.

Outre le “Home Cinéna“, ou le “Cinéma à Domicile“ comme préfèrent le nommer les français, aujourd'hui le premier mode de consommation des films, surpassant largement les salles de cinéma, on peut citer les quatre grandes innovations dans ce domaine :

- Le développement grandissant des écrans LED révolutionne réellement les systèmes de projection de films et poussent certains professionnels et critiques à se demander si les systèmes de projection traditionnels ne vont pas finir par disparaître à une échéance plus ou moins courte ?

- La technique dite de “réalité virtuelle“ est en train de révolutionner le dispositif de la salle de cinéma, grâce simplement à un casque qui permet au spectateur de se retrouver virtuellement immergé au cœur de l’action. Il peut même se retrouver invité à devenir acteur du film qu’il regarde !

- La nouvelle technique du film interactif, récemment dévoilée au Festival du Film Fantastique de Neuchâtel et dans certaines salles parisiennes. Comme la technique d’immersion virtuelle, elle propose des films interactifs, offrant une possibilité d’action participative avec plusieurs fins possibles.

- Le cinéma à 270 degrés a fait réellement son apparition à Paris, dans des salles parisiennes de Pathé Gaumont. Elles mettent en pratique la nouvelle technologie “Screen X“ qui étend l’image sur les murs latéraux, permettant une projection panoramique immersive à 270 degrés !

En France, la Fédération Nationale des Cinémas Français et le CNC ont créé en 2016 le “Prix de la Salle Innovante“. Par cette récompense, ils visent à « favoriser l’émergence de nouvelles pratiques et à inciter à l’innovation des salles de cinéma » en mettant en avant « les initiatives qui inventent une nouvelle manière d’exploiter la salle, que ce soit à travers l’architecture, les nouvelles technologies, la programmation ou encore l’animation ». Voilà. On n’arrête pas le progrès !

DRISS CHOUIKA

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